par Andrew Korybko.
Le Grand Partenariat eurasiatique représente le premier projet de la Russie visant à créer un ordre international véritablement fondé sur des règles, sur le modèle des principes inscrits dans la Charte des Nations unies. Son noyau, l'Union économique eurasiatique, servira de preuve de concept pour cette grande stratégie qui changera littéralement le monde et révolutionnera l'architecture politique et économique du supercontinent. Le résultat final est que tous deux accéléreront la transition systémique mondiale vers la multipolarité.
Le président Poutine s'est adressé jeudi par vidéo au premier Forum économique eurasiatique, aux côtés de ses homologues de l'Union économique eurasiatique (UEE), qui comprend également l'Arménie, la Biélorussie, le Kazakhstan et le Kirghizstan. Les grands médias occidentaux contrôlés par les États-Unis font grand cas du fait que Poutine « remercie Dieu » que certaines entreprises étrangères aient quitté son pays depuis les sanctions sans précédent imposées à Moscou pour son opération militaire spéciale en cours en Ukraine, mais cela ne tient pas compte de beaucoup d'autres choses importantes qu'il a dites pendant son discours. Le présent article en fera un résumé puisque le dirigeant russe a également abordé la grande stratégie géo-économique de son pays en Eurasie.
Il a commencé par rappeler à tous que les processus d'intégration eurasiatiques pertinents n'ont aucun lien avec les événements récents puisqu'ils les précèdent d'environ une décennie. Le président Poutine a également réaffirmé que le développement complet des liens avec les voisins post-soviétiques de la Russie a toujours été sa priorité absolue. Il est impossible d'isoler son pays, a-t-il dit, et celui-ci continuera à s'engager dans la région Asie-Pacifique, où les développements économiques sont les plus dynamiques. Cette orientation aidera également la Russie à se protéger des conséquences contre-productives des sanctions antirusses imposées par les États-Unis et l'Occident, qui ont entraîné, entre autres, une forte inflation, du chômage et de graves perturbations de la chaîne d'approvisionnement.
Ces armes économico-financières seront utilisées non seulement contre la Russie et peut-être un jour prochain contre la Chine, a prédit le président Poutine, mais aussi contre tout pays qui pratique une politique étrangère indépendante. Néanmoins, il est certain que l'Occident dirigé par les États-Unis ne sera pas en mesure d'arrêter la transition systémique mondiale irréversible vers la multipolarité, quels que soient leurs efforts désespérés. L'un des moyens d'accroître les chances d'un pays ciblé de survivre à cette guerre hybride est de donner la priorité à la substitution des importations, le dirigeant russe a reconnu que son État civil ne l'a pas fait de manière exhaustive, mais il a tout de même salué les succès remportés ces dernières années, qui ont, selon lui, contribué à protéger la souveraineté de la Russie.
C'est dans ce contexte qu'il a, de manière rhétorique, remercié Dieu pour le départ de certaines entreprises étrangères de Russie, car, selon lui, des entreprises nationales les remplaceront. Le président Poutine a également fait remarquer que la substitution des importations dans les domaines où elle s'est produite sera prioritaire, ce qui aidera la Russie à rattraper le temps perdu et les lacunes antérieures dans ces industries. Des feuilles de route pour l'agriculture et l'industrialisation ont déjà été préparées par l'UEE et une feuille de route pour les technologies numériques est en préparation, ce qui renforcera la complémentarité économique entre les membres du bloc. Les échanges commerciaux dans les monnaies nationales ont déjà lieu, tout comme l'utilisation de systèmes de paiement non-SWIFT, ce qui les protège des chocs extérieurs.
Dans un contexte plus large, le président Poutine envisage de faire de l'UEE le cœur du Grand Partenariat eurasiatique (GPE), qui fait référence à la grande stratégie adoptée par son pays au milieu de la dernière décennie et qui vise à une intégration complète avec le reste du supercontinent. Les événements récents ont amené la Russie à donner naturellement la priorité à ses partenaires du Sud, en particulier la Chine et l'Inde, mais aussi les autres membres de l'ANASE et de l'OCS. Il estime qu'un engagement plus proactif avec eux est nécessaire pour concrétiser cette vision ambitieuse, et il a proposé à cette fin des maisons d'exportation et de commerce, une compagnie d'assurance eurasiatique, des zones économiques transfrontalières spéciales et des conseils d'entreprises.
La partie la plus importante du discours du président Poutine s'est déroulée vers la fin, lorsqu'il a déclaré : « Il est temps d'élaborer une stratégie globale pour développer un partenariat eurasiatique à grande échelle. Elle doit refléter les principaux défis internationaux auxquels nous sommes confrontés, déterminer les objectifs futurs et contenir des instruments et des mécanismes pour les atteindre. Nous devons envisager de nouvelles mesures pour développer notre système d'accords de commerce et d'investissement, en partie avec la participation des pays membres de l'OCS, de l'ANASE et des BRICS... Il ne serait pas exagéré de dire que la Grande Eurasie est un grand projet civilisationnel ».
Selon les propres termes du dirigeant russe, « le Grand Partenariat eurasiatique est destiné à modifier l'architecture politique et économique et à garantir la stabilité et la prospérité sur l'ensemble du continent - naturellement, en tenant compte des différents modèles de développement, des cultures et des traditions de toutes les nations ». En d'autres termes, le GPE représente le premier projet de la Russie visant à créer un ordre international véritablement fondé sur des règles, sur le modèle des principes inscrits dans la Charte des Nations unies. Le noyau de l'UEE servira de preuve de concept pour cette grande stratégie qui changera littéralement le monde et révolutionnera l'architecture politique et économique du supercontinent. Le résultat final est que le GPE accélérera la transition systémique mondiale.
Les médias occidentaux dirigés par les États-Unis ont délibérément omis de rendre compte de cette partie cruciale de son discours, se focalisant sur les remerciements rhétoriques qu'il a adressés à Dieu pour le départ de certaines entreprises étrangères sous la pression de sanctions illégales. La raison de cette censure de facto est probablement qu'ils veulent maintenir leur public cible dans l'ignorance du rôle majeur de la Russie dans la transition systémique mondiale vers la multipolarité. Après tout, ces faits « politiquement gênants » réfutent le « récit officiel » selon lequel les sanctions ont conduit à « l'isolement mondial » de la Russie. C'est manifestement un mensonge puisque la Russie se prépare activement à faire de son UEE la pièce maîtresse de la multipolarité, comme le prouve le discours du président Poutine.
source : One World
traduction Réseau International