Mali: les troupes françaises quittent définitivement la base militaire de Tessalit. DR
Les anciennes colonies cherchent ailleurs un soutien militaire après des années d'opérations bâclées.
Par Rachel Marsden
Publié le 6 juin 2022 sur RT.com
L'influence française en Afrique a longtemps été considérée comme acquise, à tel point que les médias français ont un nom pour cette relation : « Françafrique ».
L'implication est que Paris a toujours des liens historiques et linguistiques avec ses anciennes colonies riches en ressources sur le continent, ce qui devrait automatiquement se traduire par des privilèges militaires, économiques et politiques. Mais un nouveau monde émerge dans lequel la sphère d'influence africaine de la France n'est plus un acquis.
Lors de la visite du ministre malien des Affaires étrangères Abdoulaye Diop à Moscou au début du mois, son homologue russe Sergei Lavrov a déclaré que le « mécontentement de la France face à l'intention des dirigeants maliens de demander l'aide de forces de sécurité extérieures n'est rien d'autre qu'une récurrence de la mentalité coloniale ».
Les troupes françaises sont présentes au Mali depuis le lancement de l'opération Serval sous l'ancien président François Hollande en 2013 pour soutenir le gouvernement malien contre les djihadistes, et leur présence a ensuite été étendue à la région du Sahel, une vaste ceinture qui s'étend sur le continent africain au sud du désert du Sahara. Vers la fin de cette année-là, l'ancien président du Tchad, Idriss Deby, a plaidé pour une extension de la mission malienne dirigée par la France dans laquelle servent les soldats de son pays, de peur que la région ne se transforme en « sanctuaire terroriste. » Peu de temps après, une série d'attaques terroristes islamiques sur le sol français a fait en sorte que les opérations apparemment sans fin dans la région soient facilement vendues au public français comme des missions de contre-terrorisme et de renseignement.
Neuf ans plus tard, le président Emmanuel Macron a fait du théâtre de combat africain une vitrine de son rêve de créer une nouvelle entité de « défense européenne » avec la participation d'autres partenaires européens. La Task Force Takuba de l'UE, lancée en 2020, semblait destinée à être exactement cela.
Les missions de la France et de l'UE ont connu un tel « succès » dans la lutte contre l'extrémisme islamique que les djihadistes ont fait des percées sans précédent au Mali, convainquant les habitants d'abandonner leur allégeance à l'État en faveur de leur domination sous la loi islamique. Une sorte de « Big Bang » djihadiste déclenché par la pression militaire occidentale a également poussé certains groupes djihadistes à quitter les zones contrôlées par l'Occident pour s'installer dans d'autres, a déclaré l'ancien ambassadeur français Nicolas Normand à France Culture.
Les Occidentaux ont été si « habiles » à stabiliser le pays qu'un nouveau coup d'État au Mali a amené un gouvernement dirigé par l'armée au pouvoir en 2021. Il y avait encore des milliers de militaires français dans le pays - malgré la promesse antérieure de Macron d'un retrait - lorsque ce nouveau gouvernement a demandé à la France de partir « sans délai. » Visiblement pas du genre à renoncer à ses rêves, Macron a répondu en février 2022 en annonçant un redéploiement des troupes françaises et européennes ailleurs dans la région. Le président français s'en est également pris à la Russie avant que la porte du Mali ne se referme, en déclarant que les efforts de lutte contre le terrorisme ne peuvent « justifier une escalade de la violence par le recours à des mercenaires dont les abus sont documentés en République centrafricaine et dont l'exercice de la force n'est encadré par aucune règle ou convention ».
La France et 15 de ses partenaires de l'UE ont publié l'année dernière un communiqué critiquant la présence signalée de l'entrepreneur russe de sécurité privée Wagner Group au Mali à l'invitation du gouvernement. Le Premier ministre malien par intérim, Choguel Maïga, a fait référence à des « soldats et formateurs » russes, tout en affirmant ne rien savoir de Wagner. Dans une récente interview accordée à la chaîne italienne Mediaset, M. Lavrov a déclaré que la Russie avait « signé un accord avec le gouvernement malien pour la fourniture de services de sécurité ». Le ministre russe des Affaires étrangères a également souligné que l'ancien ministre français des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian et le {chef de la diplomatie de l'UE} Josep Borrell lui ont dit que « la Russie n'avait rien à faire en Afrique, ni par des moyens étatiques ni par des moyens privés, parce que l'Afrique est une zone {d'intérêt} de l'UE et de la France. »
À la lumière du Mali qui perd le contrôle de son propre territoire aux mains des djihadistes et qui voit des gouvernements qui finissent par être déposés par des coups d'État répétés, tandis que les nations européennes se tiennent à l'écart et prétendent faire des progrès, peut-être les personnes qui dirigent maintenant le spectacle au Mali sont-elles simplement intéressées à tester différents fournisseurs de services militaires et de sécurité ?
La France n'a jamais serré ses perles et exprimé son indignation lorsque l'ancien Navy SEAL, fils d'un donateur du Parti républicain, a rassemblé d'anciens hauts responsables de l'armée et des services de renseignement pour créer la société militaire Blackwater, dont les entités dérivées et l'ancien fondateur ont ensuite servi les États-Unis et d'autres gouvernements étrangers dans le monde entier dans une capacité militaire commerciale. L'UE n'a pas non plus semblé s'inquiéter lorsque l'ancien lieutenant de l'armée britannique James Le Mesurier, après avoir travaillé pour le contractant privé londonien Olive Group (qui a ensuite fusionné avec la société qui a finalement absorbé Blackwater), a fondé les Casques blancs, qui se sont immiscés dans le conflit syrien avec leurs « reportages » sur le terrain très discutables qui semblaient destinés à déformer l'opinion publique en faveur du programme occidental anti-Assad dirigé par les États-Unis.
L'UE vient également de passer les deux derniers mois, depuis le début du conflit en Ukraine, à aider le président ukrainien Volodymyr Zelensky à hauteur de milliards de dollars en soutien militaire, alors que les responsables ukrainiens appellent ouvertement des mercenaires étrangers à venir combattre dans le pays, où ils se verraient offrir 2 000 dollars par jour. Non seulement l'UE soutient tacitement l'activité des mercenaires privés occidentaux en Ukraine, mais elle contribuerait également à créer un boom dans ce secteur.
Les mercenaires ont tendance à entrer en scène lorsque les gouvernements et les États ont échoué - ce qui est manifestement le cas de la France et de l'UE en Afrique. Ils pourraient donc peut-être nous épargner l'indignation morale sélective.
Source: rt.com
Photo: africatopsuccess.com
Traduction Arretsurinfo.ch