14/06/2022 investigaction.net  21min #210171

Elon Musk peut-il sauver le Sri Lanka de la servitude pour dettes

Le milliardaire pourrait-il racheter cette île stratégique de l'océan Indien? C'est le souhait de certains manifestants, alors que le Sri Lanka traverse une grave crise. Depuis Colombo, la Dr. Darini Rajasingham-Senanayake nous en explique les tenants et aboutissants. À quelques milliards près, le rachat de la dette sri lankais n'est pas beaucoup plus lourd que celui de Twitter. Mais dans le contexte de la nouvelle guerre froide, les enjeux sont sans doute plus importants... (IGA)


Le week-end dernier [5 juin], portant des masques de Jokers, un groupe de manifestants «   Aragalaya » a demandé à Elon Musk d'acheter le Sri Lanka, pays stratégique et pittoresque situé au centre de l'océan Indien, pour seulement 50 milliards de dollars. Ils avaient enchaîné 50 jours de manifestation sur la promenade maritime du parc Galle Face à Colombo dans un contexte de pénurie réelle et provoquée de nourriture, de carburant, d'engrais et de fournitures médicales dans tout le pays.

Elon pourrait-il délivrer le Sri Lanka de sa dette envers  le FMI et les négociants d'obligations souveraines basés aux États-Unis, dont les cabinets d'avocats font la queue pour dépouiller les actifs de cette stratégique nation insulaire ?

Elon Musk compte parmi les hommes les plus riches de la planète. Récemment, il a proposé d'acheter Twitter pour 44 milliards d'euros. Mais selon certains manifestants, le Sri Lanka, belle île de l'Océan indien située sur les principales voies de communication maritimes mondiales (SLOC), à un carrefour de câbles de données sous-marins, serait un bien meilleur investissement pour 50 milliards d'euros. Surtout pour un jeune prodige du Big Data qui aime les défis à l'ère de la guerre froide 2.0 et des cyberguerres mondiales ! De fait, le Sri Lanka est perpétuellement dans la ligne de mire des rivalités entre grandes puissances.

Cinquante milliards de dollars, c'est le coût estimé de la dette du Sri Lanka. Cependant, les dettes comme celles engendrées par le covid-19 reposent dans de nombreux pays du Sud sur un jeu de chiffres où les données sont provisoires, où l'expertise et la transparence manquent et où la sécurité des données est inexistante. Les statistiques peuvent en outre être facilement manipulées par des acteurs extérieurs à travers la « datafication », le colonialisme numérique et le piratage de données. En 2020 par exemple, dans un contexte de panique avec les confinements et une vaste opération militarisée de vaccination promue par l'OMS, des données ont mystérieusement été effacées au sein de l'Autorité nationale de réglementation des médicaments (NMRA), alors que d'énormes sommes d'argent étaient dépensées pour les vaccins 1.

Les données sur lesquelles repose le calcul de la dette du Sri Lanka sont contestées, car les serveurs du gouvernement et d'autres bases de données ont été piratés par le passé. Pourtant, le Consensus de Washington (composé de la Banque mondiale et du FMI) ainsi que le Club de Paris font maintenant planer le risque de la servitude pour dettes sur l'île stratégique alors qu'elle a fait défaut en avril sur les paiements aux négociants d'obligations souveraines basés aux États-Unis.

Ainsi, le « capitalisme du désastre » défini par Naomi Klein dans son livre « La Stratégie du choc » devient de plus en plus une réalité vécue au Sri Lanka. Au moment où les pénuries coordonnées de nourriture, de carburant, d'engrais et de médicaments provoquent des kilomètres de file, le FMI déroule son traitement de choc en annonçant que le pire est à venir.

Le FMI et le Club de Paris ne faisant pas de différence entre « illiquidité » et « insolvabilité », le spectre de la famine et des émeutes de la faim est brandi par divers commentateurs, notamment le nouveau Premier ministre et coqueluche de Washington, Ranil Wickremesinghe.

La famine est un choix politique

L'économiste Amartya Sen, lauréat du prix Nobel, a montré il y a longtemps que la famine est un choix politique et stratégique plutôt que le résultat d'une pénurie de production alimentaire. Dans son livre  Poverty and Famines (1981), Sen a montré que, bien que la nourriture ait été récoltée en quantité suffisante pendant les périodes de famine, la distribution inadéquate et l'inégalité d'accès à la nourriture étaient les causes immédiates des famines dans l'histoire du monde.

Les études historiques de Sen sur la famine au Bengale et dans d'autres contextes asiatiques ont remis en question l'hypothèse selon laquelle la diminution totale de la disponibilité des aliments (DDA) était la principale cause de la famine. Ses études ont aussi montré comment les facteurs politiques et les décisions gouvernementales affectaient l'accès à la nourriture : en effet, un léger déséquilibre dans la production alimentaire peut entraîner de fortes augmentations ou diminutions des prix, tandis que les politiques gouvernementales peuvent être à l'origine d'échecs en matière d'aides.

Amartya Sen a également fait valoir que la disponibilité de la nourriture peut changer pour un certain nombre de raisons autres que les déficits de production - par exemple, des changements dans les prix des biens et services, de nouvelles règles de rationnement, des blocages de transport, des infestations des cultures par des parasites, ou la perturbation des canaux de distribution de la nourriture provoquée par la guerre.

À cette liste de causes d'insécurité alimentaire, on peut ajouter la spéculation des négociants en contrats à terme sur les produits de base au niveau mondial et local, la militarisation de la nourriture par le biais de sanctions et de guerres commerciales ainsi que la perturbation systématique, coordonnée voire cybernétique des chaînes de transport et d'approvisionnement et des bases de données sur la sécurité alimentaire. 2

En bref, la famine est un choix politique et stratégique dans un monde où les marchés libres relèvent du mythe. C'est d'autant plus vrai à l'époque actuelle où les chaînes d'approvisionnement en nourriture et en carburant sont perturbées par des attaques commerciales et des cyberguerres, la « datafication » et le colonialisme numérique. D'ailleurs, en cette période de pénuries annoncées, les compagnies pétrolières mondiales n'ont jamais fait autant de profits ! De même, les grandes sociétés pharmaceutiques comme Pfizer ont réalisé d'énormes profits pendant les confinements Covid-19 et les pénuries annoncées de vaccins.

Au Sri Lanka, le récit de l'actuelle menace de famine et d'émeutes de la faim est généreusement promu pour alimenter la peur et l'anxiété, faisant des « émeutes de la faim » une prophétie plus ou moins autoréalisatrice. Ce récit semble donner directement écho au « capitalisme du désastre » défini par Naomi Klein. Elle a inventé cette expression en 2007 pour critiquer le néolibéralisme et son paradigme politique qu'elle définit par trois exigences phares : la privatisation, la déréglementation du gouvernement et les coupes sombres dans les dépenses sociales.

Selon Klein, le capitalisme mondial instrumentalise les catastrophes naturelles ou provoquées par l'homme, telles que les pandémies, les coups d'État militaires, les attaques terroristes, les crises économiques, les guerres, les tremblements de terre, les tsunamis, les ouragans. Le capitalisme mondial cherche ainsi à promouvoir son propre programme de renouvellement, de reconstruction et de profit. De tels désastres et de tels chocs déroutants sont propices à la production de discours effrayants et débilitants qui contribuent à suspendre le débat public et à supprimer les pratiques démocratiques. Cela permet aux capitalistes d'exploiter la fenêtre d'opportunités que les chocs traumatiques ont ouverte. (Klein, 2007)

Discussions sur la famine : Un candidat fantoche et la culture de la peur

Pendant les deux semaines de pourparlers entre la Banque centrale du Sri Lanka et le FMI, du 9 au 24 mai, les citoyens de l'île stratégique, qui souffrent depuis longtemps, ont été frappés par des pénuries sans précédent et clairement coordonnées de nourriture, de carburant, d'énergie, d'engrais et de médicaments - apparemment en raison d'un manque de dollars US, un manque exorbitant et de plus en plus instrumentalisé. Cela avait conduit l'île stratégique au coeur de l'océan Indien à un défaut de paiement de sa dette aux négociants d'obligations souveraines (ISB) basés aux États-Unis. Une première dans l'histoire du Sri Lanka.

Alors que tout le monde faisait distraitement la queue pour obtenir de la nourriture ou du carburant, alors que les protestations dégénéraient en affrontements violents et au moment où les négociations avec le FMI commençaient, le candidat fantoche de Washington au poste de Premier ministre du Sri Lanka, Ranil Wickremesinghe, a prêté serment le 12 mai. Un couvre-feu était à ce moment-là instauré dans toute l'île, avec les militaires dans les rues.

Le Premier ministre Wickremesinghe a fait de nombreuses déclarations remarquables au cours de sa première semaine de mandat. Il a affirmé que « le pire était à venir » et que l'île connaitrait probablement la famine avant que les choses ne s'améliorent. Les « deux prochains mois seront les plus difficiles de notre vie », a-t-il prévenu. Le FMI va préparer « une mise aux enchères » d'actifs nationaux stratégiques pour apaiser les détenteurs d'ISB. Confronté à sa pire crise économique depuis plus de 70 ans, le pays en était à son dernier jour d'essence lundi, a-t-il affirmé.

Wickremesinge a toutefois utilisé des données et des chiffres contestés pour calculer sa dette. Il a également induit les citoyens en erreur en affirmant qu'il y aurait des coupures d'électricité de 15 heures, alors que les réservoirs hydroélectriques ont reçu suffisamment de pluie pour maintenir la production d'hydroélectricité et l'approvisionnement en électricité. Il a brossé un tableau sinistre qui ressemblait à une menace voilée 3. Grâce à la peur, celui qui avait perdu son siège lors des dernières élections générales et qui manque de légitimité pourrait-il gouverner par décret?

Ce refrain annonçant le pire, avec des promesses de famine et d'émeutes clairement destinées à alimenter la peur, l'anxiété et la colère, est allé crescendo lorsque les pourparlers entre la Banque centrale du Sri Lanka et le FMI ont pris fin le 24 mai. L'issue des pourparlers étant loin d'être transparente, c'est comme si le traitement de choc infâme du FMI, qui comprend des mesures d'austérité, la vente d'entreprises publiques (SOE), la restructuration de la dette, etc., était déjà imposé aux infortunés citoyens du Sri Lanka, afin de détourner l'attention et de faciliter la vente bradée d'actifs stratégiques comme Sri Lankan Airlines. Mais une telle ligne de conduite ne risque-t-elle pas d'aggraver inévitablement la crise économique et sécuritaire nationale, comme cela a été le cas pour la Grèce, l'Argentine et de nombreux autres pays endettés?

Vers une sécurité alimentaire et énergétique nationale ?

Alors que les pénuries ont été imputées à l'absence de pétrodollars, il semble qu'il y ait eu une perturbation systématique et un piratage délibéré des chaînes d'approvisionnement nationales et des réseaux commerciaux internes.

Les pénuries de carburant se sont traduites par une augmentation des tarifs des bus et des trains, ainsi que des transports publics, mais surtout par une incapacité à transporter les produits agricoles des marchés de gros vers les villes et les magasins, ce qui a contribué aux pénuries alimentaires.

De même, les pêcheurs n'ont pas pu prendre la mer en raison de la pénurie de carburant pour faire fonctionner leurs bateaux, si bien que les prix du poisson ont atteint des sommets dans cette île qui importe du poisson en conserve alors qu'elle dispose d'importantes ressources halieutiques pillées par les États pratiquant la pêche lointaine.

Pénuries internes de nourriture et de carburant, telles que la grève des chauffeurs de camions-citernes d'une société privée de ravitaillement en carburant, autres conflits sociaux, mauvais temps empêchant le déchargement du carburant dans le port de Colombo, déraillement de trains de carburant, vacances de Vesak et problèmes de transport... Une multitude de raisons semblent s'être alignées pour produire une tempête parfaitement coordonnée de crise alimentaire, de carburant, d'énergie, de médicaments, d'engrais, de gaz de cuisson, etc.

Le résultat final a été que les agriculteurs n'ont pas pu acheminer leurs produits vers les marchés de gros et de détail. Ils ont vu leur récolte périr, comme cela s'était produit au cours des deux années précédentes lors des tristement célèbres confinements Covid-19. Une pénurie alimentaire mise en scène a laissé les magasins des villes avec des étagères vides.

Pourtant, le Premier ministre Wickremesinghe a demandé aux fonctionnaires de rester chez eux plutôt que de se rendre au travail pour régler d'urgence les problèmes de transport, de chaîne d'approvisionnement, de commerce et de services dans les secteurs de l'agriculture et de la pêche ! Plutôt que de donner la priorité au rétablissement des chaînes d'approvisionnement essentielles qui empêchaient les denrées alimentaires d'atteindre les marchés de gros et de détail et plutôt que d'étendre les services publics dans les secteurs de l'agriculture et de la pêche pour rétablir l'approvisionnement alimentaire, il a demandé aux fonctionnaires de rester chez eux en invoquant des difficultés de transport. Ainsi, alors que les produits des agriculteurs pourrissaient dans les campagnes, les magasins des villes arboraient des étagères vides. S'agit-il d'une répétition de la famine et des émeutes de la faim qui doivent encore avoir lieu ? !

Bons baisers de Russie

Fait remarquable, pendant les deux semaines de négociations avec le FMI et les pires pénuries de carburant jamais connues, des navires étaient amarrés dans le port de Colombo avec du carburant russe. Mais il n'y avait pas de dollars pour payer leur déchargement ! Pourtant, la Banque mondiale aurait accordé une subvention de 160 millions de dollars pour atténuer la douleur du traitement de choc du FMI qui a fait s'effondrer la roupie lankaise. Les 160 millions de dollars de la Banque mondiale, dont on a fait grand cas au début des négociations avec le FMI, n'ont pas pu être utilisés pour répondre aux besoins urgents de pétrole russe !

Les pénuries de carburant et de nourriture au Sri Lanka sont-elles une question de géopolitique énergétique ? Ou bien s'agit-il d'une éloquente démonstration de l'hégémonie du pétrodollar? Sans compter que les sanctions ont frappé la Russie et que M. Poutine a abandonné le dollar (et l'euro), préférant commercer en roubles ou dans toute autre monnaie. Alors que l'économie sri-lankaise s'est arrêtée, les médias mainstream du monde entier ont affirmé que la Russie et la guerre par procuration en Ukraine étaient à l'origine des pénuries. La confusion s'installe.

En ce moment, il est également apparu que le Sri Lanka ne peut pas utiliser le swap de 1,5 milliard de dollars de la Chine en raison des préoccupations du FMI ! « Il y a une condition relative aux mois de couverture des importations que nous devons avoir pour pouvoir puiser dans cet argent », a déclaré le Dr Indrajit Coomaraswamy, qui conseille le gouvernement sri-lankais, lors d'un événement organisé par la Banque centrale la semaine dernière. 4

La Chine a toujours résisté à l'idée de rejoindre les « donateurs d'aide » occidentaux du Club de Paris de l'OCDE qui restructurent la dette. Elle préfère négocier directement, de manière bilatérale, avec ses pays partenaires de développement des Nouvelles Routes de la Soie (NRS). Après tout, les efforts consentis en matière d'infrastructure par les NRS posent un formidable défi aux pays de l'OCDE dont le modèle de développement plus ou moins colonial constitue un piège à dettes. Le Sri Lanka est-il une fois de plus pris dans le feu de nouvelle guerre froide menée par Washington et ses alliés contre la Chine et l'Asie en pleine croissance?

La famine serait-elle mise en scène dans ce Sri Lanka qui semble devenir de plus en plus le théâtre d'une guerre par procuration entre les États-Unis et leurs partenaires du Quad contre la Chine? Le Sri Lanka a-t-il déjà perdu sa souveraineté politique et son autonomie au profit du FMI ? Le Dr Octopus cyborg ennemi de Spiderman, est-il en train de serrer et d'étrangler cette île stratégique de l'océan Indien qui se débat dans le piège de la dette du FMI ?

Privatisation et capitalisme du désastre

Ce qui n'a jamais été mentionné à propos des coupures d'électricité et de la flambée des prix des carburants et de l'énergie, c'est la privatisation de la centrale électrique de Yugadanavi. Elle a été vendue à une société américaine, New Fortress, dans le cadre d'un accord corrompu et conclu en pleine nuit en novembre 2021 par l'ancien président Rajapaksa, citoyen américain. Juste après, il s'est envolé pour New York afin de s'adresser à l'Assemblée générale des Nations unies. Il y a vanté ses politiques en matière d'énergie et d'engrais verts. Ces politiques ont conduit le Sri Lanka au désastre actuel !

C'est après la vente de la centrale électrique de Yugadanavi à Kerawelapitiya que l'île, bénie par deux moussons abondantes et une capacité considérable de production d'énergie hydroélectrique renouvelable, a connu de longues coupures de courant et une montée en flèche du coût de la production d'électricité !

Au cours de sa deuxième semaine au pouvoir, M. Wickremesinghe a également annoncé que la privatisation et la vente de Sri Lankan Airlines se profilaient à l'horizon dans le cadre de la restructuration de la dette et des réformes économiques. Au cours de son précédent mandat, Sri Lankan Airlines avait déjà failli être vendue à Texas Pacific Group (TPG), mais l'accord était tombé à l'eau, car TPG a été impliqué dans une action en justice du gouvernement australien pour démembrement d'actifs en 2017.

Alors que la pénurie apparente de dollars US au Sri Lanka a entraîné de multiples crises qui s'aggravent, des questions se posent : cette île stratégique de l'océan Indien est-elle de plus en plus le théâtre de guerres par procuration cybernétiques, commerciales et économiques pour le capitalisme du désastre? Dans la région indopacifique dite libre et ouverte, le Sri Lanka doit-il connaitre le même sort que l'Ukraine, pris dans le feu entre la machine de guerre US et son grand adversaire de la guerre froide?

Comprenant des aéroports, des ports ainsi que des infrastructures stratégiques de télécom et d'énergie, une liste d'actifs à privatiser et à dépouiller a déjà été préparée et publiée. Une vente au rabais de ces biens, compromettant encore davantage la sécurité nationale, la souveraineté et l'autonomie politique, se profilait à l'horizon dans le cadre des mesures d'austérité du FMI et de la restructuration des entreprises publiques criblées de dettes. Les sombres prédictions sur la famine et les émeutes de la faim, le « pire à venir », étaient-elles destinées à faciliter et à accélérer cette vente au rabais?

Il est apparu par la suite que le Premier ministre Wickremesinghe ne voulait pas accepter les subventions de la Chine qui auraient permis d'atténuer la crise jusqu'à ce qu'un accord soit conclu avec le FMI. De même, ses prédécesseurs Mahinda et Basil Rajapaksa avaient refusé les offres d'aide de l'Arabie saoudite et de l'Indonésie afin de servir sur un plateau le défaut de paiement au FMI et au Club de Paris. Peu importe le sort des gens qui croupissent dans les files d'attente pour de la nourriture et du carburant, des gens incapables de gagner leur vie et totalement appauvris !

Y a-t-il eu une tentative délibérée d'aggraver la crise et de distraire le public avec des promesses de  » pire à venir  » si les négociants internationaux d'obligations souveraines que représente le FMI n'obtiennent pas leur lot de chair fraiche?

Deux ans de confinement Covid-19, de masques et de déliquescence institutionnelle

L'ancien ministre de l'Agriculture, le Dr Hemakumara Nanayakkara, a prédit des « émeutes de la faim » et une famine en raison de la pénurie de semences et de matériel végétal, à l'heure où le maïs et le maïs doux semblent avoir remplacé la riziculture. Les semences et le matériel de plantation que le ministère de l'Agriculture avait l'habitude de produire sont désormais rares et doivent être importés par des entreprises du secteur privé, a-t-il souligné. Il est clair que le manque d'engrais chimiques n'est pas la seule raison de la mauvaise récolte de cette année. La faible production du pays est également due à l'utilisation de semences hybrides importées qui sont très dépendantes des produits agrochimiques.

Les départements de la pêche et des services de développement agricole ont été systématiquement perturbés pendant deux ans de confinement Covid-19, avec la privatisation et la commercialisation de toutes les fonctions de ces départements.

En Inde, les agriculteurs ont combattu les nouvelles lois qui devaient permettre aux multinationales de l'agrobusiness de prendre le contrôle du secteur agricole. Ces lois avaient été introduites en douce pendant les deux années de confinement. Les choses ne se sont pas passées de la même manière au Sri Lanka. Comme dans le secteur de la santé, la privatisation de l'agriculture a été accompagnée d'une désorganisation des institutions gouvernementales et des services de développement agricole.

Ces services ont été étouffés par la « datafication », le colonialisme numérique et le capitalisme du désastre qui se sont conjugués avec la mise en place du télétravail pour les fonctionnaires du gouvernement. Conformément aux recommandations de l'OMS, le télétravail a été promu dans ce pays du Sud, sans tenir compte de la fracture numérique.

À l'origine du dysfonctionnement actuel des institutions gouvernementales et de la flambée de corruption dans les secteurs de l'agriculture et de la pêche qui compromettent la sécurité alimentaire, il y a deux années de confinements inutiles et dévastateurs sur le plan économique, social et institutionnel ainsi que cette culture du télétravail qu'ils ont instaurée.

C'est en s'appuyant sur le précédent des confinements Covid-19 que le Premier ministre Wickremesinghe a conseillé aux fonctionnaires de rester chez eux plutôt que de se présenter d'urgence au travail pour régler les problèmes de la chaîne d'approvisionnement en nourriture et en carburant et les perturbations des services de développement. Plutôt que de donner la priorité au rétablissement des transports, du commerce et des chaînes d'approvisionnement alimentaire pour relier les terres agricoles aux villes et remettre le pays et son économie sur les rails, les fonctionnaires ont eu droit à des vacances - s'agit-il d'un sabotage délibéré d'une économie boiteuse ?

Les séquelles du Covid : des institutions affaiblies et une culture du télétravail

L'Organisation mondiale de la santé (OMS), les syndicats du secteur de la santé et des organisations comme la GMOA, la SLMA et P.C.R Kumudesh du syndicat des travailleurs techniques de la santé ont encouragé la culture du confinement et du télétravail, ainsi que la numérisation et l'informatisation. Nombre de ces organisations, financées par les grandes entreprises pharmaceutiques, ont réclamé avec véhémence des mesures de blocage débilitantes pour l'économie, la société et les institutions démocratiques, qui ne reposaient sur aucune analyse de données scientifiques spécifiques au contexte du Sri Lanka.

À l'heure actuelle, au milieu des manifestations d'Aragla et du maquignonnage au Parlement, alors que les médias locaux sont distraits par les réformes constitutionnelles et le 21e amendement, une troisième dose de Pfizer est administrée gratuitement malgré les récits sur la « pénurie de médicaments » et alors que le covid a disparu du pays. (Parce qu'il n'y a plus de tests PCR ?!)

Après avoir encouragé les confinements dévastateurs, distillé la peur du covid et promu la vaccination massive de la population, l'OMS ouvre à présent un compte bancaire commun avec le ministère de la Santé pour identifier les médicaments et les fournitures à acheter pour le Sri Lanka. Le tout dans un contexte de corruption généralisée du secteur de la santé.

Ne vivons-nous pas dans un monde qui récompense les crimes graves ? Qu'en est-il de la souveraineté et de l'autonomie de la politique nationale en matière de santé et d'économie à l'ère de l'informatisation, du colonialisme numérique, de l'effacement des données sur les serveurs du gouvernement et du nouvel impérialisme ?

Dans le cadre de ce nouvel impérialisme, l'OMS commercialise également en ce moment un dangereux traité mondial sur les pandémies visant à abolir l'autonomie corporelle et la souveraineté politique nationale. Les gouvernements indien et pakistanais ont pourtant contesté les données du rapport de l'OMS sur la surmortalité due au Covid-19 !

En dernière analyse, il est clair que deux années de confinement militarisé sur recommandation de l'OMS ont permis une flambée de corruption et encadrent la crise institutionnelle actuelle au Sri Lanka, mais aussi la spirale de la dette et du capitalisme du désastre. Ce dernier prospère sur le colonialisme numérique, ainsi que sur le commerce non numérisé et les ruptures de la chaîne d'approvisionnement et du commerce. Après tout, ce n'est plus un secret que les deux dernières années de confinements ont vu le plus grand transfert de richesse de l'histoire humaine.

Les confinements, la peur et la culture du travail à domicile ont affaibli les institutions gouvernementales et civiles, les processus politiques et les systèmes de contrôle, ainsi que l'autonomie politique et l'indépendance institutionnelle. Tout cela dans un pays du Sud où les fonctionnaires qualifiés et compétents pour exploiter et analyser les systèmes de données sont rares et où la fracture numérique est une réalité qu'aucun battage médiatique sur les données ne peut surmonter. L'autonomie et la souveraineté des politiques nationales de sécurité alimentaire ont ainsi été davantage érodées, ce qui a conduit à la crise actuelle. Avec pour résultat le déclin des services de développement et des institutions de contrôle de développement. Une culture d'apathie générale et de télétravail a également prospéré, affaiblissant encore et vidant même de leur substance les institutions de l'État et les agences devant soutenir l'éducation et la recherche.

Source originale:  Colombo Telegraph

Traduit de l'anglais par GL pour Investig'Action

Notes:

1 Nos débats reposent toutefois sur une hypothèse simple : la série de chiffres que nous utilisons pour mesurer l'économie est exacte, ou du moins suffisamment proche. Mais que se passe-t-il si ce n'est pas le cas ? Et si nous émettions de puissantes hypothèses sur l'économie à partir de statistiques qui, au mieux, ne sont qu'à moitié exactes ? Les débats économiques d'aujourd'hui sont au cœur de tous les pays du monde. Mais que faire si le monde dans lequel nous vivons n'est pas celui que les chiffres indiquent ? Des indicateurs tels que le PIB et l'indice des prix à la consommation donnent un aperçu de ce qui se passe dans cet ensemble complexe d'échanges que nous appelons « l'économie ». Mais comme le monde est devenu infiniment plus global et tridimensionnel, ces statistiques n'ont pas suivi le rythme. Elles ont toutes été développées il y a plus d'un demi-siècle, pour mesurer un monde d'États-nations, de guerre et de Grande Dépression. Elles ont été modifiées et affinées, mais elles restent les produits d'un monde différent. Le résultat est que nous utilisons un tableau de bord des années 1950 pour faire fonctionner une machine du XXIe siècle.  washingtonpost.com

2 Sanctions Are Weapons of Mass Starvation ANIS CHOWDHURY & JOMO KWAME SUNDARAM

Jun 1, 2022

3  firstpost.com

4  lankapage.com

 investigaction.net