17/06/2022 francesoir.fr  3 min #210411

Pegasus racheté par les États-Unis

Pegasus : la difficile cession du logiciel d'extorsion politique israélien

CHRONIQUE - Emmanuel Macron, Pedro Sanchez, Imran Khan. Sur leur téléphone, des traces d'intrusion du système d'écoute israélien, connu sous le nom de marque Pegasus, ont été détectées entre 2019 et 2021. NSO Group Technology Limited, l'entreprise qui commercialise ce logiciel espion, pourrait désormais le céder à L3Harris, groupe fournisseur en technologie de défense des États-Unis. L'information a d'abord été publiée par les quotidiens The Washington Post, The Guardian et Haaretz. La menace que représente Pegasus, en termes de sécurité institutionnelle, en fait un sujet stratégique de premier plan.

NSO Group est une société de culture d'intelligence mafieuse, fondée sur le principe du kompromat (dossier compromettant), ayant délibérément vendu son logiciel à des États voyous dans le but d'espionner des journalistes, des chefs d'États, des opposants. Il est démontré que c'est un outil qui sert à créer des situations d'extorsion, à tordre le bras à une toute série d'acteurs politiques. Récemment, le changement de politique de Pedro Sanchez sur la question du Sahara occidental, pris en totale solitude et sans signe avant-coureur, serait la résultante d'écoutes téléphonique de la part du système Pegasus, ordonnées par le Maroc. Sur l'affaire d'Imran Khan, ex-Premier ministre Pakistanais, difficile de dire si les écoutes auraient précipité la machination des Ides de Mars (avril dernier dans son cas), lors du vote de défiance qui a fini par destituer. Ça ne lui a pas porté bonheur, en tous les cas.

Les " Pegasus leaks", publiés par le journal The Guardian en 2021, affirment que les dispositifs téléphoniques de 13 chefs d'États ont été piratés par Pegasus entre 2019 et 2021. Et pas que des chefs d'États. Des figures centrales de la vie publique internationale, tels que Tedros Adhanom Ghebreyesus, secrétaire général de l'Organisation mondiale de la Santé (OMS).

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Si une partie du contre-espionnage consiste à entrer dans des systèmes fermés en trouvant la faille, une autre consiste à chercher la faille chez un sujet d'intérêt pour alimenter un chantage, le conditionner, l'évincer, selon son degré de résilience, voire en faire un obligé. Avec l'avènement de la technologie Android et Apple, pour une entreprise comme Pegasus, plus besoin de mettre du personnel en danger. C'est devenu un jeu d'enfant de pénétrer au cœur des secrets d'États.

En 2021, Amnesty International, au travers de son propre laboratoire, a fait procéder à  un audit sur le téléphone d'une infinitude de personnalités de la société civile, avocats, journalistes, membres d'ONG. Un rapport qu'il est bon de consulter pour s'informer sur les failles dont Pegasus a su tirer profit à partir de 2016.

Parmi les grands clients de NSO, se trouve le Maroc, grand consommateur de ce type de voyeurisme électronique. Le roi Mohamed VI en serait friand. Cela devrait améliorer ce que les amuses-gueules des frères Azaitar ne parviennent plus à combler, surtout depuis qu'il n'est plus en grâce à Paris. Mais c'est aussi le signe d'une diplomatie de l'extorsion portée à son paroxysme. Si son père Hassan II s'est distingué par le raffinement dans la torture de ses opposants, Mohamed VI le fait plus proprement par le chantage. Et cela, il n'aurait pas été capable de le faire sans Pegasus. Son nom fait partie de la liste des chefs d'État écoutés par le groupe israélien. Ce n'est pas un paradoxe. Dans ce genre d'environnement, il est courant de vouloir tenir en laisse les clients.

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