© JEAN-PHILIPPE KSIAZEK Source: AFP
La centrale nucléaire du Bugey située dans la gérion Auvergne-Rhône-Alpes photographiée le 25 janvier 2022 (illustration).
7 juil. 2022, 16:20
Le Premier ministre Elisabeth Borne a annoncé l'intention du gouvernement de renationaliser à 100% EDF. Mais l'entreprise reste une société anonyme et la vente à bas prix d'électricité à ses concurrents n'a pas été remise en cause.
«Je vous confirme aujourd'hui l'intention de l'Etat de détenir 100% du capital d'EDF. Cette évolution permettra à EDF de renforcer sa capacité à mener dans les meilleurs délais des projets ambitieux et indispensables pour notre avenir énergétique», a déclaré Elisabeth Borne dans sa déclaration de politique générale devant l'Assemblée nationale le 6 juillet.
Dix-sept ans après l'ouverture de son capital et son entrée en Bourse fin 2005, l'électricien reste largement public, détenu par l'Etat à près de 84%, par les salariés qui en possèdent 1% et par des actionnaires institutionnels et individuels pour les 15% restants. Mais le groupe est fortement endetté et confronté à de lourdes charges financières, présentes et à venir.
Le producteur d'énergie a subi des déboires, notamment dans la construction de son nouveau modèle de réacteur, l'EPR en cours d'installation à Flamanville (Manche), qui a plus de dix ans de retard et dont le coût a quasiment quadruplé. Un problème de corrosion affecte en outre une partie de son parc (12 réacteurs arrêtés sur 56), ce qui l'a cette année obligé à revoir plusieurs fois à la baisse son objectif de production.
En mai, EDF, dont le programme de maintenance a aussi été décalé par le Covid-19, estimait ainsi que la baisse de sa production nucléaire prévue en 2022 devrait réduire de 18,5 milliards d'euros son excédent brut d'exploitation.
Sa situation financière s'est également dégradée avec la décision du gouvernement de le contraindre à vendre davantage d'électricité bon marché à ses concurrents, sous prétexte de contenir la facture d'électricité des ménages et des petits professionnels.
Evoquant un attachement des Français à cette entreprise «stratégique», Elisabeth Borne a déclaré lors du journal télévisé de 20h sur TF1 que le gouvernement voulait ainsi «avoir le plein contrôle de cette entreprise et ... lui donner les marges financières pour les investissements qu'on attend d'elle».
«La transition énergétique passe par le nucléaire»
Le groupe compte en effet lancer un programme de nouveaux réacteurs, dits EPR2, tout en continuant à se développer dans le solaire et l'éolien. «La transition énergétique passe par le nucléaire», a martelé la Premier ministre, reprenant la position adoptée cet hiver par le président Emmanuel Macron.
Le chef de l'Etat avait annoncé en février la construction de six EPR, dont la première mise en service est attendue entre 2035 et 2037, avec un coût estimé à plus de 50 milliards d'euros. Le Parlement devra aussi se prononcer sur les choix énergétiques de la France, avec notamment une loi attendue en 2023.
«Nous devons assurer notre souveraineté face aux conséquences de la guerre et aux défis colossaux à venir. Nous devons prendre des décisions, que, sur ces bancs mêmes, d'autres ont pu prendre avant nous, dans une période de l'histoire où le pays devait aussi gagner la bataille de l'énergie et de la production», a également déclaré Elisabeth Borne.
Le président d'EDF poussé vers la sortie
En parallèle de cette reprise en main totale de l'Etat sur le capital d'EDF, le groupe s'apprête à officialiser le départ anticipé de son PDG Jean-Bernard Lévy, dont le mandat court normalement jusqu'en mai 2023, et le début du processus de recherche de son successeur, selon des informations du quotidien Les Echos.
L'action de l'entreprise a bondi (+14,53% à la clôture) à la Bourse de Paris, alors qu'elle perdait 5% avant l'annonce qui se profilait depuis quelque temps.
Mais pour Alexandre Grillat, secrétaire général de la Fédération CFE Energies cité par l'AFP : « Les problèmes d'EDF sont avant tout la sous-capitalisation et la sous-rémunération. Ce n'est pas parce qu'on renationalise qu'on renforce la structure en fonds propres d'EDF, cela ne résout pas son problème financier structurel.»
«Nationaliser l'entreprise avec un statut juridique de société anonyme, c'est de l'incohérence », a pour sa part estimé Sébastien Menesplier secrétaire général de le Fédération CGT Mines-Energie. Le syndicat appelle à en faire un Epic (établissement public à caractère industriel), à «sortir l'électricité du marché [et] arrêter le dispositif de l'Arenh», qui organise la vente à bas coût de l'électricité à la concurrence.
Il craint en outre que cette renationalisation soit le prélude à un nouveau projet de réforme, après la longue bataille menée autour du projet de restructuration porté par le gouvernement et la direction, et pour le moment suspendu.