Les 23 migrants décédés à Melilla le 24 juin sont morts "par asphyxie". C'est en tout cas ce qu'a conclu une mission d'information marocaine, mercredi 13 juillet.
"Vingt-trois migrants sont morts à la suite de la tentative de passage vers Melilla", a confirmé Amina Bouayach, présidente du Conseil national des droits de l'Homme (CNDH), un organisme officiel chargé d'enquêter sur les lieux après le drame. Le docteur Adil el-Sehimi, qui a pris part à cette mission, a dit privilégier la piste de l'"asphyxie mécanique" comme cause des décès.
Le drame était survenu alors que des centaines de milliers de migrants avaient pris d'assaut la frontière entre le Maroc et cette enclave espagnole, entraînant des "bousculades".
Le drame a eu lieu au niveau des tourniquets manuels
Dans son rapport préliminaire, le CNDH a décrit le mode opératoire de cet "assaut d'une singularité inédite". "Munis de bâtons et de pierres, les migrants, en majorité des Soudanais et venus en grand nombre, se sont séparés en deux groupes : le premier a pris d'assaut un poste frontière fermé depuis 2018 et le deuxième a escaladé les murs surmontés de barbelés avoisinants", selon le CNDH.
C'est au niveau de la zone tampon - équipée de tourniquets manuels permettant le passage d'une seule personne à la fois - du poste-frontière que le drame a eu lieu, précise-t-il.
"Un nombre important de migrants se sont retrouvés entassés dans cette zone étroite, ce qui a engendré des bousculades entraînant la suffocation des migrants", explique le Conseil, qui regrette que le poste-frontière soit resté fermé côté espagnol.
Outre les 23 morts - bilan inédit dans la zone -, un total de 217 personnes ont été blessées, 77 migrants et 140 policiers. Des humanitaires espagnols avaient, eux, fait état d'un bilan plus élevé de 37 morts.
Des autopsies toujours en cours
"Aucun corps n'a été enterré et il a été décidé d'effectuer des autopsies pour déterminer les circonstances des décès", a par ailleurs déclaré Amina Bouayach.
Dans les suites de la tragédie, des témoins sur place avaient affirmé que des tombes étaient en train d'être creusées, avant même la conduite d'une enquête, réclamée notamment au niveau international.
Les résultats de ces autopsies ne sont toutefois pas encore connus. Après l'examen des cadavres, le docteur Adil el-Sehimi, qui a pris part à cette mission, a dit privilégier la piste de l'"asphyxie mécanique" comme cause des décès, tout en préconisant d'attendre les résultats des autopsies qui sont "toujours en cours".
La police hors de cause
Les forces de l'ordre ont quant à elles été mises hors de cause. Ces dernières "n'ont utilisé aucune arme à feu", a estimé le CNDH.
L'ONU, l'Union africaine et des ONG avaient pourtant dénoncé "l'usage excessif" de la force de la part de la police lors de ces événements.
Des Maroc-Melilla : violences contre des migrants à la frontière de l'enclave espagnoleMaroc-Melilla : violences contre des migrants à la frontière de l'enclave espagnole avaient révélé une extrême violence. Sur ces vidéos, on pouvait voir des amoncellements de corps inertes gisant au sol, des visages de migrants en souffrance, et des coups de matraque distribués par des forces de l'ordre marocaines sur des hommes déjà à terre.
Réagissant à ces images, les autorités locales ont affirmé au CNDH qu'il s'agissait de "cas isolés". Le CNDH, de son côté, a argué que la répression faisait suite "au danger du nombre important de migrants armés de bâtons et pierres".
La tragédie du 24 juin faisait suite à une série de violents affrontements la semaine précédente au cours d'opérations de ratissage des forces sécuritaires visant des campements de fortune près de Nador.
Des dizaines de migrants poursuivis en justice
Suite à cet assaut, des procédures judiciaires ont été enclenchées. Un groupe de 28 migrants, dont un mineur, est poursuivi pour "entrée illégale sur le sol marocain", "violence contre agents de la force publique" mais aussi "participation à une bande criminelle en vue d'organiser et faciliter l'immigration clandestine à l'étranger".
Leur procès était censé s'ouvrir au tribunal d'appel de Nador mercredi mais il a été renvoyé au 27 juillet. Dans cette affaire, vingt policiers plaignants affirment par ailleurs avoir subi des violences de la part des migrants.
Trente-six autres migrants sont poursuivis dans le même cadre. Leur procès a lui été renvoyé au 18 juillet.
Au total, 64 personnes ont été arrêtées par les autorités marocaines le 24 juin.