• Le très-fameux Premier ministre (1997-2007) qui mena tambour battant le triomphe de l'"anglosphère" sur le monde au côté de son maître à penser G.W. Bush vous le dit aujourd'hui ! • Un seul jugement qui compte : « Nous arrivons à la fin de la domination politique et économique de l'Occident. » • Mélange d'adaptabilité de type-caméléon et de réserves pour ne pas trop paraître trahir la Belle-Cause, Blair ingurgite la nouvelle dynamique du monde parce qu'il sait qu'on ne peut faire autrement. • A chacun son ReSet, ici Tony Blair.
Mais avant que de laisser parler le toujours-jeune Tony Blair, occupons-nous des urgences : Biden descendant de l'avion, à Ryad, accueilli par un sous-fifre, le quinzième ou le vingtième prince, on ne sait, dans l'ordre de la très improbable succession à MbS ; lequel MbS, par contre, s'était déplacé pour accueillir les dirigeants des minuscules émirats du Golfe venus faire groupe autour de la potiche américaniste.
Triomphant, Biden nous confia plus tard qu'il avait osé aborder, avec MbS, le cas du Saoudien-journaliste Khashoggi (au Washington 'Post', rappelez-vous et excusez du peu) torturé et découpé en rondelles dans un consulat saoudien de Turquie ; MbS, lui, parla à Biden des gens que la CIA & Cie torturent quotidiennement dans leurs diverses officines. 'Strategic-Culture.org jugea de bonne guerre de faire un jeu de mots 'à-la-française' pour le titre consacré à la tournée de Biden au Moyen-Orient, avec arrivée triomphale à Ryad :
« Biden's Mideast Tour de Farce... Bankrupt U.S. Foreign Policy on Display ».
La rencontre de Ryad a donc été à l'image d'une situation générale dont on connaît la terrible dynamique. Reuters venait d'annoncer que l'Arabie avait importé de Russie, au second trimestre 2022, 647 000 tonnes du fameux pétrole russe (pour ses propres raffineries), soit 320 000 tonnes de plus qu'au second trimestre 2021. Et ' ZeroHedge.com ' écrivait vendredi, avant même la rencontre MbS-Biden :
« Pendant ce temps, l'administration Biden a déclenché un barrage de sanctions financières contre la Russie pour l'isoler du système commercial mondial afin de réduire ses revenus commerciaux. Toutes ces mesures se sont retournées contre les USA et ont permis à Moscou d'engranger des revenus pétroliers records.» Le président Biden rencontre le prince héritier Mohammed bin Salman (MbS) sans le roi saoudien Salman vendredi (le même jour où Anand annonce que les Saoudiens se préparent à demander leur adhésion aux BRICS). Il est prévu qu'aucune annonce publique sur l'augmentation de l'offre de pétrole ne soit faite, selon les sources de Bloomberg.
» La réunion de Biden avec MbS semble être une perte de temps et une simple opportunité pour une photo de groupe. L'objectif fondamental de la réunion, à savoir l'augmentation de la production de brut, ne se traduira pas par quelque chose de significatif. Biden doit s'efforcer d'accroître la capacité de production de produits pétroliers raffinés, tels que l'essence, le diesel et le kérosène, bien que cela échappe en grande partie à son contrôle et prendra des années.
» Le fait est que les Saoudiens ont besoin de fioul russe bon marché et qu'ils prévoient de rejoindre un club économique en expansion qui les éloignera des pays occidentaux et les alignera davantage sur la Russie et la Chine. La montée en puissance des BRICS et l'inclusion éventuelle des Saoudiens donneraient un aperçu de la perte de contrôle des États-Unis sur l'ordre international. »
C'est une des scénettes autour desquelles nous voulons présenter l'intervention extrêmement judicieuse de Tony Blair, l'ancien scintillant Premier ministre britannique, l'ami de GW Bush et le compagnon de guerre des USA en Irak, en Afghanistan et sous d'autres cieux. Écoutons-le lors de la conférence annuelle la fondation Ditchley, hier, selon les rapport plein de mauvais esprit qu'en fait RT.com, - mais les paroles restent les paroles... Par exemple, ce constat de Blair sur la situation actuelle du bloc-BAO :
« En raison des effets de la pandémie de Covid-19 et du conflit en Ukraine, "pour une grande partie de la population occidentale, le niveau de vie stagne..."...» "La politique occidentale est dans la tourmente, - plus partisane, plus détestable, plus improductive ; et alimentée par les médias sociaux", ce qui affecte à la fois les affaires intérieures et internationales... »
Cette amorce ne laisse rien présager de bon, même si, par ailleurs comme on le verra, il reste encore quelques chambres libres sur le 'Titanic'. Habile géopoliticien, ancien Premier ministre de Sa Majesté d'une décennie (1997-2007), aujourd'hui grisonnant et 69 ans, Blair juge que c'est la Chine qui va conduire le bouleversement du monde, plutôt que la Russie ; dans tous les cas, nous, bloc-BAO, sommes le bec dans l'eau...
« "Nous arrivons à la fin de la domination politique et économique de l'Occident. Le monde va être au moins bipolaire et peut-être multipolaire", a-t-il prédit.» La Chine, qui est "déjà la deuxième superpuissance mondiale", rivalisera avec l'Occident "non seulement pour le pouvoir mais aussi contre notre système, notre façon de gouverner et de vivre", a prévenu le politicien travailliste. Pékin "ne sera pas seul. Il aura des alliés. La Russie, c'est certain. Peut-être l'Iran".
"C'est la première fois dans l'histoire moderne que l'Est peut être sur un pied d'égalité avec l'Ouest", a-t-il ajouté. »
Il n'est pas sûr que l'ami GW, dans son ranch du Texas d'où il confond pour maudire les premières les hordes russes en Ukraine avec les 'guys prides' américanistes en Irak ("Vous savez, j'ai 75 ans"), doit apprécier, s'il le comprend précisément, l'avis de soin ancien compagnon de bordée.
Mais Blair-le-traître est un bon traître, c'est-à-dire un traître-habile, et comme les menteurs-habiles saupoudrent leurs mensonges de quelques grains de vérité, il assaisonnent sa trahison de quelques clins d'œil de fidélité. On en retrouve quelques traces ici, où il continue à discrètement exalter une sagesse rationnelle occidentale que les Chinois ignorent évidemment, comme le montre l'Histoire, et qui permettrait à l'Ouest de rester l'Athènes d'une Rome brutalement déplacée vers l'Est... (Narcissisme angliciste bien connu : MacMillan disait la même chose, en 1957, de UK [Athènes] par rapport à US [Rome].)
« L'ancien premier ministre a déclaré que les événements en Ukraine ont clairement montré que l'Occident "ne peut pas compter sur les dirigeants chinois pour se comporter de la manière que nous considérerions comme rationnelle". "Ne vous méprenez pas. Je ne dis pas qu'à court terme, la Chine tentera de prendre [l'île autonome de] Taïwan par la force. Mais nous ne pouvons pas fonder notre politique sur la certitude qu'elle ne le fera pas".» Afin de rester pertinent dans le nouvel environnement, l'Occident doit développer une stratégie commune, "poursuivie avec coordination, engagement et compétence", avec des dépenses de défense plus élevées pour "maintenir la supériorité militaire" tout en développant ce que l'on appelle le "soft power" en établissant des liens avec les pays en développement, a conclu Blair. »
A notre tour, ne nous méprenons pas. Le discours de Blair, outre nos moqueries sur le "traître-habile", reconnaît en théorie générale la perte de la suprématie occidentale, c'est-à-dire anglo-saxonne, en ajoutant qu'il faut que le bloc-BAO reste militairement le plus fort comme s'il l'était encore, avec une stratégie commune compétente et engagée comme celle qu'ils crient encore pouvoir avoir, et dominateur de la communication comme si c'était le cas. C'est-à-dire qu'il s'est adapté à la nouvelle dynamique du monde sans y rien comprendre, finissant par dire "Nous perdons notre suprématie mais tous nous invite à rester des suprémacistes dominateurs indirects à bon escient". Il ne faut s'étonner de rien avec Blair, qui a toujours, depuis son départ de Downing Street, plusieurs fers au feu, chacun lui rapportant sont lot de millions, en dollars et en yuans.
Qu'importe, - ce qu'on retient du discours est ce qui en fait les gros titres, - foin des contradictions tortueuses : « Nous arrivons à la fin de la domination politique et économique de l'Occident. » Il s'agit d'un signe important que cette nouvelle vérité-de-situation pénètre les esprits les plus insincères et les plus intéressés, y compris dans les élites du bloc-BAO. Cette dynamique psychologique forcée de prendre acte des tours pendables de politique et de la métahistoire, même en mettant des objections sur sa voie, concoure quoi qu'il en soit au développement et à la floraison des nouvelles choses, des "Cent-Fleurs" de la GrandeCrise. La toute-puissance de la communication se charge effectivement de répandre la "nouvelle vérité-de-situation", ainsi ne cessant d'accentuer son caractère d'irrésistibilité.
Mis en ligne le 17 juillet 2022 à 14H45