La météo clémente et de bonnes conditions de navigation ont poussé plus d'un millier de migrants, ce week-end du 23 et 24 juillet, à tenter de rejoindre l'Italie. Plus de la moitié d'entre eux, qui avaient pris place sur un bateau de pêche, ont été secourus samedi par un navire marchand au large de la Calabre, à l'extrême sud de la botte italienne.
Trois patrouilleurs des garde-côtes et une unité de la police financière ont été nécessaires pour cette opération de grande envergure. "Au total, 674 personnes ont été secourues", dont "certaines récupérées directement dans l'eau", indique un communiqué des autorités.
Il était en revanche trop tard pour cinq passagers, retrouvés morts dans l'embarcation par les garde-côtes. "La Méditerranée est en train de devenir le plus grand cimetière de désespérés", a réagi le président de la région Sicile, Nello Musumeci, dans un communiqué. Si les circonstances de leur décès restent encore indéterminées, il faut rappeler que les migrants qui prennent la mer pour les côtes italiennes voyagent sur des esquifs anciens et surchargés, dans des conditions sanitaires déplorables, souvent sans gilets de sauvetage, avec de maigres vivres, et sous un soleil de plomb.
D'après le média italien Il Gironale, leurs corps ont été transportés à Messine, en Sicile.
Les autres rescapés - dont 30 mineurs non accompagnés - ont été transférés, à bord de bateaux militaires italiens, dans plusieurs ports de Calabre et de la Sicile, précise le communiqué. La ville calabraise de Crotone a pour sa part accueilli 154 exilés, des hommes, pour la plupart originaires d'Égypte. Ces derniers, "malades à cause de la chaleur torride", ont été transférés dans le centre d'accueil Sant'Anna de la commune, géré par la Croix-Rouge italienne, indique El Corriere della Calabria.
La prise en charge des passagers de ce grand bateau de pêche, dont le lieu de départ n'est pas connu, est intervenu après d'autres sauvetages similaires menés par les garde-côtes, dans la même zone. Lors d'une de ces opérations, "il a fallu l'intervention d'un hélicoptère au départ de la base aérienne des garde-côtes de Catane, pour procéder à l'évacuation sanitaire d'une femme", ont indiqué les autorités.
"Un navire humanitaire" pour soutenir le hotspot
Les arrivées de migrants ont également été nombreuses, ce même week-end, sur l'île de Lampedusa, plus au sud. Au total, 522 personnes originaires notamment d'Afghanistan, du Pakistan, du Soudan, de l'Éthiopie et de Somalie ont débarqué dans la nuit de samedi à dimanche à bord d'une quinzaine d'embarcations différentes, en provenance de Tunisie et de Libye.
Parmi eux, d'après le quotidien La Sicilia, quatre ressortissants tunisiens, dont une femme, qui se sont échoués dans la nuit de samedi à dimanche sur la plage de Cala Pisana après avoir traversé le bras de mer qui sépare la Tunisie de l'île.
Simultanément, les garde-côtes ont intercepté un navire de 13 mètres, parti de Zaouia en Libye, avec à son bord 123 Pakistanais, Bangladais, Égyptiens et Soudanais. Une petite embarcation, partie de la ville tunisienne de Sfax (sud-est) avec 30 migrants, dont 10 femmes, originaires du Cameroun, de Côte d'Ivoire, de Guinée et du Burkina Faso a également été secourue.
Selon le média Live Sicilia, 1 871 personnes sont actuellement accueillies dans le hotspot de Lampedusa, seul centre d'accueil de l'île italienne, pour une capacité de 350 places. La surpopulation et les températures élevées rendent le séjour difficile pour les migrants. Bien que les premiers transferts se préparent déjà pour vider la structure, le maire de l'île, Filippo Mannino, a imploré la préfecture et le ministère de l'Intérieur de lui fournir "un navire humanitaire, au moins pour toute la période estivale". Et ce, afin "d'éviter la surpopulation" dans le centre. "Les risques sanitaires seraient évités et nous ne serions pas dans un hotspot d'urgence pérenne", a-t-il fait savoir.
La structure de Lampedusa dépasse régulièrement ses capacités d'accueil, surtout l'été. Le 12 juillet dernier, elle avait déjà été vidée de ses occupants alors que 1 850 personnes - dont des enfants et quatre femmes enceintes - y étaient accueillies dans des conditions déplorables. Quatre jours plus tôt, l'ancienne maire de l'île Giusi Nicolini avait publié sur Facebook une série de photos et vidéos choquantes, montrant l'intérieur du centre croulant sous les ordures, et des exilés contraints de dormir à l'extérieur sur des matelas en mousse.
Une situation qui n'a malheureusement rien d'exceptionnel, et qui pourrait même prendre de l'ampleur ces prochains mois. Entre le 1er janvier et le 22 juillet, 34 000 personnes sont déjà arrivées par la mer en Italie, contre 25 500 sur la même période de 2021 et 10 900 en 2020, selon le ministère de l'Intérieur. On reste néanmoins loin des 83 000 débarquements enregistrés en 2017.
"Blocus naval"
Ces nouvelles arrivées s'opèrent cependant dans un contexte politique tendu en Italie. Le pays, dont le système d'accueil des migrants est déjà tâtonnant, traverse une crise politique dont l'issue pourrait compliquer encore plus la situation des exilés. Après la démission du Premier ministre Mario Draghi le 21 juillet et la dissolution du Parlement, la menace d'une reprise de pouvoir par la droite et l'extrême-droite est en effet bien réelle.
"Le 25 septembre, les Italiens pourront enfin choisir le changement : pour le retour de la sécurité, du courage et du contrôle des frontières", s'est empressé d'écrire dimanche sur Twitter Matteo Salvini, leader du parti anti-immigration La Ligue, après les débarquements à Lampedusa. Le populiste répond actuellement devant la justice italienne de "séquestration" pour avoir bloqué illégalement en mer 147 migrants en 2019 dans des conditions sanitaires désastreuses en leur refusant de débarquer, alors qu'il était ministre de l'Intérieur. Les prochaines audiences doivent se tenir en septembre devant le tribunal de Palerme.
Depuis quelque temps, les chefs des partis d'extrême-droite Fratelli d'Italia, Giorgia Meloni, et celui de la Ligue, Matteo Salvini, plaident justement pour la nécessité de nouveaux décrets afin de cesser les débarquements, mais aussi les activités de sauvetage en mer. Giorgia Meloni avait par le passé proposé un "blocus naval", difficile à pratiquer, qui avait suscité de vives controverses en Italie.
Pour rappel, la route migratoire de la Méditerranée centrale est la plus dangereuse du monde. D'après l'Organisation internationale des migrations (OIM), malgré les nombreux sauvetages en mer opérés par les autorités italiennes et les ONG en mer, 828 personnes y ont perdu la vie depuis le début de l'année.