Gideon Levy, Haaretz, 7/8/2022
Voilà ce qu'a écrit la présidente du parti travailliste israélien Merav Michaeli, quelques minutes après qu'Israël eut une nouvelle fois lancé un assaut criminel sur la bande de Gaza, un instant avant le meurtre du premier nourrisson palestinien, qui ne sera pas le dernier : « Les résidents d'Israël méritent de vivre en sécurité. Aucun État souverain n'accepterait qu'une organisation terroriste assiège ses résidents.... Je soutiens les forces de sécurité ».
Benjamin Netanyahou n'avait pas encore réagi, Itamar Ben-Gvir ne s'était pas réveillé, Yoav Gallant n'avait pas encore menacé la tête du serpent, et déjà la leader de la gauche sioniste s'aligne sur la droite, salue les militaires et soutient une guerre qui n'avait même pas commencé. Cette fois, elle a même fait plus fort que Shimon Peres.
On ne peut pardonner à Michaeli son incroyable manque de sens moral : après quatre jours de bouclage partiel volontaire dans le sud, la leader de la gauche déclare qu'aucun État n'accepterait un « siège ». Sans sourciller, aucun État. Une membre du gouvernement qui est responsable d'un siège horrible de 16 ans ose être choquée par un bouclage partiel volontaire de 2 minutes. Au lieu de soutenir la retenue momentanée du gouvernement, qui a duré l'éternité de la vie d'un papillon (le temps passe, les élections approchent), le parti travailliste soutient une fois de plus une guerre choisie insensée, comme l'ont fait tous ses prédécesseurs. La gauche sioniste applique une fois de plus le deux poids-deux mesures. Peut-être qu'au moins maintenant, les partisans du centre-gauche vont comprendre : Il n'y a pas de réelle différence entre eux et la droite. Israël ne peut même plus prétendre qu'il n'a pas commencé cette guerre - dont le nom infantile, Operation Breaking Dawn, lui a été donné à la naissance - ou qu'il n'avait pas le choix. Cette fois-ci, ils ont même renoncé aux bruits de bottes préalables et sont allés droit au but : l'arrestation d'un chef du Jihad islamique en Cisjordanie, dont ils savaient à l'avance qu'elle provoquerait une réponse sévère, et l'assassinat d'un commandant dans la bande de Gaza, après lequel ils savaient qu'il n'y avait pas de retour possible, et Israël mène déjà une « guerre défensive », la guerre juste d'un État à qui tout est permis. Le pays pacifique qui ne veut que la sécurité de ses habitants - quel innocent. L'État qui a tout sauf la dissuasion : Il n'y a rien ni personne pour dissuader Israël d'attaquer Gaza.
Mais cette fois, le gouvernement est celui du « changement et de la guérison ». Quinze mois après le dernier ravissement, l'opération « Gardien des murs », l'aube s'est levée. Cinq semaines après l'entrée en fonction du flingue le plus rapide de l'Ouest, le Premier ministre Yair Lapid envoie déjà l'armée à la guerre. Jamais dans l'histoire d'Israël un premier ministre n'a été aussi pressé de tuer. Tous les faits et méfaits Netanyahou pâlissent face au crime que constitue le lancement d'une guerre inutile qui ne contribuera à rien d'autre qu'à faire couler plus de sang, en grande partie palestinien. Et tous les échecs de Netanyahou pâlissent face à sa relative retenue dans l'utilisation de la force militaire pendant son mandat. Continuez à vous agiter au sujet des cigares - au moins Netanyahou n'a pas à prouver ses qualités de macho, comme le fait Lapid.
Il est vrai que les analystes, le club des old boys et les maires du sud ont fait pression pour cette guerre, comme ils le font toujours, mais jamais on n'a assisté à une capitulation aussi rapide devant les caprices pour lancer une guerre ; on a à peine laissé une minute à Israël pour des excoriations passionnées sur les ondes. Aujourd'hui, alors que quelques mois seulement séparent une attaque contre Gaza de l'autre, il est inutile de se demander quels sont les objectifs. Il n'y a pas d'objectifs, sauf le désir de prouver que la nôtre est la plus grosse. S'il y avait des objectifs, et si la tranquillité était l'un d'entre eux, et si c'était un gouvernement de changement, alors Lapid aurait donné à Israël une leçon de retenue ; et si Lapid était aussi un homme d'État courageux, il aurait conduit le changement en reconnaissant le Hamas, en levant le siège et en faisant un effort pour rencontrer les dirigeants de Gaza. Tout ce qui est moins que cela est une continuation directe des politiques de tous les gouvernements d'Israël, dans l'ADN desquels les guerres sans fondement sont enkystées. C'est pourquoi il n'y a pas besoin d'un gouvernement de changement. Assurez-vous simplement de vous rappeler qui a commencé cette guerre, et qui l'a soutenue.
Source: Haaretz
Traduit par Tlaxcala