27/08/2022 2 articles dedefensa.org  7 min #214485

Rapsit-Usa2022 : Novembre du crépuscule

 Brèves de crise

Un vent mauvais

Nous ne cessons pas de répéter combien, à notre sens, les élections dites-midterm du 8 novembre prochain sont d'une importance essentielle pour les USA, donc pour nous en Europe, donc pour la situation du monde. Plus encore que  les appréciations politiquessur la future composition du Congrès, qui deviennent incertaines alors qu'elles semblaient devoir être assurées il y a encore quelques semaines, il y a l'état d'esprit, le climat régnant aux USA.

Les appréciations politiques ne rendent pas compte de ce climat. Elles se concentrent sur les luttes politiciennes, comme actuellement entre les mandarins du parti républicain et Trump avec sa réputation de populiste étranger au monde politique washingtonien. Tout cela est tellement traversé de simulacres et de manipulations de la communication qu'il est difficile de se faire une idée précise de la dynamique en cours. On admet alors que la situation politique, ou plutôt politicienne, citée plus haut n'a guère d'importance et ne nous dit rien de fondamental sur l'évolution des choses ; en fait, elle se transforme, se transmue dès lors qu'elle est confrontée à la réalité, c'est-à-dire aux événements politiques où la réalité du climat entre en jeu, pour le pire ou le meilleur c'est selon.

Les élections aux USA de 2022 est l'une des plus énormes de ces occasions, essentiellement parce qu'un éléphant est entré dans le magasin de porcelaines et refuse d'en sortir. La seule vertu certaine qu'on peut reconnaître à Trump, c'est bien d'être cet éléphant, cela qui fait qu'effectivement les élections et le jeu politique auxquelles elles contraignent ont une importance capitale et totalement imprévisibles dans le champ du chambardement et du déséquilibre. On l'a vu à plusieurs occasions depuis 2015-2016, c'est-à-dire depuis son arrivée, alors qu'en 2022 tant de potentialités explosives se sont accumulées :

• Personne ne prévoyait, ni même ne pouvait prévoir la victoire de Trump. L'événement allait contre tous les alignements et les rangements de la politique. Il a eu lieu, exactement comme Michael Moore, pourtant ennemi de Trump, le définissait  en octobre 2016, comme un "cocktail Molotov humain", impliquant sa victoire contre tous les sondages, et une victoire rendant compte du climat général :

« Au cours de son interview, Moore a déclaré que les Américains considéraient Trump comme un "cocktail Molotov humain". "À travers le Midwest et à travers la Rustbelt, je comprends pourquoi beaucoup de gens sont en colère", a-t-il déclaré. "Et ils voient Donald Trump comme leur cocktail Molotov humain qu'ils vont pouvoir aller jeter à la gueule de notre système politique en allant dans l'isoloir le 8 novembre". "Je pense qu'ils aiment l'idée de faire exploser le système."

» Moore, qui a précisé qu'il ne votera pas pour Trump, a déclaré que les gens ne prêtent plus attention aux médias ou aux "gens au pouvoir". "Les gens ne font pas confiance aux médias, ils ne les écoutent pas, et pour une bonne raison, - parce que les médias les ont laissés tomber. Les riches et les puissants les ont laissés tomber. Beaucoup d'entre eux avaient l'habitude de voter pour les riches et les puissants et ils ne vont plus le faire". »

• Durant sa présidence, Trump fut constamment sous la pression de ses adversaires et face à la trahison de la plupart des grandes administrations. Cela provoqua l'effet de renforcer sa stature de populiste hors-Système sinon antiSystème, sans vraiment tester les politiques qu'il était capable de mettre en œuvre, et s'il était capable de les mettre en œuvre. (On sait tout de même, et ce n'est pas à son avantage, qu'il fit des choix désastreux pour certains des postes les plus importants de son cabinet et des principales agences.) Ainsi, à défaut d'un homme d'État on eut un véritable Mythe que l'opposition démocrate (aidée en sous-mains par les RINO, ou républicains anti-Trump) s'employa à sans cesse renforcer en lui prêtant des capacités de "nuisance" (et leurs "nuisances" sont ce qui fait vertu dans l'autre camp) qu'il n'a certainement pas.

Ainsi se poursuivit et se renforça cette atmosphère d'intense hostilité, de climat d'antagonisme, alimenté par les forces elles-mêmes (démocrates et républicains) qui doivent absolument s'en écarter pour espérer pouvoir continuer leurs habituels arrangements. Ce "climat" créé par ceux qui doivent s'écarter pour leurs propres intérêts, éclate notamment dans cette scène extraordinaire du 5 novembre 2020, lorsqu'un présentateur de MSNBC (imité bientôt par les autres chaînes) coupe net la retransmission d'une intervention officielle du président sortant affirmant qu'il y a eu des fraudes dans l'élection, le présentateur laissant voir en quelques mots d'un intolérable et incroyable mépris que "ce type ne fait et ne peut que mentir". Ce moment exceptionnel est considéré par  Martial Bild et Philippe Millau, dans leur livre '  Défaire le parti des médias', comme le moment d'un "coup d'État médiatique" contre le pouvoir politique, - mais là aussi il s'agit paradoxalement, la surpuissance entraînant l'autodestruction, du déchaînement du "climat" des choses contre la maîtrise du jeu politicien, par pure haine (de Trump), donc par pur  affectivisme.

• Ce qui suivit, l'entre-deux de Trump à Biden, ne fit qu'accroître la vigueur de la confrontation, le déchaînement de la haine, des deux côtés d'ailleurs, c'est-à-dire, pour ce qui nous importe, dans le même sens d'une poursuite du désordre et d'une incapacité des structures traditionnelles des politiciens à reprendre le contrôle de la situation. Ainsi nous promettait-on que la présidence Biden serait une remise en ordre, un "ré-alignement" des éléments du désordre causé par Trump, et ce fut exactement le contraire. Certes, la personnalité de Biden, sa santé fragile qui ne l'exonère d'aucun de ses défauts, son étonnante capacité à ne rien faire qui pourrait défavoriser le désordre (« Il ne faut jamais sous-estimer la capacité de Joe à foutre la merde », disait aimablement mais fort justement l'ancien président Obama, lorsque Biden était son vice-président), ont constitué un facteur déterminant dans l'échec de la tentative des structures du Système et du DeepState de reprendre la main pour remettre en place les normes de fonctionnement.

• Quoi qu'il en soit, on se retrouve à la faveur (?) des élections-midterms exactement dans la même situation qu'en 2016, au moment où toutes les prévisions rationnelles naviguent sur un océan bien connu de l'ancien temps, tandis que les variations "climatiques" interviennent dans un autre monde, sur un autre océan, dans des temps nouveaux dont aucun des stratèges chevronnés des partis politiques n'arrive, non seulement à être quitte mais même à seulement admettre son existence.

Selon cette analyse de la situation américaine à dix semaines des élections -midterms, il nous a paru que la reprise de deux textes successifs de James Howard Kunstler, celui du 22 août et celui du 26 août, constituait une parfaite illustration de ce "climat" dont nous parlons, bien plus qu'une analyse calibrée de l'un ou l'autre "expert" qui se sont révélés ces dernières années être des "machines à erreurs". Par ailleurs, les textes de Kunstler ont la qualité littéraire de faire ressortir l'extrême tension, et par conséquent l'extrême gravité de la crise du système de l'américanisme qui est, dans nos organes de communication tendance presseSystème, quasi-complètement ignorée. La perception de la situation des USA aujourd'hui se résume aux livraisons d'armement à l'Ukraine, - par ailleurs  complet simulacrebien entendu, - comme signe de l'"exceptionnalité" inébranlable de l'empire resplendissant. Kunstler est un antidote contre la sottise et l'aveuglement de ce jugement.

L'intérêt de mettre ces deux textes ensemble est que le premier nous brosse un tableau coloré des événements qui, depuis les Clinton et la fin de la Guerre Froide, ont abouti à la situation actuelle ; et que le second est le complément indispensable, nous décrivant ce que Kunstler ressent de la situation présente, avec notamment un appel héroïque à la résistance et à la restauration de la dignité.

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Articles enfants
27/08/2022 dedefensa.org  11 min #214486

Rapsit-Usa2022 : Novembre du crépuscule

Le pays des fous

Howard J. Kunstler, 26 août 2022

Le suicide économique et culturel n'est pas la seule option...

Lors d'une réunion d'amis par une chaude soirée ce week-end, quelqu'un a demandé : Pensez-vous que ce qui se passe est dû à l'incompétence ou à la malveillance ? Les États-Unis sont certainement en train de déraper vers un grand et traumatisant retour en arrière, avec un niveau de vie beaucoup plus bas pour la plupart des citoyens, au milieu d'un tas d'institutions brisées.