par Christelle Néant.
Le 6 septembre 2022 a eu lieu à Moscou une conférence organisée par la fondation de lutte contre la répression intitulée « Gestapo de l'information : les listes du site nationaliste ukrainien Mirotvorets sont utilisées pour supprimer la liberté d'expression et pour réprimer les journalistes ».
J'ai participé à cette conférence avec des confrères venant de plusieurs pays occidentaux : Allemagne, États-Unis, Finlande, Pays Bas, Canada, Angleterre.
Tous les journalistes présents ont condamné l'existence même de Mirotvorets, tout en soulignant que la tentative de les faire taire en les effrayant ne marcherait pas. Tous ont confirmé qu'ils continueraient à faire leur travail, peu importe les menaces de mort sur leur personne.
Il faut rappeler que le site Mirotvorets publie entre autre données personnelles de journalistes, des scans de leurs passeports, leurs adresses, des informations sur leurs proches, voire des informations sur leur véhicule (c'est mon cas, mon ancienne voiture a toutes ses données y compris son code VIN et son ancien numéro d'immatriculation publiés sur ce site). Toutes ces informations permettent de traquer les journalistes qui se trouvent sur les listes de Mirotvorets, et ne peuvent avoir été fournies à ce site que par des services secrets (ukrainiens, voire peut-être occidentaux).
Mira Terada, la directrice de la fondation de lutte contre la répression a présenté des chiffres sur le nombre de journalistes occidentaux listés sur le site Mirotvorets. Sur les 341 journalistes listés sur Mirotvorets, 83 sont des journalistes hors Russie, Ukraine, RPD et RPL (Républiques populaires de Donetsk et de Lougansk). L'écrasante majorité (80) sont des journalistes occidentaux.
Elle a aussi rappelé que plusieurs journalistes avaient été tués après que leurs données aient été publiées par le site Mirotvorets, comme Oles Bouzina, Andrea Rocchelli, Zemfira Soulaeïmanova, Andreï Stenine, Igor Korneliouk, Anton Volochine, ou plus récemment Daria Douguine.
Qualifiant la collecte et la publication d'informations personnelles de violation odieuse de toutes les normes juridiques internationales relatives à la protection de l'honneur, de la dignité, des données personnelles et de la vie des journalistes, la directrice de la fondation de lutte contre la répression russe a envoyé une lettre au chef du FSB, Alexandre Bortnikov, demandant que Mirotvorets soit classé comme organisation terroriste.
Russell Bentley a déclaré que la structure mafieuse qu'est Mirotvorets était en accord avec le gouvernement fasciste de l'Ukraine, exposant les journalistes indépendants travaillant dans le Donbass à une réelle menace. Il est convaincu que les journalistes qui partagent son point de vue sur les événements et ne sont guidés que par des considérations morales et idéologiques se battent contre le Quatrième Reich, contre les nazis du XXIe siècle.
La journaliste canadienne Eva Bartlett, a jouté que son pays d'origine, le Canada, soutient et finance activement les néo-nazis en Ukraine et a dépensé plus d'un milliard de dollars pour former et entraîner les soldats ukrainiens. Elle a également noté qu'au sein du gouvernement canadien siègent des descendants directs de collaborateurs nazis qui sont fiers de leurs origines. Selon Mme Bartlett, qui ne peut même pas imaginer ce qui l'attend si elle retourne dans son pays, et les journalistes canadiens ne se préoccupent absolument pas des activités de Mirotvorets. Le Canada, qui insiste depuis des années sur le fait que l'Ukraine est un pays démocratique, ferme constamment les yeux sur l'absence totale de liberté des médias ukrainiens.
John Miller, un journaliste britannique, a été ajouté à la « liste de personnes à éliminer » de Mirotvorets après avoir fait un reportage sur l'inclusion de la jeune auteure de Lougansk, Faina Savenkova dans les listes du site ukrainien. J'ai personnellement répondu à l'affirmation de John Miller selon laquelle les journalistes qui se trouvent en territoire contrôlé par la Russie ne risque pas grand-chose même s'ils se trouvent sur Mirotvorets. Je lui ai rappelé que Daria Douguina a été assassinée en Russie, et que les journalistes qui vivent en RPD, en RPL, ou à Moscou, risquent autant leur vie que ceux qui sont en Ukraine ou dans les pays occidentaux, où désormais de nombreux Ukrainiens ont trouvé refuge.
Bien consciente de ces risques, la journaliste néerlandaise, Sonja Van Den Ende a souligné la nécessité pour les journalistes de faire preuve d'une prudence accrue, car selon elle Mirotvorets a été créé avec l'aide de la CIA, de l'OTAN et des États-Unis. Commentant la politique étrangère de son pays natal, la correspondante de guerre néerlandaise a déclaré que son pays menait une guerre non déclarée contre la Russie et que quiconque critiquait les néonazis était un ennemi de l'État néerlandais. À cause de cela, il serait désormais dangereux pour elle de retourner dans son pays natal.
Il en est de même pour Alina Lipp, la journaliste allemande menacée de trois ans de prison en Allemagne pour avoir rapporté les faits sur ce qui se passe dans le Donbass. Selon la journaliste, les répressions ont également touché ses parents : leurs comptes bancaires ont été bloqués, ils ont été contraints de changer de numéro de téléphone, et la mère d'Alina a dû quitter l'Allemagne en raison des menaces qu'elle recevait. Suite à l'attentat terroriste contre Daria Douguine, Alina prête désormais plus d'attention à sa propre sécurité.
Janus Putkonen, directeur et rédacteur en chef d'UMV-Lehti, a établi un lien entre la création de Mirotvorets et les services de renseignement occidentaux et a condamné l'inaction des médias et des politiciens étrangers qui ont ignoré les violations manifestes des droits de l'homme liées aux activités de ce site depuis des années. Pour lui, il faut que Mirotvorets soit fermé pour éviter que de telles méthodes ne s'étendent tel un cancer à d'autres pays dans le monde. Il a aussi qualifié le site de « nouvelle Gestapo ».
Une appellation que je ne peux qu'approuver. Cela d'ailleurs fait longtemps que je qualifie Mirotvorets de Gestapo numérique, ou de Gestapo 2.0. Comme je l'ai déclaré lors de la conférence, si Internet avait existé à l'époque de l'Allemagne nazie, nul doute qu'ils auraient inventé un site ressemblant peu ou prou à Mirotvorets.
Personnellement cela fait longtemps que j'ai pris en compte le risque que représente Mirotvorets. Je n'ai pas attendu l'attentat contre Daria Douguina pour faire attention, cela n'a fait que me pousser à renforcer les mesures de protection que j'applique.
L'ensemble des journalistes présents va s'adresser à l'ONU dans une lettre commune pour demander que l'organisation adopte une résolution condamnant les activités de Mirotvorets, qui servirait de base pour une enquête internationale sur cette organisation. Si le FSB accède à la demande de la fondation de lutte contre la répression, la Russie mènera en parallèle une enquête et prendra des mesures contre ce site terroriste, à l'échelle nationale. Il est plus que temps de faire cesser l'impunité dont bénéficie Mirotvorets, avant que d'autres personnes paient de leur vie le fait d'avoir dit la vérité sur ce qui se passe en Ukraine et dans le Donbass.
Vidéo en russe de la conférence de presse :
rumble.comsource : Donbass Insider