25/09/2022 2 articles dedefensa.org  9min #216080

Choc en retour

 Ouverture libre

• Par contraste avec les optimistes, une vision extrêmement pessimiste de l'évolution de l''Ukrisis', qui n'accorde guère d'importance aux référendums, et beaucoup à la résolution du capitalisme global, - vision d'apocalypse d'un regard trotskiste. • D'autres perceptions, venues d'un camp complètement opposé, exposent également cette vision catastrophiste de la possibilité d'une guerre nucléaire. • D'autres encore vous disent que l'essentiel ne peut venir que des USA et que pour cela, les 'midterms' sont essentielles. • Contributions : dedefensa.org et WSWS.org.

A l'argumentaire optimiste de notre « Choc sans retour » d'hier, nous opposons celui, extrêmement pessimiste, du « Choc en retour » ; ou plutôt, disons que l'un complète l'autre et prend sa place dans l'éventail des possibilités de développement d''Ukrisis', dans la position la plus extrême. On trouve un exemple de cet argumentaire pessimiste dans un texte d'analyse du site trotskiste 'WSWS.org', qui n'a pas à forcer pour la situation présente son habituelle perception apocalyptique lorsqu'il parle de l'activisme du capitalisme globalisé. Il s'agit d'une analyse classique selon les conceptions trotskistes, argumentée d'un point de vue idéologique, texte sec, dur et précis, avec un peu d'hystérie dans les marges et l'habituel sermon sur le prolétariat en fin de compte

Pour ce cas, l'emploi de l'argument idéologique de cette approche (comme telle autre dont nous parlons plus loin) importe peu dans la mesure où il se place à propos de faits possibles et pressants d'une extrême puissance et d'une dangerosité inimaginable. Tout juste faut-il prêter attention à ne pas oublier de qualifier Poutine selon la même logique, c'est-à-dire en l'incluant dans une « oligarchie russe » qui est jugée comme désespérée face à « l'encerclement impérialiste ». Toute allusion à des questions plus subjectives et moins mécanistes n'est pas en général prise en compte ; des questions comme les questions identitaires, les questions historiques dans le souvenir collectif, les questions de manipulations et de formatage de la communication, etc.

D'un autre côté, une vision complètement différente, qui prend très fortement en compte dans ses composantes de tels facteurs, - " les questions identitaires, les questions historiques dans le souvenir collectif", etc., - peut aboutir à la même conclusion du risque énorme d'un conflit nucléaire. C'est le cas d'un intéressant entretien d'un 'blogueur' désormais fameux pour son engagement bien réel, depuis 2015, dans les forces des républiques du Donbass. On trouve ainsi un cet intérêt dans une longue interview de Erwan Castel faite par une radio canadienne ('Radiofacile.com') et reprise aussi bien  sur le site de Castel que sur '  YouTube'. La présentation de l'interview nous indique le ton de l'entretien, complètement différent du texte de 'WSWS.org'.

« Ce 21 septembre 2022, j'ai eu le plaisir d'être invité virtuellement par Carl Brochu en terre du Québec afin de partager mon point de vue sur la situation entre Russie et Ukraine dont la tectonique, dans ses dimensions géopolitique, économique et militaire, menace aujourd'hui l'ensemble de notre planète. »

Ce qui est particulièrement intéressant, dans la conversation avec Castel, notamment dans la première partie, ce sont ses explications techniques concernant les événements de la bataille après les référendums, qui pourraient conduire à une confrontation au plus haut niveau. Il y est notamment question des lance-fusées HIMARS tirant vers les villes du Donbass, devenues sans doute à partir du 27 septembre territoire russe, ou bien plus loin à l'intérieur de la Russie avec les missiles à longue portée (300 kilomètres) que peuvent tirer ces systèmes. Il est question dans tout cela du guidage par géolocalisation satellitaire, et d'éventuelles interventions russes contre ces satellites, avec toutes les hypothèses plus ou moins exotiques qui vont avec.

Par ailleurs, le rappel que Castel fait de l'histoire récente conduisant à 'Ukrisis', puis de la crise 'Ukrisis' elle-même, montre un personnage possédant une culture politique extrêmement solide, c'est-à-dire un argumentaire impressionnant pour expliquer les causes de son engagement extrêmement et à la fois opérationnel et passionné.

Psychologie et volonté

L'article de 'WSWS.org' qu'on trouve ci-dessous rappelle qu'on fêtera le mois prochain le 60ème anniversaire de la crise des missiles de Cuba, alors qu'on se trouve dans des conditions géopolitiques assez proches, mais dans des conditions politiques et psychologiques complètement différentes. Même si l'article se garde bien de le mentionner, l'argument n'étant pas 'troskistement correct', il fait évidemment prendre conscience de l'absence complète aujourd'hui, du côté du  bloc-BAO sans aucun doute et bien entendu, de personnalité(s) consciente(s) de l'enjeu et de la dangerosité de la situation, et notamment à cause d'un état psychologique absolument catastrophique ; alors que l'on sait ce que l'on doit, pour la résolution de la crise d'octobre 1962 aux psychologies des deux acteurs principaux, à la volonté commune des deux dirigeants ennemis, Krouchtchev et Kennedy, de parvenir, comme s'ils étaient soudain alliés devant un danger commun, à trouver une solution pour éviter l''unthinkable'.

On citera à ce propos, à propos de l'état d'esprit et l'état psychologique de la directionsSystème à l'Ouest, l'excellent commentateur Alexander Mercouris, que nous apprécions beaucoup et qui prend de plus en plus d'importance dans la presse indépendante, dans le '  Samizdat' de l'internet. Dans Russia Storming Bakhmut Suburb Zaitsevo, Mobilisation Continues; US Giving Moscow Nuclear WarningsRussia Storming Bakhmut Suburb Zaitsevo, Mobilisation Continues; US Giving Moscow Nuclear Warnings du même  24 septembre, Mercouris développe l'imbroglio extraordinaire de la "menace nucléaire" attribuée à Poutine et brandie sous les yeux horrifiés de l'innocente et vertueuse civilisation américaniste-occidentaliste, alors que tant d'"officiels" US, y compris le président lorsqu'il ne sommeille pas, ne cessent d'agiter la menace d'actions militaires décisives ; alors que Poutine, explique Mercouris, n'a fait, dans son discours de la semaine dernière, que préciser évidemment et bien entendu (« Je ne bluffe pas ») que la Russie riposterait à n'importe quelle attaque (y compris, bien entendu et évidemment, une attaque nucléaire puisque ses adversaires ferraillent tant à ce propos, dans les salons et les rédactions).

Menaces contre la Russie, mais aussi, - et en même temps ! - contre la Chine en réaffirmant à plusieurs reprises, - du fait de Biden lui-même : quatre fois en 13 mois, la dernière fois le 18 septembre, - que les USA défendraient Taïwan contre la Chine s'il le fallait, en cas de tentative de réunification. C'est transgresser la fameuse 'One China policy' mise en, place depuis 1978 par les USA pour ce qui concerne Taiwan et la Chine continentale ("il n'existe qu'une seule Chine, et Taiwan ne peut prétendre s'affirmer comme une 'autre Chine' souveraine")... Alors qu'à chaque rencontre ou dialogue qu'il a eu avec Xi, Biden a réaffirmé pour le président chinois cette 'One China policy' ! Mais à vrai dire, bien entendu et évidemment, est-il question une seconde de parler d'un Biden comme d'un personnage sérieux ? On veut dire : un personnage qui compte dans cette tragédie, dont il n'est que la  presque-île bouffe ?

Mercouris s'exclame alors, nous donnant une des clefs les plus effrayantes de cette crise, - en gros, le déséquilibre psychologique complet, sinon une sorte de démence habitant la direction américaniste :

« Je ne peux imaginer, je ne parviens pas à concevoir une politique extérieure plus téméraire que celle-ci [de l'administration Biden]. Je veux dire, si cela est calculé pour montrer à Pékin et à Moscou que l'on veut monter au plus haut degré de l'escalade, alors il faut dire que cette administration emploie la bonne voie. J'ignore s'il y a un plan, tout ce que je sais c'est que c'est incroyablement dangereux. Je crois qu'à un moment ou à un autre une confrontation entre Washington et Pékin concernant Taïwan est inévitable...... Et au moment où les États-Unis semblent se préparer à une confrontation avec la Chine, les États-Unis demandent à la Chine de tenter de freiner la Russie en Ukraine !

» Je veux dire, tout cela est si étrange, si téméraire, que j'estime la chose au-delà de toute compréhension. Je voudrais ajouter que je crois qu'il s'agit de la plus dangereuse administration en termes de politique extérieure que les USA ait mis en place depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale... Tout cela suggère pour moi qu'il s'agit d'une administration qui déraille complètement... »

La vision générale du tandem Mercouris-Christoforou, puisque les deux travaillent ensemble, est évidemment que la situation est extraordinairement dangereuse. Ils se refusent à toute prospective à cet égard, et encore moins à spéculer sur le comportement du bloc-BAO vis-à-vis de la nouvelle situation créée par les référendums (sinon, suggère assez justement Mercouris, simplement nier que cette nouvelle situation existe). On attirera pourtant l'attention du lecteur sur une autre appréciation concernant l'orientation d'où pourrait venir un ou des éléments nouveaux capables de faire dérailler cette infernale mécanique.

Dans un "Questions-Réponses" http://youtube.com/watch?v=XgUsjG8BqQI , une des formules d'intervention de Christoforou-Mercouris où Mercouris répond à des questions ou commentaires des auditeurs, Christoforou cite une remarque sur la nouvelle composition du Congrès si les républicains l'emportent, notamment avec l'élection d'un Joe Kent et d'un J.D. Vance, précisément avec l'hypothèse d'un lecteur, d'un Congrès beaucoup plus antiguerre, - tout cela, bien entendu, dans la situation d'une extrême tension régnant dans ce pays. L'idée est celle d'une poussée pour reprendre le pouvoir que les neocons ont confisqué pour leurs projets guerriers... Mercouris abonde dans ce sens et nous renvoie à la date essentielle du 8 novembre ('midterms') comme événement le plus considérable à venir ; et il nous précise ceci (segment à la moitié http://youtube.com/watch?v=XgUsjG8BqQI , 11'20"), qui correspond tout à fait à notre sentiment, parlant fort justement d'« activité et de vitalité » plutôt que de forces politiques en place. Il est vrai, sans aucun doute, que l'activisme antiguerre, dans sa latence et sa sous-jacence par rapport au domaine pour l'instant de chasse gardée de la narrative officielle, est beaucoup plus puissant aux USA qu'en Europe, et notamment beaucoup plus puissant que dans la malheureuse et tristement médiocre France.

Mercouris : « Je dois dire, comme je l'ai déjà fait plusieurs fois, que le grand espoir pour l'Ouest [pour la paix] est aux États-Unis. Je ne dis pas ça parce que les choses vont bien aux USA, au contraire c'est là aussi qu'est la source du danger, mais regardez l'état d'esprit existant en Europe pour le moment... Si vous voulez stopper cette course au désastre, il y a beaucoup plus d'activité et de vitalité aux USA pour le moment, [pour aller dans ce sens], que ce qu'on trouve en Europe. »

Ci-dessous, donc, le texte de 'WSWS.org'  du 24 septembre 2022. Les deux auteurs sont Andre Damon et Joseph Kishore et le titre original est « Washington's nuclear brinkmanship threatens catastrophe ».

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25/09/2022 dedefensa.org  8min #216081

 Choc en retour

Choc en retour

Le mois prochain marquera le 60e anniversaire de la crise des missiles de Cuba, qui était, jusqu'alors, la crise la plus proche de la guerre nucléaire.

La phase finale de la crise a débuté le 22 octobre 1962, lorsque le président américain John F. Kennedy a annoncé, dans un discours diffusé à l'échelle nationale, que la marine américaine mettait en place une "quarantaine" pour empêcher la poursuite du transfert de missiles à capacité nucléaire de l'Union soviétique vers Cuba, à une centaine de kilomètres au sud de Key West, en Floride.