04/11/2022 infomigrants.net  6 min #218437

Allemagne : les régions allemandes au bout de leurs capacités face à l'afflux de réfugiés

|Près d'un million de réfugiés ukrainiens se sont enregistrés en Allemagne en 2022
Photo: Frank Hammerschmidt/ZB/dpa(picture-alliance

Il reste des places pour loger des réfugiés, mais nos moyens s'arrêtent là, expliquent des fonctionnaires de Cottbus, un ville située dans l'est de l'Allemagne. Contrairement à d'autres régions allemandes, Cottbus dispose encore de places d'hébergement, notamment parce que les réfugiés ukrainiens vivent dans leurs propres logements, et non dans des structures d'accueil, selon le porte-parole de la ville.

Reste que le logement n'est que le début d'un long processus d'intégration. A Cottbus, le plus grand défi reste ainsi l'accès pour les réfugiés à l'éducation et aux soins de santé.

"L'État fédéral nous rembourse les frais d'asile, mais pas les frais courants", a déclaré Stefanie Kaygusuz-Schurmann, directrice du département Education et Intégration de Cottbus. La ville manque aussi d'interprètes et de personnel et dépend de la générosité des bénévoles.

Elle cite notamment les difficultés rencontrées par les médecins pour faire face à l'afflux de patients et de réfugiés de guerre dans leurs cabinets.

|La ville de Cottbus compte 100 000 habitants dont 1 500 réfugiés
Photo : Andreas Franke/dpa/picture-alliance

Cottbus, qui se trouve à quelques kilomètres seulement de la frontière polonaise, est devenu un carrefour sur la route vers l'exil de nombreux Ukrainiens. Une grande partie du million de réfugiés ukrainiens enregistrés en Allemagne depuis le début de l'invasion russe ont transité par cette ville de 100 000 habitants.

Environ 1 500 d'entre eux sont restés et s'y sont installés, dont un tiers en âge d'aller à l'école. Près de 500 enfants et adolescents ont ainsi dû être rapidement intégrés dans le système scolaire allemand.

Comme de nombreuses villes du pays, Cottbus était déjà confrontée à des problèmes d'infrastructures avant la guerre. Pour les responsables de la ville, il faut accélérer les constructions de logements neufs et le recrutement de personnel. Pour ce faire, ils appellent au soutien financier de la région et du gouvernement fédéral. L'aide fédérale promise au début de l'année par Berlin serait en partie restée lettre morte.

|Le maire de Cottbus Holger Kech estime que sa ville n'a plus de capacités d'accueil
Photo : Frank Hammerschmidt/dpa/picture-alliance

"L'Allemagne est riche et a les moyens", estime Jan Glossmann, porte-parole du maire. "Mais cet argent n'est pas réparti de manière égale".

La migration est en grande partie une question qui relève des régions (l'Allemagne est composée de 16 régions fédérées, les Länder). Une fois arrivés en Allemagne, les demandeurs d'asile sont répartis selon un calcul qui prend en compte la population et les recettes fiscales d'une région. La Rhénanie-du-Nord-Westphalie, très peuplée et relativement riche, accueille ainsi près d'un cinquième des demandeurs d'asile arrivant en Allemagne, alors que la région de Brandebourg, où se trouve Cottbus, n'en accueille que 3 %.

La répartition fonctionne dans la théorie, mais dans la pratique, douze des 16 régions allemandes ont affirmé récemment être arrivées au bout leurs capacités d'accueil.

Au début du mois, Cottbus a fait les gros titres de la presse nationale en annonçant ne plus accepter de réfugiés si la politique de répartition ne devenait pas plus "équitable".

|La part des habitants de Cottbus étant nés à l'étranger est de 10% et a plus que doublé ces huit dernières années
Photo : William Glucroft/DW

"Le gouvernement fédéral n'a pas de plan", selon Stefanie Kaygusuz-Schurmann, du département Education et Intégration de Cottbus.

Elle a également mis en cause la mauvaise coordination au niveau de l'Union européenne, qui reste depuis des années divisée sur la question de la répartition des réfugiés entre les Etats membres.

La Pologne et l'Allemagne ont chacune accueillie plus d'un million de personnes en provenance d'Ukraine, contre près de 100 0000 pour la France, deuxième pays de l'UE en termes de population et de PIB.

Si le rythme d'arrivées a fortement ralenti depuis le début de la guerre en Ukraine, le nombre de demandes d'asile continue à être plus élevé comparé à la même période de l'année dernière.

"Nous avons déjà accueilli plus de réfugiés que lors de l'année record de 2015", a déclaré à Gerald Knaus, le président de l'Initiative européenne de stabilité, un groupe de réflexion. Selon lui, "l'un des objectifs des dirigeants russes est de cibler les infrastructures critiques et les civils pour pousser davantage de personnes à fuir."

Cette inquiétude vient s'ajouter à la possibilité d'arrivées supplémentaires en provenance d'Afghanistan, à l'incertitude en Iran, et aux Russes qui fuient pour ne pas être enrôlés dans l'armée. L'Allemagne et l'UE doivent être "préparées", prévient Gerald Knaus.

Bien que les responsables et les ONG en Allemagne affirment avoir davantage d'expérience pour gérer les arrivées de réfugiés qu'en 2015, la pandémie de Covid-19 continue à laisser des traces.

Celle-ci a épuisé les systèmes éducatif et médical. S'y ajoutent la crise énergétique et l'inflation historique, même si la hausse des prix a eu pour conséquence d'augmenter les recettes fiscales à tous les niveaux du gouvernement, selon le ministère allemand des Finances.

Cet enchaînement d'événements a conduit à un sentiment de "crise permanente", note le porte-parole du maire de Cottbus, Jan Glossmann.

Foyer d'extrême-droite

Cottbus, située en ex-Allemagne de l'Est, a connu son lot de bouleversements depuis la chute du mur de Berlin et réunification. La ville est tristement réputée pour son inertie économique et pour être un bastion de l'extrême-droite.

Même si taux de chômage a considérablement diminué ces dernières années pour se situer à 7,2 % en semptebre, il reste supérieur à la moyenne nationale (5,4 %).

Le nouveau maire appartient au parti social-démocrate SPD du chancelier Olaf Scholz. Lors des récentes élections municipales, le candidat du parti populiste d'extrême droite Alternative pour l'Allemagne (AfD) a toutefois réussi à obtenir près d'un tiers des voix.

Dans le même temps, la migration transforme la démographie de la ville. En 2014, moins de 4,5 % de la population de Cottbus était née à l'étranger, contre plus d'un habitant sur dix aujourd'hui.

Pour Enas Taktak, arrivé de Homs en Syrie en 2014, l'intention de Cottbus de ne plus accueillir de réfugiés supplémentaires est "regrettable". Le jeune homme de 24 ans travaille à temps partiel pour le Réseau des réfugiés de Cottbus (Geflüchteten Netzwerk Cottbus e.V.), l'une des organisations d'aide sur lesquelles la ville s'appuie.

Selon Enas Taktak, les lacunes de la ville vont au-delà des crises provoquées par les guerres successives, l'instabilité au Moyen-Orient et désormais en Ukraine.

"L'État doit se demander pourquoi les ressources sont si limitées", a-t-elle déclaré. "Nous savons tous que le système éducatif n'est pas bon dans le Brandebourg. Et ce n'est pas à cause des réfugiés."

Auteur : William Noah Glucroft

Source :  dw.com

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