19/11/2022 reseauinternational.net  10min #219272

Comment Larry Fink et Blackrock ont créé la crise énergétique mondiale

🇬🇧

par F. William Engdahl

La plupart des gens sont déconcertés face à ce qui ressemble à une crise énergétique mondiale : avec des prix du pétrole, du gaz et du charbon qui montent en flèche simultanément, et qui forcent même la fermeture de grandes usines industrielles telles que la chimie, l'aluminium ou l'acier. L'Administration Biden et l'Union europénne (UE) ont insisté sur le fait que tout ceci était dû aux actions militaires de Vladimir Poutine et de la Russie en Ukraine. Or ce n'est pas le cas. Cette crise énergétique est en fait une stratégie planifiée de longue date par les milieux affairistes et politiques occidentaux, afin de démanteler les économies industrialisées, au nom d'un « Agenda vert » dystopique. Les origines de cette évolution actuelles sont à rechercher dans la période bien plus ancienne que février 2022, lorsque la Russie a lancé son action militaire en Ukraine.

Blackrock en chantre de la Gouvernance Environnementale et Sociale (GES)

En janvier 2020, à la veille des confinements pour cause de COVID [mars 2022], qui dévastateurs sur le plan économique et social, le PDG du plus grand fonds d'investissement au monde, Larry Fink de Blackrock, a adressé une lettre à ses collègues de Wall Street et aux PDG d'entreprises, au sujet de l'avenir des flux d'investissements. Dans ce document, modestement intitulé « Une Refonte Fondamentale de la Finance [A Fundamental Reshaping of Finance] », Fink, qui gère le plus grand fonds d'investissement au monde avec quelque 7000 milliards de dollars alors sous gestion, a annoncé une déviation radicale pour l'investissement des entreprises. L'argent allait « devenir vert ». Dans sa lettre de 2020 qui fut scrutée de près, Fink déclarait en effet : « Dans un avenir proche - et plus tôt que prévu - il y aura une réaffectation importante du capital... Le risque climatique est un risque d'investissement ». En outre, il a déclaré que « chaque gouvernement, entreprise et actionnaire doit faire face au changement climatique » (1).

Dans une lettre distincte adressées aux clients investisseurs de Blackrock, Fink a présenté ce nouvel Agenda pour l'investissement capitalistique. Il a déclaré que Blackrock quitterait certains investissements à forte teneur en carbone tels que le charbon, qui demeure la plus grande source d'électricité pour les États-Unis et de nombreux autres pays. Il a ajouté que Blackrock scruterait dorénavant les nouveaux investissements dans le pétrole, le gaz et le charbon afin de déterminer si ils adhéreraient à la « soutenabilité » de l'Agenda 2030 des Nations unies. Fink a donc clairement indiqué que le plus grand fonds du monde commencerait à désinvestir dans le pétrole, le gaz et le charbon. « Au fil du temps », écrivait alors Fink, « les entreprises et les gouvernements qui ne répondent pas aux parties prenantes et ne traitent pas les risques de soutenabilité, rencontreront un scepticisme croissant de la part des marchés et, par conséquent, un coût du capital plus élevé ». Il ajouta que « le changement climatique est devenu un facteur déterminant dans les perspectives à long terme des entreprises... nous sommes au bord d'une refonte fondamentale de la finance » (2).

À partir de ce point-ci de l'Histoire, l'investissement dit « GES / ESG » (Gouvernance Environnementale et Sociale [Environnemental & Social Governance], pénalisant les entreprises émettrices de CO² comme ExxonMobil, est devenu à la mode parmi les fonds spéculatifs et les banques et fonds d'investissement de Wall Street, incluant les fonds State Street et Vanguard. Tel est le pouvoir de Blackrock. Fink a également été en mesure de convaincre quatre nouveaux membres du Conseil d'Administration d'ExxonMobil de mettre fin aux activités pétrolières et gazières de la société.

Cette lettre Fink de janvier 2020 était une déclaration de guerre de la Haute finance contre l'industrie de l'énergie conventionnelle. BlackRock a été en effet un membre fondateur du Groupe de travail sur la « Divulgation Financière relative au Climat » (GDFC) [Task Force on Climate-related Financial Disclosure (TCFD)] (3), et fut par ailleurs un signataire des Principes pour un Investissement Responsable (PIR) des Nations unies [UN PRI - Principles for Responsible Investing] : un réseau d'investisseurs soutenu par l'ONU qui encourage les investissements « zéro carbone [Zero Carbon] » en utilisant la GES/'ESG hautement corrompu en ce sens. Or il n'y a aucun contrôle objectif sur les données factices relatives à la GES d'une entreprise. Blackrock a également signé la déclaration du Vatican de 2019, qui se faisait l'avocat des régimes de tarification du carbone. BlackRock a également rejoint en 2020 la coalition « Climate Action 100 », rassemblant près de 400 gestionnaires d'investissements gérant 40 billions [40 000 milliards] de dollars américains.

Par cette lettre fatidique de janvier 2020, le PDG de Blackrock Larry Fink donna le coup d'envoi d'un désinvestissement colossal dans le secteur mondial du pétrole et du gaz, à hauteur d'un billion [1000 milliards] de dollars. Notablement, la même année, le même Larry Fink de BlackRock a été nommé au Conseil d'Administration du Forum économique mondial (FEM) dystopique de Klaus Schwab, qui sert de « lien » entre les entreprises et la politique de l'Agenda 2030 des Nations unies « zéro carbone ». En juin 2019, le Forum économique mondial et les Nations unies ont signé un accord-cadre de partenariat stratégique pour accélérer la mise en œuvre de cet Agenda 2030. Sans surprise, le FEM dispose d'une plateforme d'intelligence stratégique qui inclue les 17 objectifs de développement durable de l'Agenda 2030.

Dans sa nouvelle lettre du PDG de 2021, Fink a remisé [doublé] son attaque contre le pétrole, le gaz et le charbon. « Étant donné à quel point la transition énergétique sera centrale pour les perspectives de croissance de chaque entreprise, nous demandons aux entreprises de divulguer chacune un plan sur la manière dont leur modèle commercial sera compatible avec une économie zéro net [émission de CO²] » (4), a écrit Fink. Un autre officier [Jim Barry] de BlackRock a déclaré lors d'une récente conférence sur l'énergie : « là où BlackRock ira, d'autres suivront » (5).

En seulement deux ans jusqu'à cette année 2022, un montant estimé à 1 billion de dollars aura été retiré des investissements dans l'exploration et le développement pétroliers et gaziers à l'échelle mondiale. Or, l'extraction de pétrole est une activité coûteuse, et la coupure des investissements externes par BlackRock et d'autres investisseurs de Wall Street signifie à terme, la mort lente de l'industrie.

Joe Biden : un « Président BlackRock » ?

Au début de sa candidature présidentielle alors bien terne, Biden eut une réunion à huis clos, fin 2019, avec Larry Fink, à l'occasion de laquelle il fut rapporté que ce dernier avait dit au candidat : « je suis là pour aider ». Après sa rencontre fatidique avec Larry Fink de BlackRock, le candidat Biden a soudainement annoncé : « Nous allons nous débarrasser des combustibles fossiles... » En décembre 2020, avant même que Biden ne soit intronisé en janvier 2021, il nomma Brian Deese alors responsable mondial de l'investissement soutenable [Global Head of Sustainable Investing] chez BlackRock, pour être à la fois Assistant auprès du président Biden, et en même temps directeur du Conseil économique national [National Economic Council]. Depuis ce poste, Deese, qui avait déjà joué un rôle clé sous Obama dans la rédaction de l'Accord de Paris sur le climat de 2015, a discrètement façonné cette nouvelle guerre de Biden contre l'énergie.

Cette nomination s'est avérée catastrophique pour l'industrie pétrogazière. En effet, Deese, l'homme lige de Fink, a été actif pour faire passer au nouveau président Biden une liste des mesures anti-pétrole à signer par décrets exécutifs, à compter du premier jour de janvier 2021 (début officiel du mandat de Biden). Cela comprenait la fermeture de l'énorme oléoduc Keystone XL, qui aurait amené 830 000 barils par jour du Canada jusqu'aussi loin que les les raffineries du Texas, et l'arrêt de toute nouvelle concession pétrogazière dans le Refuge faunique national de l'Arctique [Arctic National Wildlife Refuge, au Nord-Est de l'Alaska]. Biden a également rejoint l'Accord de Paris sur le climat au nom des États-Unis, que Deese avait négocié pour Obama en 2015 et que Trump avait annulé [« dénoncé » en tant que Traité international], les États-Unis se retirant de l'accord (juin 2017).

Le même jour, Biden a initié le changement du soi-disant « coût social du carbone [Social Cost of Carbon] », qui impose une taxe punitive de 51 $ la tonne de CO² à l'industrie pétrogazière. Cette seule décision, établie sous l'autorité purement exécutive sans le consentement du Congrès, a eu un coût dévastateur pour les investissements pétrogaziers aux États-Unis : un pays qui seulement deux ans auparavant, était encore le plus grand producteur de pétrole au monde (6).

L'assassinat des capacités de raffinage aux États-Unis

Pire encore, les règles environnementales agressives de Biden et les mandats quasiment impératifs d'investissement de BlackRock relatifs à la GES, sont en train de tuer les capacités de raffinages américaines. Or sans raffineries, peu importe le nombre de barils de pétrole que vous prélevez sur les Réserves stratégiques américaines de pétrole. Au cours des deux premières années de la présidence de Biden, les États-Unis ont ainsi fermé quelque 1 million de barils par jour de capacité de raffinage d'essence et de diesel, certains en raison de l'effondrement de la demande : c'est la baisse la plus rapide de toute l'Histoire des États-Unis. Or ces fermetures de raffineries sont permanentes. En 2023, une capacité supplémentaire de 1,7 million de BPJ (Barrils par jour) devrait être fermée, sous les coups conjugués du désinvestissement de la part de BlackRock et de Wall Street sous prétexte de GES, et des réglementations de Biden (7).

Tant et si bien que, citant ce lourd et subit désinvestissement de Wall Street dans le pétrole et les politiques anti-pétrole de Biden, le PDG de Chevron (Mike Wirth) a déclaré en juin 2022 qu'il ne croyait pas que les États-Unis construiraient un jour une autre nouvelle raffinerie (8).

Larry Fink, membre du Conseil d'Administration du Forum économique mondial de Klaus Schwab, est rejoint en ce sens par l'UE, dont la présidente de la Commission européenne notoirement corrompue Ursula von der Leyen, a quitté le Conseil d'Administration du même FEM en 2019 avant de devenir la patronne de la Commission européenne. Son premier acte majeur à Bruxelles fut de faire adopter l'Agenda européen zéro carbone, « Fit for 55 » (9). Cela a eu pour conséquence l'imposition d'importantes taxes sur le carbone, ainsi que d'autres contraintes sur le pétrole, le gaz et le charbon dans l'UE. Ceci, bien avant les actions russes de février 2022 en Ukraine. L'impact combiné de l'Agenda GES frauduleux de Larry Fink dans l'Administration Biden, et de la folie « zéro carbone » de l'UE, est en train de créer la pire crise énergétique et inflationniste de l'Histoire.

source :  New Eastern Outlook

traduction  Jean-Maxime Corneille

 reseauinternational.net

newsnet 2022-11-19 #12754

initialement sourcé de :  elcorreo.eu.org qui contenait en prime la profession de foi de L. Fink (et une coquille sur blackmachin) :

 VERS UNE TRANSFORMATION FONDAMENTALE DU SECTEUR FINANCIER

En tant que gestionnaire d'actifs, BlackRock investit pour le compte de tiers. Je m'adresse donc à vous en qualité de conseiller et agent de confiance de nos clients, envers lesquels nous avons un devoir de vigilance, de loyauté et de prudence. L'argent que nous gérons ne nous appartient pas. Il appartient aux habitants de nombreux pays, qui l'ont confié à des institutions financières, nos clients, dans le but de financer leurs objectifs de long terme comme, par exemple, la retraite. Il est dès lors de notre responsabilité envers ces institutions et ces personnes - actionnaires de votre entreprise et de milliers d'autres - de promouvoir la valeur à long terme de leurs placements.

Le changement climatique constitue désormais un facteur déterminant dans les perspectives à long terme des entreprises. En septembre dernier, lorsque des millions de personnes sont descendues dans la rue pour exiger des actes contre le changement climatique, nombre d'entre elles ont évoqué l'impact significatif et durable de ce dernier sur la croissance économique et la prospérité - un risque que les marchés, à ce jour, tardent à refléter.

Mais la prise de conscience progresse rapidement, et je suis convaincu que nous sommes à la veille d'une transformation fondamentale du secteur financier.

Les preuves des risques climatiques ont conduit les investisseurs à réévaluer les principes fondamentaux de la finance d'aujourd'hui. Les recherches menées par un large éventail d'organisations - dont le groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat des Nations Unies, le BlackRock Investment Institute et bien d'autres telles que les nouvelles études menées par le cabinet de conseil McKinsey à propos des implications socio-économiques du risque climatique physique - ont permis d'approfondir notre compréhension de l'impact qu'aura le risque climatique sur notre monde, ainsi que sur le système international finançant la croissance économique.

Les villes, par exemple, seront-elles en mesure de financer leurs besoins en infrastructures alors que le risque climatique est en train de transformer le marché des obligations municipales ? Que deviendront les crédits hypothécaires à 30 ans - un outil de financement essentiel - si les prêteurs ne peuvent estimer l'impact du risque climatique sur une période aussi longue, et s'il n'existe pas de marché viable pour les assurances inondation ou incendie dans les régions touchées ? Qu'adviendra-t-il de l'inflation, et par conséquent des taux d'intérêt, si la sécheresse et les inondations poussent les prix des aliments à la hausse ? Comment modéliser la croissance économique si les marchés émergents voient leur productivité diminuer en raison d'une chaleur extrême ou d'autres conséquences climatiques ?

Les investisseurs commencent à intégrer ces questions et considèrent de plus en plus le risque climatique comme un risque d'investissement. De fait, le changement climatique arrive presque invariablement en tête des problèmes évoqués par les clients de BlackRock à travers le monde. De l'Europe à l'Australie, de l'Amérique du Sud à la Chine, de la Floride à l'Oregon, les investisseurs nous demandent comment ils devraient modifier leurs portefeuilles. Ils cherchent à comprendre les risques physiques associés au changement climatique, mais aussi les répercussions des politiques climatiques sur les prix, les coûts et la demande dans l'ensemble de l'économie.

Ces questions entraînent une réévaluation en profondeur des risques et de la valeur des actifs. Et comme les marchés de capitaux intègrent dans leurs prix le risque futur, l'allocation des capitaux subira des changements plus rapides que le climat lui-même. Dans un avenir proche, plus proche que la plupart des gens ne l'anticipent, nous observerons une réallocation significative des capitaux.

Le risque climatique est un risque d'investissement

De par notre devoir de vigilance, de loyauté et de prudence envers de nos clients, il nous appartient de les aider à traverser cette période de transition. En matière d'investissement, nous sommes convaincus que les portefeuilles intégrant le développement durable et les enjeux liés au climat peuvent offrir aux investisseurs une meilleure performance ajustée du risque. Étant donné l'impact croissant du développement durable sur la performance, nous estimons que l'investissement durable représente désormais le meilleur gage de robustesse pour les portefeuilles des clients.

Dans une lettre adressée ce jour à nos clients, BlackRock a annoncé un certain nombre d'initiatives visant à placer le développement durable au centre de notre approche d'investissement : intégrer le développement durable à la construction de portefeuille et à la gestion des risques ; liquider les investissements affichant un risque élevé en matière de durabilité, comme les participations dans les producteurs de charbon thermique ; lancer de nouveaux produits d'investissement excluant les combustibles fossiles ; enfin, renforcer notre action en faveur de la durabilité et de la transparence à travers nos activités d'engagement actionnarial.

L'un des enjeux majeurs des prochaines années concerne l'ampleur et la portée de l'action gouvernementale en matière de lutte contre le changement climatique, qui détermineront la rapidité de la transition vers une économie à faible intensité de carbone. Relever ce défi nécessitera une réponse internationale coordonnée des gouvernements, en ligne avec les objectifs des Accords de Paris.

Quel que soit le scénario, la transition énergétique s'étalera sur plusieurs décennies. Malgré les rapides progrès récents, la technologie ne permet pas pour l'instant de proposer des alternatives rentables pour remplacer beaucoup des usages essentiels de la consommation d'hydrocarbures. Nous devons être conscients des réalités économiques, scientifiques, sociales et politiques liées à la transition énergétique. Les gouvernements et le secteur privé se doivent de collaborer pour définir une transition juste et équitable. Notre progression vers un monde à faible intensité de carbone doit concerner l'ensemble de la société et ne peut se permettre d'ignorer des pays entiers, notamment ceux en voie de développement.

S'il appartient aux gouvernements de montrer la voie dans cette transition, les entreprises et les investisseurs ont également un rôle important à jouer. Assumant nos responsabilités en la matière, BlackRock a été l'un des membres fondateurs du groupe de travail sur le reporting financier des risques liés au climat (TCFD). Nous sommes signataires des Principes pour l'Investissement Responsable de l'ONU et avons également signé la déclaration du Vatican de 2019 préconisant des régimes de tarification du carbone, que nous jugeons essentiels pour lutter contre le changement climatique.

BlackRock s'est associé à la France, à l'Allemagne et à des fondations internationales afin d'établir le Climate Finance Partnership, un des partenariats public-privé visant à améliorer les mécanismes de financement des investissements dans les infrastructures. Cette action répond à un besoin particulièrement urgent au sein des villes, car de nombreuses infrastructures municipales - des routes aux égouts, en passant par les transports en commun - ont été conçues pour des niveaux de résistance et des conditions météorologiques qui ne correspondent pas à la nouvelle réalité climatique. À court terme, certains des travaux visant à atténuer le risque climatique sont susceptibles de doper l'activité économique. Nous n'en sommes pas moins confrontés à un problème de taille à long terme. Nous ne savons pas quelles prévisions sur le climat s'avèreront exactes, sachant que certains impacts ont peut-être été sous-estimés. En revanche, le sens de l'évolution actuelle ne peut être contesté. Tout gouvernement, entreprise ou actionnaire doit faire face au changement climatique.

Une meilleure information des actionnaires

Nous pensons que tous les investisseurs, de même que les autorités de tutelle, les assureurs et le grand public, doivent avoir une idée plus précise de la façon dont les entreprises gèrent les enjeux liés au développement durable. Au-delà du climat, ces informations devraient inclure la façon dont chaque entreprise traite l'ensemble des parties prenantes : diversité de la main-d'œuvre, durabilité de la chaîne d'approvisionnement, ou encore protection des données concernant les clients. Les perspectives de croissance de chaque entreprise dépendent étroitement de sa capacité à exercer ses activités de façon durable et à satisfaire l'ensemble des parties prenantes.

Se mettre au service des parties prenantes et adopter une raison d'être deviennent des éléments de plus en plus centraux dans la manière dont les entreprises appréhendent leur rôle social. Comme je l'ai écrit dans des lettres précédentes, une entreprise ne peut réaliser des bénéfices à long terme sans adopter une raison d'être et sans tenir compte des besoins d'un large éventail de parties prenantes. Une entreprise pharmaceutique qui augmente implacablement les prix, une société minière qui néglige la sécurité, une banque qui ne respecte pas ses clients - ces entreprises sont susceptibles de maximiser leur performance à court terme. Toutefois, comme cela a été maintes fois démontré, ces comportements qui nuisent à la société finiront par se retourner contre l'entreprise et par détruire sa valeur pour les actionnaires. En revanche, un sens aigu de sa raison d'être et un engagement ferme envers les parties prenantes aident une entreprise à établir des liens plus étroits avec ses clients et à s'adapter aux exigences changeantes de la société. En définitive, la raison d'être constitue le moteur de la rentabilité à long terme.

Au fil du temps, les entreprises et les pays qui ne se soucient pas des parties prenantes et ne tiennent pas compte des risques liés à la durabilité se heurteront à un scepticisme croissant de la part des marchés financiers, ce qui se traduira par un coût du capital plus élevé. En revanche, les entreprises et les pays qui privilégient la transparence et démontrent leur sensibilité aux exigences des parties prenantes attireront plus efficacement des capitaux, notamment ceux de meilleure qualité et de plus long terme.

D'importants progrès ont déjà été réalisés pour améliorer la transparence de l'information - et de nombreuses entreprises accomplissent un travail exemplaire d'intégration et de communication sur le développement durable - mais ce mouvement doit encore se généraliser et se normaliser. Bien qu'aucun cadre ne soit parfait, BlackRock estime que le Sustainability Accounting Standards Board (SASB) fournit un ensemble clair de normes pour la communication d'informations sur le développement durable dans un large éventail de domaines, allant des pratiques de travail à la confidentialité des données, en passant par l'éthique des affaires. En ce qui concerne l'évaluation et la communication des risques liés au climat, ainsi que les questions de gouvernance essentielles à leur gestion, le TCFD fournit un cadre précieux.

Nous reconnaissons que la production de rapports respectant ces normes exige beaucoup de temps, d'analyse et d'efforts. BlackRock n'a pas encore atteint l'ensemble de ses objectifs en la matière et nous travaillons sans relâche à l'amélioration de nos propres rapports. Des informations conformes au cadre du SASB sont disponibles sur notre site Internet, et nous publierons des rapports en ligne avec le TCFD d'ici la fin 2020.

Depuis plusieurs années, BlackRock interroge les entreprises sur leur progression vers un reporting aligné sur les normes du TCFD et du SASB. Cette année, nous demandons deux choses aux entreprises dans lesquelles nous investissons au nom de nos clients, si ce n'est déjà fait : (1) publier des informations conformes aux lignes directrices sectorielles du SASB avant la fin de l'année, ou communiquer un ensemble de données similaires pertinentes au vu de l'activité de l'entreprise ; et (2) communiquer les risques liés au climat en ligne avec les recommandations du TCFD. Conformément aux lignes directrices définies par le TCFD, ces rapports devraient inclure votre plan d'exploitation dans un scénario conforme aux objectifs des Accords de Paris de limiter le réchauffement de la planète à moins de deux degrés.

Sur la base de ces informations et de nos échanges, nous vérifierons que les entreprises gèrent et surveillent correctement ces risques dans le cadre de leurs activités, tout en préparant l'avenir de manière appropriée. En l'absence de rapports précis, les investisseurs, y compris BlackRock, seront de plus en plus enclins à conclure que les entreprises ne gèrent pas les risques de façon appropriée.

Nous estimons que les administrateurs d'une entreprise qui ne s'attaque pas efficacement à un problème important doivent être tenus responsables de cette inaction. L'an dernier, BlackRock a voté contre - ou s'est abstenu de voter pour - 4 800 administrateurs de 2 700 entreprises différentes. Lorsque nous estimerons que les entreprises et les conseils d'administration ne fournissent pas d'informations pertinentes sur le développement durable, ou ne mettent pas en œuvre les moyens nécessaires pour gérer ces questions, nous en tiendrons les membres du conseil d'administration responsables. Compte tenu, d'une part, du travail préparatoire déjà accompli lors de nos précédents échanges à propos de l'amélioration de la publication d'informations et, d'autre part, de la progression des risques d'investissement liés au développement durable, nous voterons plus volontiers contre la direction et les administrateurs des entreprises ne faisant pas suffisamment de progrès en matière de rapports sur le développement durable ainsi que sur les pratiques d'entreprise et les programmes qui soutiennent leurs objectifs en la matière.

Un capitalisme responsable et transparent

Au cours de mes 40 années de carrière dans le secteur de la finance, j'ai été témoin de plusieurs crises et périodes de difficultés : les pics d'inflation des années 1970 et du début des années 1980, la crise monétaire asiatique de 1997, la bulle Internet et la crise financière mondiale. Même si certains de ces épisodes ont perduré de nombreuses années, ils avaient tous, tout bien considéré, une portée de relativement court terme. Le changement climatique est sans comparaison. Même si une faible proportion des impacts anticipés se concrétise, il s'agira d'une crise beaucoup plus structurelle et de plus long terme.

Les entreprises, les investisseurs et les gouvernements doivent se préparer à une réallocation significative des capitaux.

Les discussions entre BlackRock et ses clients à travers le monde montrent que ces derniers sont de plus en plus nombreux à souhaiter réallouer leurs capitaux à des stratégies durables. Si dix pour cent des investisseurs internationaux - ou même cinq pour cent - mettent ce projet à exécution, nous assisterons à des transferts de capitaux massifs. En outre, cette dynamique est vouée à s'accélérer, à mesure que la prochaine génération accédera à la direction des gouvernements et des entreprises. Les jeunes ont été les premiers à demander aux institutions - y compris BlackRock - de relever les nouveaux défis associés au changement climatique. Ils se montrent plus exigeants envers les entreprises et les gouvernements, tant en matière de transparence que d'actes. Au cours des prochaines décennies, des milliers de millards de dollars seront transférés vers la génération dite des « milléniaux ». Ces futurs dirigeants d'entreprises, directeurs financiers, responsables politiques et chefs d'État continueront de remodeler l'approche mondiale du développement durable.

Alors qu'une période de réallocation significative du capital se profile, les entreprises ont la responsabilité - et l'obligation économique - de fournir aux actionnaires une image claire de leurs efforts de préparation. À l'avenir, une transparence accrue sur les questions de durabilité constituera un atout essentiel pour la capacité de chaque entreprise à attirer des capitaux. En aidant les investisseurs à identifier les entreprises réellement au service des parties prenantes, cette transparence contribuera à réorienter les flux de capitaux. Cependant, la transparence ne peut constituer un objectif en soi. La publication d'informations devrait permettre l'émergence d'un capitalisme plus durable et plus inclusif. Les entreprises doivent s'engager résolument à accomplir leur raison d'être et à servir toutes les parties prenantes - leurs actionnaires, leurs clients, leurs collaborateurs et les collectivités au sein desquelles elles exercent leurs activités. Ce faisant, votre entreprise bénéficiera d'une plus grande prospérité à long terme, dont profiteront également les investisseurs, les employés et la société dans son ensemble.

Sincèrement,

 Laurence D. Fink, Janvier 2020

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