• Les très gros-mots de Ursula von der Leyen pour chiffrer les pertes de l'armée ukrainienne bouleversent le rangement des psychologies. • Tempête sur les réseaux, chez les porte-parole et les commentateurs. • L'intrusion très-officielle de précisions qui contredisent la narrative, suivie d'une avalanche de rectifications, démentis, réaffirmations, etc., indiquent que le Système n'a pas réussi à profiter de l'entrée dans l'ère de la postvérité pour modifier décisivement la réalité. • La bataille de la communication se durcit, comme le sol de l'hiver.
Décidément, nommer cette respectable personne "Ursula" avec quelle familiarité, et la considérer comme "factcheckée" sinon "auto-factchequée", quelle horreur mais quel honneur !
D'autant que l'histoire est salace même si elle est affreusement instructive ;
D'autant qu'elle l'est d'autant plus, salace-instructive, qu'en procédant par analogie nous devrions observer que "les dieux en France", - pour paraphraser le « Heureux comme Dieu en France » des Allemands d'avant l'Adolf, lorsqu'ils avaient quelque envie jalouse et respectueuse en même temps que moqueuse pour leurs voisins, - les susdits "dieux en France" font bien les chose puisqu'ils nous offrent au même moment la polémique Le scandale "Facts and Furious" ou la mafia du fact-checking ;
D'autant que ce rapprochement qui est bien trop sollicité, tiré par les cheveux, ne fait pas horreur à son auteur et encore moins honneur à son époque ;
D'autant qu'ainsi est-il démontré que l'activité "privée" mais vertueuse et sans doute (hypo-thèse) lucrative du 'Fact & Checking' est une industrie comme une autre, nous voulons dire aussi honorable que la prostitution, la drogue, la censure hollywoodienne, la masturbation étiquetée-"Camp du Bien", toutes ces valeurs dont nous sommes si fiers, vous, nous, moi, le pandore et le quidam !
D'autant que le mouton qui lit sa gazette et y croit dur comme fer et comme trouille, qui n'est même pas capable de prendre son AK-47 et de descendre dans la rue comme vous et moi, qui est moqué et ridiculisé par les résistants des réseaux, surtout ceux qui ne s'embarrassent pas d'AK-47, j'allais l'oublier celui-là et ceux-là, - ce mouton-là se trouve confronté par Ursula von der Leyen à une comptabilité qui était jusqu'ici rangée dans la rayon maudit du complotisme...
Bref ! "Back to Ursula !", après avoir laissé derrière nous l'épisode "Fact & Furious" ! Car voici les faits concernant Ursula von Leyen, diligenté dans l'ordre, dans une affaire qui a fait grand bruit :
• D'abord, l'annonce par la présidente de la Commission Européenne Ursula von der Leyen, dans une conférence qu'elle a donnée hier après-midi, que les forces ukrainiennes ont perdu "plus de 100 000 soldats tués depuis le début de la guerre". (Elle les nomme "officiers", mais "soldats" [de tous les rangs, où les officiers ne sont pas e, majorité] semblerait plus approprié.)
« La présidente de la Commission Européenne, Ursula von der Leyen, a présenté le nombre total de pertes estimées pour l'Ukraine dans son conflit avec la Russie.» "Plus de 100 000 officiers [soldats, ou "combattants"] ukrainiens ont été tués jusqu'à présent", a affirmé Mme von der Leyen mercredi, tout en ajoutant qu'environ 20 000 vies civiles ont également été perdues au milieu des combats, qui se poursuivent depuis fin février.
» La présidente de la Commission européenne n'a pas révélé les sources des informations qu'elle a fournies. »
• Très rapidement après cette première diffusion il est apparu que cette précision était tout à fait inapproprié, du point de vue essentiellement du 'Camp du Bien'. Dans tous les cas, il apparut aussitôt que ces précisions chiffrées devaient disparaître, aussi bien du texte de l'intervention de la Présidente, de son propre compte, de ses propres messages tweeter, etc. Mais, bien entendu, le "mal" était fait et le tour de la planète avait été réalisé en un nombre respectable de fois par la nouvelle... (Pour le reste, on concédera que cela s'appelle de la censure, sinon de l'"autocensure".)
« Une affirmation sur le nombre de soldats ukrainiens tués pendant le conflit avec la Russie a été retirée d'un discours de la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen sur le site officiel de l'exécutif.» "Plus de 100 000 militaires ukrainiens ont été tués jusqu'à présent", a-t-elle déclaré lors d'un discours prononcé plus tôt mercredi, ajoutant qu'environ 20 000 civils avaient également péri en neuf mois de combats. La source de cette information n'a pas été fournie.
» Toutefois, la référence au nombre de morts à Kiev a rapidement disparu du texte du discours sur le site web de la Commission européenne. Elle a également été coupée d'une vidéo du discours sur le site web et sur le compte de Mme von der Leyen sur Twitter.
» Cette modification a été remarquée par certains médias et utilisateurs de médias sociaux, qui ont comparé les deux versions de la déclaration en ligne. Le geste a ensuite été officiellement confirmé par la Commission européenne. »
• Les réactions sur cette opération de "blanchiment de l'information" ont été nombreuses, parfois sérieuses et précises, comme celle d'Alexander Mercouris qui trouve dans cette comptabilité macabre la confirmation de tout ce qu'il analyse depuis des mois.
•... Réactions également, et aussi souvent, ricanant et moqueuses comme on l'imagine dans cette "guerre de la communication" particulièrement dure. L'un des combattants les plus chevronnés à cet égard, du côté russe, c'est l'ancien président Dimitri Medvedev. Il n'a pas raté Ursula et a ainsi présenté une des deux ou trois explications de la décision de retrait (autocensure, intervention US ou intervention zélenkiste).
« L'autocensure de la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen, qui a supprimé un tweet mentionnant des victimes ukrainiennes, est "humiliante", a déclaré mercredi l'ancien président russe Dmitri Medvedev. Il a ajouté que cette rétractation montrait que le bloc [UE] n'était rien d'autre qu'une marionnette des États-Unis.» "Il est évident que 'Tante Ursula' a été giflée par ses patrons à Washington", a déclaré Medvedev dans un message sur VK. "Cela a semblé faire mal, aussi. Cela semble extrêmement humiliant". »
Humiliant, sans aucun doute, mais cela passe comme de l'eau sur une combinaison de toile cirée pour marin au cœur de la tempête, car Ursula a le cuir épais lorsqu'il s'agit des récriminations yankees et de Saint-Volodymyir... "Maladroit" dirions-nous aussi et plus volontiers, extrêmement maladroit. Le discours présentait un argument pour faire condamner pour crimes de guerre quelques dizaines de millions de Russes devant une Cour que l'UE mettrait en place. On voit mal comment une telle proposition pourrait accoucher d'une créature monstrueuse, prétendant en plus avoir toute légitimité pour juger des Russes, et les Russes acceptant avec empressement de s'y prêter ; tout cela fait un peu vaseline de contrebande, signe de l'épuisement des forces spéciales de la communication-UE. Mais là-dessus, introduire ce chiffre, si élevé, si symboliquement significatif d'une très grave situation pour les Ukrainiens, alors qu'on continue à clamer que l'armée russe s'effondre, c'est confondre colle et vaseline...
Note de PhG-Bis : « On imagine toutes les versions avancées pour civiliser la vaseline, y compris "il s'agit d'une estimation", ou bien "il s'agit de 100 000 tués et blessés", etc. On a même à l'esprit l'aveu de la porte-parole de la présidente de la Commission qu'il y a eu autocensure. Aucun intérêt pour PhG. Ce qui a été dit a été dit ; le chiffre fatal a été dit et il a résonné comme une vérité dans une époque qui se targue d'être celle de la postvérité. L'effet est en marche. »
La vérité de la postvérité ?
Il y a deux façons de commenter ce chiffre qui constitue une confirmation des estimations russes (Shoigou parlait en juillet de 60 à 70 000 tués) : en tirer les enseignements militaires, ou bien en apprécier les effets politiques et de communication. Les seconds dépendant des premiers qui ne font à notre sens que confirmer une situation déjà évidente, on parlera des "effets politiques et de communication" pour mieux comprendre les enseignements militaires qui doivent avoir été tirés ou seront nécessairement tirés, - secrètement, discrètement ou parfois de vive voix, - par nombre d'observateurs et de commentateurs.
En effet, le chiffre avancé puis retiré par von der Leyen porte en soi une indication très forte de l'évolution de la situation sur le terrain. Les analyses décrivant l'avantage ukrainien, voire l'effondrement de l'armée russe, se trouvent très fortement mises en cause. La question n'est pas ici, pour nous, de déterminer la mesure et la véracité de la réalité ainsi décrite, mais bien d'appréhender les conséquences entre les différentes factions des pouvoirs en place dans les pays du bloc-BAO, notamment aux USA, par rapport au soutien qu'il faut ou ne faut plus apporter au régime Zelenski, par rapport à la perspective ou non de possibles négociations, etc.
Le moins qu'on puisse dire est que le faux-pas de la présidente de la Commission, - dans ce cas, c'en est un, - va créer un nouvel élément de désordre là où le désordre règne déjà. Par exemple, dans l'administration Biden et autour du pouvoir, comme il est désormais évident notamment au travers de certains articles de presse (notamment The Lost Opportunities to Leave Ukraine Better OffThe Lost Opportunities to Leave Ukraine Better Off ), une bataille intense est en cours entre les partisans d'un arrangement (dont, semble-t-il, Obama) et les jusqu'auboutistes autour des neocons.
L'effet politique indirect de l'intervention de Leyen est de rendre encore plus pressantes ces deux position, et plus rude leur opposition. On comprend bien entendu dans quel sens et de quelle façon : les partisans d'un arrangement y trouvent un argument de plus pour rechercher de toute urgence une incitation à ouvrir des négociations ; les jusqu'auboutistes y voient un argument, non seulement pour un renforcement de l'aide pour le régime Zelenski, mais surtout pour un engagement plus direct, voire franchement direct de l'OTAN dans la bataille.
On pourrait certes raisonner d'une façon factuelle si l'on admet la validité d'un chiffre tel que celui de de 100 00 tués, - et ce serait les partisans d'un arrangement qui l'emporteraient parce que l'OTAN et les USA sont loin d'avoir les moyens d'un engagement où ils ne risqueraient pas une humiliante défaite. Mais nous sommes dans le domaine de la communication, où les faits sont des choses malléables à souhait. Dans ce cas, l'intervention de von der Leyen constitue un facteur de désordre et de trouble supplémentaires en jetant un discrédit supplémentaire, sur l'information "officielle" certes, mais surtout sur tous les circuits d'information en général tant il est assuré que les jusqu'auboutistes riposteront en mettant en doute même les évaluations des services ou des agences qui sont de leur côté mais qui ne rejetteraient pas aussitôt ce chiffre.
En fait, c'est tout le système de la communication, y compris et surtout les divers filtres de censure (ce qui est désigné plus haut comme 'l'industrie du factchecking', et comparé à une organisation type-mafia par certains), qui est encore plus ébranlé alors qu'il est par nécessité de travail dans une situation extraordinairement instable, puisque dépendant des attaques constantes et imprévisibles des divers "complotismes".
'L'industrie du factchecking', création inédite et vertueuse de l'hypercapitalisme postmoderne, est ici l'élément nouveau le plus intéressant : même ceux qui sont protégés par 'l'industrie du factchecking' se trouvent déstabilisés dans ce domaine où ils se jugeaient inattaquables grâce à la puissance morale autant qu'industrielle de leur dispositif. Les '100 000 tués' de von Leyen concernent ainsi moins la situation militaire en Ukraine et les souffrances qu'elle engendre, que le monde de connivence et d'influence qui, depuis des mois, après des années d'activités préparatoires dans ce sens, alimente la conduite de la guerre par la communication.
En un sens, on constatera que nous avons fait un pas de plus dans le monde de la 'postvérité'. Même ceux qui prétendent instituer une nouvelle vérité se trouvent confrontés au nouvel ordre qu'ils ont contribué à établir. Mème leur vérité est mise au pilon par l'implacable diktat de la postvérité.
Mis en ligne le 1er décembre 2022 à 17H00