© Eric VIDAL / EUROPEAN PARLIAMENT Source: AFP
Eva Kaili, politicienne grecque et vice-présidente du Parlement européen, prend la parole le 7 décembre lors de la cérémonie de remise du Prix du livre européen à Bruxelles.
Une opération anticorruption de la police belge au Parlement européen, en lien avec le Qatar, a suscité de très vives réactions à Bruxelles, élus et ONG appelant à débattre en urgence d'une amélioration des règles d'éthique dans cette grande institution de l'UE.
L'élue grecque Eva Kaili ainsi que quatre autre personnes ont été écrouées annonce ce 11 décembre une source judiciaire citée par l'AFP. Le parquet fédéral n'a fourni, lui, aucun nom en annonçant le placement en détention provisoire de quatre des six personnes interpellées ces dernières 48 heures.
Dans la soirée du 10 décembre, le Parlement avait annoncé la première sanction dans cette affaire : Eva Kaili, interpellée la veille au soir par la police, s'est vu retirer provisoirement les tâches que lui avait déléguées la présidente Roberta Metsola, comme celle de la représenter dans la région Moyen-Orient.
«A la lumière des enquêtes judiciaires en cours menées par les autorités belges, la présidente Metsola a décidé de suspendre avec effet immédiat tous les pouvoirs, devoirs et tâches qui ont été délégués à Eva Kaili en sa qualité de vice-présidente du Parlement européen», avait annoncé un porte-parole de Roberta Metsola.
Dès le soir de son arrestation, Eva Kaili avait été exclue du Parti socialiste grec (Pasok-Kinal), qui souhaiterait aussi la voir céder son siège au Parlement européen. Le groupe Socialistes et Démocrates (S&D) de l'assemblée européenne a annoncé sa suspension «avec effet immédiat».
L'eurodéputée grecque Eva Kaili est une ex-présentatrice télé de 44 ans devenue une figure de la social-démocratie dans son pays. Elle a le titre de vice-président du Parlement européen comme 13 autres élus. Désormais sans délégation.
Ciblé, le Qatar dénonce «une grave désinformation»
Cinq personnes dont Eva Kaili avaient été arrêtées à Bruxelles à l'issue d'au moins 16 perquisitions dans une enquête sur des soupçons de versements d'argent «conséquents» par un pays du Golfe pour influencer les décisions des eurodéputés.
Le parquet fédéral n'a pas nommé le pays, mais une source judiciaire proche du dossier a confirmé à l'AFP qu'il s'agissait du Qatar, comme le révélaient les médias Le Soir et Knack. «Toute allégation de mauvaise conduite de la part de l'Etat du Qatar témoigne d'une grave désinformation», a réagi un responsable du gouvernement qatari sollicité par l'AFP. L'affaire éclate en plein Mondial de football, alors que le pays organisateur doit déployer des efforts pour défendre sa réputation décriée en matière de respect des droits de l'Homme, notamment ceux des travailleurs.
Eva Kaili s'était rendue début novembre au Qatar où elle avait salué en présence du ministre qatari du Travail les réformes de l'émirat dans ce secteur. «Le Qatar est un chef de file en matière de droits du travail», avait aussi affirmé la Grecque le 22 novembre à la tribune du Parlement européen. Ces propos, qui avaient alors suscité des remous dans les rangs de la gauche, sont revenus à l'esprit de nombreux eurodéputés à l'annonce de son arrestation.
Des socialistes français ont dénoncé «un scandale gravissime», tandis que les écologistes Michèle Rivasi et David Cormand ont pointé du doigt «une complaisance coupable» de certains socio-démocrates (S&D) lors du débat sur le Qatar à la dernière session plénière.
Corruption et blanchiment d'argent
L'enquête du juge belge Michel Claise vise des faits de «corruption» et de «blanchiment d'argent» en bande organisée, selon le parquet. Le journal belge L'Echo affirmait le 10 décembre que «plusieurs sacs remplis de billets» avaient été découverts au domicile bruxellois d'Eva Kaili, que la police a perquisitionné après avoir surpris le père de l'élue lui-même en possession d'une grosse quantité d'argent liquide dans «une valise».
Selon des informations confirmées à l'AFP, au moins trois suspects interpellés le 9 décembre sont des Italiens ou d'origine italienne : l'ancien eurodéputé socialiste Pier-Antonio Panzeri (qui a siégé de 2004 à 2019), le secrétaire général de la Confédération syndicale internationale (CSI) Luca Visentini, ainsi que Francesco Giorgi, un assistant parlementaire du groupe S&D, compagnon de madame Kaili. Outre les cinq en Belgique, il y a eu deux interpellations en Italie, a confirmé le 10 décembre une source gouvernementale italienne à l'AFP à Rome. Il s'agit de l'épouse et la fille d'Antonio Panzeri.
La prochaine session, qui démarre le 12 décembre à Strasbourg, s'annonce agitée. L'eurodéputée française Manon Aubry (gauche radicale) a exigé un nouveau débat sur le même sujet, en fustigeant le 10 décembre «le lobbying agressif du Qatar».