29/01/2023 vududroit.com  10 min #223204

Scholz, Baerbock et la Barbarossa du pauvre

Je ne sais plus qui du colonel Douglas MacGregor ou du colonel Scott Ritter a dit que la façon dont l'Occident traite le conflit ukrainien est une farce. À propos, comme je le disais dans une vidéo en recevant le colonel Jacques Baud en m'inspirant sketch des inconnus : « les colonels, c'est comme les chasseurs il y a les bons et les mauvais ». Dans le passé, entre les deux guerres nous avons eu le colonel de Gaulle, mais ça c'était avant. Aujourd'hui celui qui trône sur les plateaux c'est le colonel Goyafi, celui qui rétorque au vice-président de la Douma russe qu'il n'a pas à se vanter de la capitulation inconditionnelle de l'Allemagne le 9 mai 1945 puisque c'est Hitler qui a gagné la guerre. Cela vaut la peine d'expliciter son raisonnement, dans lequel il avance l'argument effectivement imparable qu'après 50 ans d'occupation les soviétiques ont quitté Berlin. Il n'a pas dit « nananère », mais c'est tout juste. Vu le niveau d'ignorance du personnage on imagine qu'il n'a jamais entendu parler du traité de Moscou de 1990, dit « Traité 4 + 2 » signé par les quatre vainqueurs de 1945 et les deux Allemagnes avant réunification. Pour justement clarifier les engagements de l'Allemagne réunifiée. Et dont la conséquence a été le départ des soviétiques d'Allemagne de l'Est. Notre Goyafi national présente un traité international comme une défaite militaire. Encore bravo.

Tiens au passage on va dire un mot d'Analena Baerbock ministre des Affaires étrangères allemande qui vient tranquillement de déclarer (en anglais je vous prie) devant l'Assemblée Parlementaire du Conseil de l'Europe : « le plus important et le plus crucial est que nous le fassions ensemble et que nous ne cédions pas au jeu des reproches, car nous menons une guerre contre la Russie et non les uns contre les autres. » Le droit de la guerre n'est pas si formaliste quant au déclenchement des hostilités. En bon français et en droit Madame Baerbock vient donc de déclarer la guerre à la Russie et a adopté pour son pays le statut de l'agresseur. Encore bravo. Quant à son collègue chancelier, l'inconsistant Olaf Scholz, en application de la déclaration de son ministre des affaires étrangères, il vient de décider d'envoyer des panzers dans les steppes ukrainiennes. Piétinant tranquillement les engagements solennels pris par son pays précisément dans le « Traité 4 + 2 ». Et notamment son article 2 on ne peut plus explicite : « Les gouvernements de la République fédérale d'Allemagne et de la République démocratique allemande réaffirment leurs déclarations selon lesquelles seule la paix émanera du sol allemand. Selon la constitution de l'Allemagne unie, les actes susceptibles de troubler les relations pacifiques entre les nations entreprises dans cette intention, notamment en vue de préparer une guerre d'agression, sont anticonstitutionnels et constituent une infraction punissable. Les gouvernements de la République fédérale d'Allemagne de la République démocratique allemande déclarent que l'Allemagne unie n'emploiera jamais aucune de ces armes que conformément à sa constitution et à la charte des Nations unies. » Il est difficile d'être plus clair, et aucune argutie juridique ne permettra de considérer que les déclarations de Baerbock et la décision de Scholz ne sont pas des violations grossières de cet engagement international. On ajoute pour faire bon poids que ce sont également des « infractions punissables » selon la lettre du Traité. Un petit tour à la CPI pour nos duettistes ? En tout cas, félicitations au chancelier allemand et à sa ministre des Affaires étrangères de faire tout ça la veille du 90e anniversaire de la nomination d'Adolf Hitler à la chancellerie. Inutile de souligner l'effet symbolique dévastateur en Russie, de ce remake en farce de Barbarossa. Sûr que convaincus par les décisions de Berlin le peuple russe terrorisé va s'empresser de renverser Poutine et de se soumettre. Là aussi, encore bravo.

Oui, parce que cette tragédie se déroule réellement comme une farce, où le simulacre se poursuit. Dans un Occident où règne au sommet un mélange d'arrogance, d'ignorance et bêtise on entend tout et n'importe quoi. Peut-être pour masquer les ravages humains du « hachoir à viande » mis en place par les Russes à Bakhmut, grand tintamarre depuis quelques jours, surl'envoi de 120 chars en Ukraine en racontant que cela va tout changer. Le problème c'est qu'a priori les Russes s'en foutent, ils en ont 12 000, sans compter le reste. Et que si l'on applique les standards américains donc ceux de l'OTAN, la dotation d'une compagnie est de 14 chars, il y a trois compagnies dans un bataillon qui va donc en avoir 42. Ce qui veut dire que l'Occident va fournir à l'Ukraine, l'équipement de trois bataillons ! Or d'après des informations occidentales fiables, l'Ukraine perd actuellement un bataillon (d'infanterie légère probablement) par jour !

Pendant ce temps, les pauvres ukrainiens qui croient le discours occidental continuent à se faire massacrer. Et le monde attend l'offensive russe d'hiver qui ne vient pas.

Pour l'analyse militaire et stratégique de cette situation je m'en remets à un intervenant américain (ce sont les meilleures sources). Voici ce que nous disait hier HELMHOLTZ SMITH.

Une poignée de chars, et après ?

Je ne sais pas ce que les Russes vont faire en Ukraine et personne d'autre en dehors de leur haut commandement non plus. Mais il y a certainement eu beaucoup de prédictions erronées. Laissant de côté le moulin à propagande occidental (détails en lien ci-dessous), les observateurs sérieux semblent se tromper de timing. Nous savons que le rapport de forces favorise la Russie mais nous nous attendons à ce que les choses se passent plus rapidement. Nous sommes d'accord pour dire que Moscou s'attendait à quelque chose de plus court, de moins sanglant et de plus rapide au début et a probablement été surpris par la résistance du régime de Kiev et le soutien incontrôlé de l'OTAN. Par conséquent, il y a eu un réexamen et l'appel de nouvelles forces. Jusqu'à présent, nous sommes d'accord - c'est le moment de la prochaine étape que nous semblons nous tromper.

J'ai réfléchi à la raison pour laquelle il en est ainsi et j'en suis venu aux conclusions suivantes. À présent, tous ceux qui y prêtent attention savent que le champ de bataille ukrainien fait partie d'une guerre mondiale dans laquelle ceux qui contrôlent l'empire américain tentent de conserver leur domination. Pour ceux qui ne font pas partie de la bulle de propagande de l'OTAN, il y a un accord général sur le fait que

  1. La Russie gagne à la fois sur le champ de bataille ukrainien et sur le théâtre au sens large.
  2. Le temps qui passe est du côté de la Russie.

D'abord le champ de bataille de l'Ukraine.

Le premier objectif de la guerre est de détruire la puissance de l'ennemi et c'est ce que fait la Russie, notamment dans l'abattoir de Bakhmut. Kiev est déterminé à se tenir debout et à se battre ici et les Russes sont très heureux de les laisser faire - «  l'artillerie conquiert et l'infanterie occupe » - et c'est ce que nous voyons ici. Lentement, lentement, les forces russes avancent sur des montagnes de corps ukrainiens. Au cours de la semaine dernière, les forces russes ont également commencé à avancer sur d'autres fronts. Ce broyage peut continuer jusqu'à ce que l'Ukraine s'effondre car il est plus facile pour les Russes de laisser l'ennemi venir à eux que de s'en prendre à eux. Pendant ce temps, les missiles russes détruisent l'infrastructure dont Kiev a besoin pour continuer la guerre. Le temps et les développements favorisent la Russie et il n'y a aucune incitation à faire des mouvements de « grande flèche ».

Sur la « guerre mondiale », les sanctions qui étaient censées écraser la Russie ont explosé et nous avons des gros titres comme «  L'inflation en Europe est en baisse mais les prix des denrées alimentaires augmentent » et des  décès par hypothermie en Angleterre. L'inflation baisse parce que la demande baisse et la demande baisse parce que  les entreprises s'arrêtent à cause du prix du carburant.  L'indice PMI de l'Allemagne est en baisse.

Personne (sauf les habitants de la bulle de l'OTAN) ne devrait être surpris - vous avez sanctionné le plus grand exportateur d'énergie, le plus grand exportateur de céréales et un grand exportateur de potasse, vous attendiez-vous à ce que les prix baissent ? Tout a besoin d'énergie et tout le monde a besoin de nourriture. L'unité de l'OTAN vacille avec la Turquie, la Suède et la Finlande.  La Hongrie constate officiellement les souffrances des Hongrois en Ukraine

 La partition de l'Ukraine était envisagée.  Macron soupçonne les États-Unis d'affaiblir volontairement leurs alliés européens. Est-ce que Washington a forcé Berlin pour qu'il passe en premier pour finir de les couper avec les Russes ? Quand exactement les  Abrams arriveront-ils ?  L'OTAN fait maintenant irruption dans ses stocks actifs ( l'Estonie rejoint le Danemark en envoyant toute son artillerie). (Et personne ne demande qui a fait sauter Nord Stream ?)  Des émeutes et des protestations dans toute l'Europe. Que se  passe -t-il à Kiev ? Plus cela dure, plus les ennemis de la Russie s'affaiblissent. Ainsi, dans la grande guerre, le temps et les développements favorisent la Russie et il n'y a aucune incitation à faire des mouvements de « grande flèche ».

Par conséquent, la Russie devrait continuer à faire ce qu'elle fait et garder la grande force en réserve - aucune raison de changer quoi que ce soit - elle attaque ses ennemis.

Mais...

À quel point l'OTAN deviendra-t-elle folle ? Sa stratégie est un échec total. Les «  sanctions paralysantes » n'ont pas fait s'effondrer l'économie russe, renversé Poutine ou soulevé la population. Au contraire, quand même « The Economist » doit admettre que la Russie «  a fait beaucoup mieux que prévu », vous savez qu'elle est en fait florissante. Les armes miracles - Bayraktars, Javelins, M777, HIMARS, Gepards, Patriots et maintenant les chars - n'ont fait que prolonger les souffrances de l'Ukraine et faire de Wagner et Akhmat Sila les meilleurs combattants urbains du monde. Et ensuite ? L'OTAN peut-elle faire machine arrière ? Peut-elle survivre à une autre défaite ? Ou, aller directement dans le précipice ? Quelle nouvelle folie va-t-elle inventer lorsque les chars échoueront ? Même CNN s'inquiète - «  Pensez à la victoire de la propagande du président russe Vladimir Poutine si des images apparaissent de chars américains hors d'usage sur un champ de bataille ukrainien ».)

Par conséquent, je pense que le haut commandement russe est dans une boucle de décision continue. Chaque matin, il se demande s'il faut poursuivre la stratégie actuelle ou lancer le mouvement de la « grande flèche » pour y mettre un terme avant que l'OTAN ne fasse quelque chose d'irrémédiablement stupide. C'est un processus d'équilibrage minutieux.

Bref, le haut commandement russe continuera de faire ce qu'il fait et restera sur la réserve jusqu'à ce qu'il décide que le moment est venu d'y mettre fin. Et c'est une décision que lui seul peut prendre sur la base d'informations qu'il est le seul à connaître.

Alors, peut-être que l'offensive de la « grande flèche » commencera demain ou peut-être n'aura-t-elle jamais besoin d'être lancée.

 Régis de Castelnau

 vududroit.com

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