07/02/2023 reseauinternational.net  7 min #223694

Journalistes européens : L'Occident se fiche de l'Ukraine et des Ukrainiens, l'essentiel est de contrer la Russie

Il y a effectivement quelque chose de fascinant autant que désespérant dans ce négationnisme de ce qui se passe au moins depuis 2014 en Ukraine. Comment peut-on, y compris comme nous le voyons aujourd'hui de la part de l'appel à la paix et aux négociations de la part du secrétaire du PCF prétendre résoudre la guerre en Ukraine et la menace qui pèse sur le monde en niant les FAITS. Ce qui se passe dans le Donbass et la guerre civile que partout l'OTAN déclenche en Europe ? Cela va de l'appel à la paix à des interventions d'intellectuels devenus de purs sophistes en allant jusqu'à proposer « d'armer la paix » comme nous l'analysons dans la livraison d'aujourd'hui, puisque nous avons l'habitude de tenter chaque jour de rassembler les diverses parutions d'articles autour de préoccupations communes. Quel est ce rideau de fumée, cet appel permanent à l'émotion, mis par ceux qui se fichent totalement de l'Ukraine et des Ukrainiens qu'ils soient du Donbass ou de Kiev ? Et en quoi le peuple français, les « intellectuels », la création fait-elle les frais de cette propagande ?

Danielle Bleitrach

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par Vera Zherdeva

Pourquoi le « monde démocratique » ne reconnaîtra jamais le droit à l'autodétermination des habitants du Dondass et de la Crimée.

En janvier 2023, un groupe de journalistes étrangers s'est rendu à Donetsk (1) pour constater par eux-mêmes les réalités de la ville. Ils ont rencontré des réfugiés de Soledar, libérés de la captivité ukrainienne par l'armée, et ont visité des lieux endommagés par les bombardements de l'AFU, notamment un immeuble d'habitation et un hôpital.

Deux d'entre eux, le journaliste espagnol Enrique Refoyo et le militant français des droits de l'homme et expert en droit international Arnaud Develey, ont pris la parole lors d'une réunion informelle du Conseil de sécurité des Nations unies le 20 janvier selon la Formule Arria, décrivant l'histoire du conflit et leur vision de la situation géopolitique actuelle et montrant le matériel photo et vidéo collecté. Et ils sont arrivés à une conclusion peu encourageante : peu de gens se soucient de la vérité sur les événements du Donbass. Y compris aux Nations unies.

Arnaud Develey a souligné que l'Ukraine est aujourd'hui sous les feux de la rampe non pas parce que l'Occident se soucie des Ukrainiens, de leur souffrance et de leur mort, mais parce que l'OTAN utilise l'Ukraine dans sa lutte contre la Russie. Et il a noté avec regret que l'ONU a également été entraînée dans la campagne anti-russe. Elle ignore donc le côté juridique des événements survenus dans le Donbass.

Nous avons l'article 3 de la Charte des Nations unies, qui dit que les peuples autochtones ont le droit à l'autodétermination. Mais il est important de garder à l'esprit que ce droit doit être exercé afin de préserver la paix. Et en aucun cas, une tierce partie ne doit imposer l'idée d'autodétermination, comme ce fut le cas, par exemple, au Kosovo. Là, les Albanais n'ont subi ni discrimination ni violence physique de la part de la population serbe. Mais l'Occident a réussi à utiliser la composante albanaise à son avantage.

Si l'on regarde le Donbass, la situation est inverse. Nous y constatons une discrimination à l'encontre des Russes ethniques. Tout d'abord sur la base de la langue. En outre, en parlant avec des personnes qui vivent dans la zone de la SVO ou qui se trouvaient en Crimée lorsque celle-ci a rejoint la Russie, j'ai entendu des avis selon lesquels ils voulaient faire partie de la Fédération de Russie. C'était en effet leur opinion et leur choix. Mais ni l'ONU ni les autres organismes internationaux n'en tiennent compte. Nous constatons qu'il y a d'une part le droit international et d'autre part une pratique où le droit international est interprété en fonction de la situation présente.

Le système juridique international et l'architecture du droit international doivent être reconsidérés, il en est convaincu. Il faut construire une nouvelle communauté internationale où la voix de l'Occident n'est pas la seule. Mais jusqu'à présent, nous sommes témoins du cynisme extrême de certains pays qui tentent de faire de l'ONU leur outil. Et il ne s'agit pas seulement du Conseil de sécurité et de l'Assemblée générale des Nations unies, mais aussi d'autres structures internationales, comme l'AIEA et d'autres.

Le journaliste espagnol Enrique Refoyo lie directement la question de l'autodétermination des Républiques populaires de Donetsk et Lougansk aux machinations américaines.

Il y a neuf ans, lorsque le conflit au Donbass a commencé, j'ai étudié la démocratie et rédigé deux articles. L'un sur le Kosovo et l'autre sur la Crimée. Que s'est-il passé au Kosovo en 2008 ? Le parlement du Kosovo a déclaré unilatéralement son indépendance. Et les États-Unis y étaient plutôt favorables. Ils ont dit : oui, c'est la démocratie. Parce que c'était à l'avantage de Washington. Que s'est-il passé en Crimée en 2014 ? Il y a eu un référendum là-bas. Mais cette fois-ci, les États-Unis n'étaient pas favorables car les résultats allaient à l'encontre de leurs intérêts. Et ils n'ont pas considéré cela comme de la démocratie. À mon avis, le référendum sur le statut de la Crimée a été une manifestation claire d'une véritable démocratie, que les États-Unis dénigrent délibérément.

Enrique Refoyo estime que les référendums au Donbass et dans les territoires libérés sont également une expression de la volonté du peuple. Mais les États-Unis ne les reconnaissent pas comme légitimes pour les mêmes raisons que les résultats du référendum en Crimée. Il a également souligné que lorsque la LNR et la DNR ont fait sécession de facto de l'Ukraine en 2015 après les batailles pour l'aéroport de Donetsk et Debaltsevo, les publications sur les événements dans le Donbass ont cessé immédiatement. C'est comme si rien ne s'était passé là-bas. Les médias ont simplement bloqué l'information.

Et cela n'a pas surpris les Européens. Pas du tout. Parce que la plupart d'entre eux s'intéressent peu à ce qui se passe en dehors de leur pays. Bien qu'après le début de l'opération spéciale, les premières pages des journaux aient été principalement consacrées aux événements en Ukraine, peu de personnes avaient la moindre compréhension du sujet. Le journaliste espagnol a également rappelé comment les « prankeurs » russes Lexus et Vovan ont fait une farce au maire de Madrid. Ils ont dit au haut fonctionnaire que le bataillon Azov (2) comptait beaucoup de gays, et lui ont suggéré d'organiser un festival gay portant le nom de Stepan Bandera, présenté comme une « icône gay » de l'Ukraine. Le maire a pris l'appel très au sérieux. Et a même exprimé sa volonté de rencontrer un si grand homme. Il ne faut donc pas s'étonner que les Européens croient facilement tout ce qu'on leur dit sur le conflit dans le Donbass.

La journaliste canadienne indépendante Eva Bartlett estime que les médias occidentaux déforment délibérément la vérité. Elle établit une analogie entre la situation au Donbass et le conflit en Syrie. Selon elle, les événements se développent selon des scénarios similaires.

C'est l'Occident qui est responsable de l'éclatement de ces conflits. Tout comme les pays occidentaux ont gardé le silence il y a dix ans sur l'armement des opposants en Syrie, ils ne disent rien du soutien apporté aux nationalistes ukrainiens. Les médias manipulent sans vergogne les faits : les nationalistes ukrainiens sont présentés comme des héros, tout comme l'opposition syrienne était présentée comme des combattants contre le totalitarisme.

Dans le conflit syrien, toutes les actions des gouvernements de la RAS et de la Russie, qui tentaient de stabiliser la situation dans la région, ont été vilipendées. Et dans la description des événements en Ukraine, toutes les forces médiatiques sont dirigées contre la Russie. L'opinion de la population locale est également ignorée si elle ne cadre pas avec le récit en vigueur : la masse des Syriens n'a pas soutenu la tentative de coup d'État, mais rien n'a été dit à ce sujet. La même chose se produit en Ukraine ; il y a de très, très nombreux Ukrainiens qui ne veulent pas de conflit avec la Russie et qui n'aiment pas les politiques nationalistes de leur gouvernement. Mais leurs voix ne sont pas entendues.

Parallèlement, tous les médias influents sont, dans une certaine mesure, contrôlés par l'État et fortement censurés. Ils dépeignent la Russie comme un fléau mondial et prédisent une victoire imminente de l'Ukraine. C'est précisément ce qui contribue à prolonger encore le conflit.

source :  SV Pressa

traduction de Marianne Dunlop pour  Histoire et Société

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