par Feiza Ben Mohamed
Depuis le 25 mars, cette brigade est visée par une pétition, soumise à la plate-forme citoyenne de l'Assemblée nationale, pour réclamer sa dissolution.
Violences, injures, propos racistes, agressions gratuites, la BRAV-M (Brigade de répression de l'action violente motorisée) est au cœur d'une vive polémique après des dérives et comportements inadaptés, révélés par plusieurs témoins, enregistrements audios et vidéos à l'appui.
Sous l'égide de la préfecture de police de Paris, cette unité controversée est chargée de participer aux missions de maintien de l'ordre dans les manifestations parisiennes, mais depuis le 25 mars, elle est visée par une pétition, soumise à la plate-forme citoyenne de l'Assemblée nationale pour réclamer sa dissolution.
L'initiative, soutenue par de nombreux députés LFI (La France Insoumise), a dépassé, lundi soir, les 100 000 signatures. Dans un entretien à Anadolu, le député insoumis Thomas Portes, qui réclame lui aussi la fin de la BRAV-M est revenu sur les raisons qui le poussent à appuyer cette pétition.
Une dissolution nécessaire et urgente
En première ligne pour défendre l'idée d'une dissolution, l'élu de la 3ème circonscription de Seine-Saint-Denis, estime que « la terrible répression policière, le flot de témoignages d'exactions commises par la BRAV-M justifient l'urgence et la nécessité de dissoudre cette brigade ».
« Parmi les témoignages, on va des coups de matraques violents et aléatoires à une brigade parisienne qui, après avoir poursuivi un manifestant, lui a roulé sur la jambe tandis qu'il était à terre » appuie le député qui assure que c'est « la prolifération et la gravité de ces violences » qui l'ont conduit « avec d'autres députés LFI à exiger le démantèlement de la BRAV-M ».
Sur le fond, cet avis est partagé par des dizaines de milliers de personnes, qui dénoncent, en signant la pétition mise en ligne, un usage disproportionné de la force, par la BRAV-M, mais surtout des « exactions violentes et brutales » commises en marge des défilés contre la réforme des retraites.
Mais en dépit des accusations et des preuves accablantes qui inondent les réseaux sociaux, le préfet de police de Paris, Laurent Nuñez est loin d'envisager l'hypothèse d'une dissolution.
Interrogé à l'antenne de France Info à la fin du week-end, il affirmait que le démantèlement de la BRAV-M n'était « pas à l'ordre du jour » et appelait au discernement en considérant que « le comportement de quelques individus ne doit pas jeter l'opprobre sur toute une unité qui, ces dernières années, et singulièrement en ce moment, prouve toute son utilité ».
L'ombre de Malik Oussekine
Dans les faits, le rôle de la BRAV-M est sensiblement le même que celui attribué dans le passé, aux « voltigeurs de la police nationale », spécialisés dans les interventions en manifestations.
Créée en 1969 sous l'impulsion du ministre de l'Intérieur Raymond Marcellin, cette milice policière a été dissoute dans un contexte explosif après la mort du jeune Malik Oussekine en marge d'une manifestation à Paris, en décembre 1986.
Malik Oussekine avait 22 ans lorsqu'il a croisé la route de voltigeurs de la police française cette nuit du 5 au 6 décembre 1986, alors qu'il rentrait d'un club de jazz au moment où les voltigeurs étaient déployés pour réprimer les derniers manifestants engagés contre la loi Devaquet.
Sans aucune raison, ils le prennent pour cible, à coups de pieds et de matraques, et le laissent pour mort dans le hall d'un immeuble alors même qu'il tentait désespérément de leur expliquer qu'il n'a rien fait.
Malgré l'intervention des secours, Malik Oussekine sera déclaré mort, dans la même nuit, à son arrivée à l'hôpital Cochin, mais le rapport d'autopsie souligne qu'il était en réalité décédé avant même sa prise en charge.
Cette affaire, qui a profondément marqué l'histoire de l'immigration en France, reste dans toutes les mémoires, au point que la plate-forme Disney+ lui a consacré une série sortie en mai 2022.
C'est à l'aune de cet événement douloureux que militants et politiques de gauche alertent sur les dérives de la BRAV-M craignant que cette unité, réactivée en 2019, sous l'impulsion du préfet de police de l'époque, Didier Lallement pour réprimer les manifestations de « Gilets jaunes », soit à nouveau responsable d'un mort.
« En 1986 leurs ancêtres les voltigeurs avaient assassiné Malik Oussekine. Ils sont dangereux », plaide, à cet effet, le député Thomas Portes, affirmant que « chaque soir, cette unité sème la terreur dans les rues de Paris ».
La doctrine de maintien de l'ordre mise en cause dans sa globalité
Si la BRAV-M se retrouve aujourd'hui au centre de toutes les attentions, c'est bien l'institution policière dans sa globalité qui est en réalité pointée de manière récurrente ces dernières années, avec notamment un chiffre inquiétant de 13 personnes tuées dans des refus d'obtempérer en 2022.
« À ce jour, tel que le ministère de l'Intérieur conçoit le maintien de l'ordre, seule la dissolution de la BRAV-M garantit la fin des violences de cette brigade », affirme Thomas Portes tout en ajoutant « que ce démantèlement serait un premier pas contre cette escalade de violence, mais que toute la doctrine de maintien de l'ordre est à revoir ».
L'élu souligne avoir « interpellé Gérald Darmanin sur la répression du mouvement social et notamment les arrestations arbitraires et la technique dite d'encerclement des manifestants », puisqu'en 2021, « le Conseil d'État avait interdit la technique de la nasse, considérant qu'elle était susceptible d'affecter significativement la liberté de manifester et que rien ne garantissait que son utilisation soit adaptée, nécessaire et proportionnée ».
Ce lundi en conférence de presse depuis la Place Beauvau pour dévoiler le dispositif policier qui doit encadrer les manifestations prévues ce mardi, le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin a fait savoir que l'IGPN (Inspection générale de la police nationale) était saisie de 17 dossiers de potentielles violences policières ou manquements de la part de fonctionnaires de police depuis le début des manifestations.
Une réponse qui apparaît largement sous-calibrée au regard du nombre de vidéos et de témoignages recueillis et diffusés dans la presse ou sur les réseaux sociaux.
« Ce n'est une surprise pour personne, notre groupe parlementaire est favorable à la mise en place d'un véritable contrôle impartial de la police et à la suppression de l'IGPN », réaffirme le député de Seine-Saint-Denis pour qui « la police des polices est en réalité juge et partie » et donne « le sentiment d'un véritable simulacre d'enquête où des policiers décident entre policiers du destin d'autres policiers ».
Citant, tour à tour, les cas « des Gilets jaunes gravement blessés, l'affaire des lycéens de Mantes-la-Jolie mis à genoux mains sur la tête pendant plusieurs heures, ou la noyade de Steve Caniço à Nantes » il déplore le fait que de manière quasi-systématique « l'enquête de l'IGPN est classée sans suite ».
« Les saisines aboutissent à un nombre dérisoire de poursuites, créant le sentiment que les policiers sont au-dessus des lois », conclut Thomas Portes.
La pétition publiée sur la plate-forme de l'Assemblée nationale pour réclamer la dissolution de la BRAV-M va désormais pouvoir être confiée à une commission parlementaire et pourra même être débattue dans l'hémicycle dans l'hypothèse où elle venait à atteindre les 500 000 signatures.
source : Agence Anadolu