© STEPHANE DE SAKUTIN Source: AFP
Image d'illustration.
Les autorités du Burkina Faso ont expulsé le 1er avril Agnès Faivre et Sophie Douce, correspondantes des deux quotidiens français Le Monde et Libération, cinq jours après la suspension de la chaîne de télévision France 24 et quatre mois après celle de Radio France Internationale (RFI).
Les deux journalistes avaient été convoquées le 31 mars à Ouagadougou à la sûreté nationale et ont ensuite reçu l'ordre de quitter le Burkina Faso dans les 24 heures. Ces expulsions surviennent quelques jours après la publication par Libération le 27 mars d'une enquête, vivement démentie par les autorités, sur une vidéo montrant, selon le quotidien français, «des enfants et adolescents exécutés dans une caserne militaire, par au moins un soldat» dans le nord du Burkina.
Ouagadougou condamne des «manipulations déguisées en journalisme pour ternir l'image du pays»
«Le gouvernement condamne fermement ces manipulations déguisées en journalisme pour ternir l'image du pays», avait écrit le porte-parole du gouvernement burkinabè, Jean-Emmanuel Ouédraogo, après la publication de cette enquête, assurant que l'armée agit «dans le strict respect du droit international humanitaire».
«[Le gouvernement] regrette qu'un média d'une telle renommée puisse ainsi se laisser manipuler à des fins politiques et géopolitiques au détriment des principes élémentaires du noble métier de journaliste», pouvait-on lire également.
Avant son départ, Agnès Faivre avait déclaré à l'AFP que cet ordre lui avait notifié «oralement». «J'ai également été convoquée hier [le 31 mars] à la direction de la sureté de l'Etat. Puis un officier est venu ce matin [le 1er avril] à mon domicile me notifier verbalement que j'ai 24h pour quitter le territoire. Aucune notification écrite, ni motif. J'ai du mal à comprendre et à réaliser», avait pour sa part dit Sophie Douce.
Le Monde et Libération ont dénoncé une mesure «inacceptable» et «arbitraire», qui confirme selon le second «que la liberté de la presse au Burkina Faso est lourdement menacée».
Le 27 mars, le gouvernement de transition avait coupé la diffusion de France 24 sur son territoire à la suite du décryptage d'un entretien du chef d'Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI), quatre mois après avoir également suspendu la diffusion de RFI.
Jean-Emmanuel Ouédraogo avait indiqué que ces deux médias étaient accusés d'avoir «ouvert leurs antennes à des leaders terroristes pour qu'ils propagent l'idéologie du terrorisme, de la violence, de la division».
Depuis 2015, le Burkina est pris dans une spirale de violences perpétrées par des groupes djihadistes liés à Daesh et à Al-Qaïda, qui ont fait en tout 10 000 morts - civils et militaires - selon des ONG, et quelque deux millions de déplacés. Le capitaine Ibrahim Traoré, arrivé au pouvoir par un putsch il y a six mois, avait fait part en février de sa «détermination intacte» à combattre les djihadistes, malgré la multiplication des attaques.
Les relations entre la France et le Burkina Faso se sont dégradées depuis l'arrivée au pouvoir du capitaine Traoré. En janvier, les autorités burkinabè ont exigé et obtenu le départ de la force française Sabre. Ces tensions sont entre autres liées à la volonté exprimée par les autorités burkinabè de diversifier leurs partenariats internationaux, notamment en matière de lutte contre le terrorisme.
Elles avaient également demandé le départ de l'ambassadeur de France, Luc Hallade, qui a été rappelé à Paris pour des «consultations» et qui n'a toujours pas été remplacé. Enfin, début mars, le Burkina Faso a dénoncé un accord d'assistance militaire signé en 1961 avec la France.