La Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH) a épinglé la semaine dernière la France dans deux affaires distinctes de placements de mineurs étrangers en centre de rétention. Parmi eux, des bébés de seulement 7 et 8 mois. C'est la 11e condamnation de ce type pour la France depuis 2012.
Nouvelle condamnation de la France par la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH) dans deux affaires distinctes liées à la rétention d'enfants. La haute juridiction a estimé le 4 mai que Paris avait infligé des "traitements inhumains et dégradants" à des enfants migrants.
Dans une première affaire, la France a été condamnée pour la rétention, décidée en janvier 2021 par la préfecture du Bas-Rhin, d'une mère guinéenne et de son fils âgé de sept mois et demi. Ils ont été maintenus en centre fermé pendant neuf jours, en vue de leur transfert vers l'Espagne dans le cadre du règlement Dublin - qui stipule que la demande d'asile doit être déposée dans le premier pays d'arrivée en Europe.
"Compte tenu du très jeune âge" de l'enfant, "des conditions d'accueil dans le centre de rétention de Metz-Queuleu" où ils avaient été envoyés et de la durée de l'enfermement, "la Cour considère" qu'ils ont été "soumis à un traitement qui a dépassé le seuil de gravité requis par l'article 3 de la Convention" européenne des droits de l'Homme, indique la Cour dans son arrêt. Le texte évoqué interdit notamment les "traitements inhumains et dégradants", rappelle la juridiction. Celle-ci a alloué au total 19 000 euros aux requérants.
"Conséquences néfastes de la rétention sur un enfant mineur"
Une violation similaire a été constatée dans un autre dossier, celui de quatre Angolais : une mère et ses trois enfants de 8 mois, 6 et 13 ans au moment des faits. Toujours sur décision de la préfecture du Bas-Rhin, ils avaient aussi été maintenus en centre de rétention administrative (CRA) de Metz-Queuleu puis transférés à celui du Mesnil-Amelot (Seine-et-Marne) en vue de leur transfert vers le Portugal, là encore en vertu du règlement Dublin.
Pourtant @Interieur_Gouv s'en moque, en 2022, 3.000 ont été enfermés en #rétention et ce sont plus de 35.000 enfants qui ont été enfermés depuis 2012 et la première condamnation !…
"Au-delà d'une brève période de rétention, la répétition et l'accumulation des effets engendrés (...) par une privation de liberté entraînent nécessairement des conséquences néfastes sur un enfant mineur", insiste le bras judiciaire du Conseil de l'Europe, selon lequel les requérants avaient été retenus pendant dix jours. La Cour leur a alloué 8 000 euros au titre du dommage matériel.
Dans ces deux dossiers, la CEDH a également conclu à des violations du droit à la liberté et à la sûreté, et du droit de faire statuer à bref délai sur la légalité de la détention de la Convention. Dans les deux cas, elle avait également activé un article qui régit les mesures d'urgence, pour réclamer et obtenir la fin des rétentions.
Plus de 35 000 enfants enfermés depuis 2012
Ces nouvelles affaires portent à 11 le nombre de condamnation de la France par la juridiction européenne dans le cadre de la rétention des enfants.
Sur Twitter, la Défenseure des droits "déplore cette condamnation qui montre la persistance des placements d'enfants en CRA au mépris des droits et de l'intérêt supérieur de l'enfant".
Dans un communiqué, La Cimade, présente dans plusieurs CRA de France, "rappelle que l'enfermement d'un enfant, source importante de stress et d'angoisse est violent et traumatisant". L'association regrette que "le ministère de l'Intérieur reste sourd à une interdiction stricte de l'enfermement des enfants sur tout le territoire français, y compris Mayotte".
Selon le dernier rapport de La Cimade, 94 enfants ont été retenus dans les centres de l'Hexagone en 2022, et 2 905 pour le seul CRA de Mayotte.
Depuis la première condamnation de la France en 2012 pour traitement inhumain et dégradant, plus de 35 000 enfants ont été enfermés en CRA, signale encore l'association.