Actualités du comte Joseph

 Journal dde.crisis de Philippe Grasset 

Actualités du comte Joseph

23 mai 2023 (19H00) - Pour nous, - pour dde.org, pour moi, - Joseph de Maistre est toujours une évocation, une rencontre, une mémoire, une lumière heureuses. Depuis que je l'ai rencontré, il constitue un des piliers de ma façon de penser ; qui plus est, l'ayant rencontré, je me suis aussitôt assuré qu'il était l'homme de mon temps, c'est-à-dire l'homme de la  GrandeCrise.

Note de PhG-Bis : « PhG ne le dit pas, alors je le dis pour lui : lorsqu'il parle de Maistre, ne sortez pas votre arsenal de lieux communs dans l'impasse de la Bienpensance - sur Maistre-réactionnaire et le reste. Il n'en a cure, PhG. Ce n'est ni son affaire, ni sa connaissance, ni son intérêt, ni sa référence. Pour lui, Maistre c'est bien autre chose.... D'ailleurs, qu'on en juge ! »

... Par conséquent, j'ai eu mon attention retenu par la parution d'un nouveau livre sur Maistre, et par une interview de l'auteur que je reprends ci-dessous. (Sur le site d''Éléments', ' Joseph de Maistre. La nation contre les droits de l'homme', par l'agrégé de philosophie et docteur en poétique et en littérature Marc Froidefont.) L'intérêt de la chose est également qu'elle me conduit, moi, à revenir sur Maistre dont je n'ai plus guère parlé sur la longueur depuis longtemps.

On verra aussitôt que mon approche est très différente, et c'est à cela qu'on rencontre des grands auteurs universels : des lecteurs y découvrent des choses différentes, ils effectuent les classements divergents. Une chose nous est commune pourtant, là encore marque de l'universalité du temps et de l'événement chez Maistre : son extraordinaire actualité. Qu'il s'agisse du cas des « nations contre les droits de l'homme' ou de celui de la machinerie transcendante de l'histoire, - la métaHistoire, dirais-je, - Maistre introduit des perceptions, des logiques et des intuitions qui se marient complètement avec notre temps et éclairent d'une sombre lumière qui vous éblouit pourtant, l'immense crise que nous traversons.

Ainsi, ayant entrepris la tâche de faire appel à nouveau à Joseph de Maistre et me reportant aux textes que j'écrivais sur lui il y a autour de 15 ans, je découvre qu'il n'est guère nécessaire de les modifier. Joseph de Maistre convoqué en 2007 vous conduit à écrire exactement ce que vous devez écrire pour les événements du temps présent. Il m'est resté toujours dans la plume ces citations de Maistre (de 'Considérations sur la France', 1795) sur les révolutionnaires de la Terreur, pour en faire usage avec des jugements qu'on peut reprendre, quasiment au mot près, pour nos dirigeants actuels, quant à leur présence, leur influence, leur importance, leur poids historique dans la métahistoire.

D'abord, sa façon de considérer l'événement, au-delà de ses engagements, de ses jugements politiques, de ses réactions profondes, mais simplement en le considérant en métaphysicien de l'histoire. On dirait qu'il dissèque l'histoire qui se déroule sous ses yeux avec un scalpel divin, devinant l'ampleur crisique étourdissante de l'événement :

 » Mais la révolution française, et tout ce qui se passe en Europe dans ce moment, est tout aussi merveilleux que la fructification instantanée d'un arbre au mois de janvier; cependant les hommes, au lieu d'admirer, regardent ailleurs ou déraisonnent. « 

Là-dessus et comme aussitôt, pour les opposer avec la plus extrême vigueur, Maistre met en balance le moment sublime de la Révolution en tant qu' » Évènement« comme on l'a lu, avec l'extrême médiocrité des hommes qui croient l'influencer, en fait qui sont emportés par elle. Cela ne nous ramène-t-il pas à nos temps présents, car vit-on jamais une bande d'humanoïdes d'une aussi extrême platitude que nos dirigeants civilisationnels, pour ouvrir les vannes d'une tempête existentielle propre à les balayer en même temps que leurs systèmes divers et prétentieux :

 » On a remarqué, avec grande raison, que la révolution française mène les hommes plus que les hommes la mènent. Cette observation est de la plus grande justesse... [...] Les scélérats mêmes qui paraissent conduire la révolution, n'y entrent que comme de simples instruments; et dès qu'ils ont la prétention de la dominer, ils tombent ignoblement. « 

... On avait d'ailleurs noté, sur ce même site, à la date sacrée du  11-septembre (2007) combien le jugement de Talleyrand sur les révolutionnaires de 93 rencontre celui de Joseph de Maistre. Les deux hommes ne sont jamais rencontrés. Ils n'étaient pas de la même trempe et leurs comportements étaient bien différents. Mais je les vois et devine comme ayant la même perception, le même instinct, la même intuition, - ce qui nous fit écrire :

 » L'époque est bien ' maistrienne'. Ces « scélérats » sont emportés comme autant de fétus de paille par la fatalité de la catastrophe. Leurs agitations ressemblent bien à ce que décrivait Maistre, et ce qu'on retrouve chez Talleyrand qui semblait partager la même conception de l'Histoire, — qui écrivait [Talleyrand], à propos des architectes de la Révolution :

«  »Inconnus jusqu'au jour où ils paraissent sur la scène, ils rentrent dans l'obscurité dès que leur rôle est fini.

«  » J'avoue que c'est sans aucune peine que je verrai se perdre les détails de cette grande calamité ; ils n'ont aucune importance historique. Quelles leçons les hommes auraient-ils à tirer d'actes sans plan, sans but, produits spontanément par des passions effrénées ? «  »

Je mesurai donc, dès cette époque, la très grande estime que j'avais pour la vision 'maistrienne' de l'histoire, et il est pour beaucoup dans l'audace que j'eus et que j'ai parfois d'invoquer des forces suprahumaines comme conductrices des évènements, comme devenant elle-même «  Évènement ». Je n'ai pas varié de la plus petite mesure dans cette approche à la fois sublime et insaisissable, qui permet à la fois d'accepter de ne point connaître ( inconnaissance) sans pour autant verser dans la jérémiade et les épanchements des humeurs menstruelles ( affectivisme). Certains disent que c'est confortable d'ainsi vivre dans la conviction de forces extérieures et supérieures à soi ; j'en ai connu de plus apaisantes, et au ras des pâquerettes, dans les galipettes humaines pour expliquer l'inexplicable, au besoin en faisant écrire un scénario par Hollywood.

Ce qui fait, - pour rompre là sur ce sujet, -  que je vis ainsi ce que Joseph de Maistre était pour moi, - et qu'il l'est resté, sans aucun doute :

« Effectivement, Maistre fut un » homme des Lumières « , [...] ouvert aux idées nouvelles, franc-maçon mais jamais séparé de la Tradition, et qui en vint à ses positions métaphysiques extrêmes et sublimes en s'appuyant sur la connaissances de ces idées, en comprenant à la fois, sous la force de l'intuition haute, l'impératif de leur apparition à cause d'un système absolutiste en lambeaux, puis leur force absolument dévastatrice, et enfin, au-dessus de tout leur caractère absolument subversif, - tout cela conduit selon des » plans généraux « qui dépassaient absolument les comportements et les ambitions humaines.

 » Maistre ne fut jamais, ni un monarchiste entêté, ni un conservateur borné, ni un réactionnaire exalté ; il fut un métaphysicien, un homme de l'intuition haute, comprenant à l'exposé sanglant de la Révolution française, quelle joute grandiose emportait soudain l'Histoire devenu métahistoire ; la tenant pour un acte indirect de la volonté divine, destiné à purger le monde de la déviation où s'était enfoncé le temps monarchique, mais sans évidemment aucunement en partager le fondement qui est absolument l'inversion même, le double diabolique, du Principe de la Tradition. La Révolution française débarrassa Maistre de « l'énorme poids du rien »... « 

Cet » énorme poids du rien « , justement... J'y suis revenu,  il y a peu (au contraire de que j'ai précisément écrit, on voit qu'il m'arrive tout de même de revisiter Maistre, de temps passés en temps divers). Je crois que Maistre avait trouvé là un des secrets de l'univers d'avancer que le » rien « , qui est devenu » Rien « aujourd'hui, pèse d'un poids considérable dans le susdit univers. Il pèse le poids du Diable et de l'Enfer, le poids de l'hubris des hommes, le poids des sacrilèges et des cauchemars monstrueux... Et c'est ainsi, avec une petite courbette, que le » Rien « d'aujourd'hui renvoie au » rien « de Maistre, d'hier, - aussi écrasant, nous autres avec la tête encore plus écrasée, aplatie.

Maistre attendait sa  GrandeCrise, et nous, nous l'avons. Bien entendu, c'est la même, qui fait la grande chaîne de la dégénérescence et de l'effondrement. Elle ne cesse  de nous écraser de plus en plus...

 » « Écraser », justement... Le comte Joseph, mon ami d'au-delà les siècles, se plaignait en 1785 d'avoir le tête « écrasée  par le poids du rien », mais il ne faisait qu'en appeler pour la cause à « de petits hommes et de petites choses ». Nous avons la tête « écrasée » par ce poids, mais ce « rien » est un « Rien » majestueux et majusculé, qui s'est définitivement détaché de l'immense  vérité-de-situation du monde, de l'histoire lorsqu'elle se fait métaHistoire, cette transmutation qui nous est si insupportable ; cette transmutation qui est le Tout qui nous abandonne lorsque nous nous vautrons, enfoncé dans la fange de l'esprit par notre « Rien »...

«  » Je me rappelle ces temps où, dans une petite ville de ta connaissance [...] et ne voyant autour de notre cercle étroit [...] que de petits hommes et de petites choses, je me disais : 'Suis-je donc condamné à vivre et à mourir ici comme une huitre attachée à son rocher ?' Alors je souffrais beaucoup : j'avais la tête chargée, fatiguée, aplatie par l'énorme poids du rien... «  [...]

 »...Le « rien » du comte Joseph, c'était la charge de l'attente d'un événement qu'il avait bien de la difficulté à concevoir. Notre « Rien », c'est la charge de l'événement en cours que nous ne voyons pas, auquel nous ne comprenons rien, dont nous ne savons même pas qu'il y a tant de difficultés à le concevoir. « 

Revenons à notre entrée en présentant l'interview de Marc Froidefont par Eyquem Pons, pour 'Éléments', à propos de son livre ' Joseph de Maistre. La nation contre les droits de l'homme', présenté par l'Institut Iliade, publié par La Nouvelle Librairie.

PhG - 'Semper Phi'

 dedefensa.org

 Commenter

Articles enfants
23/05/2023 dedefensa.org  12 min #228881

Actualités du comte Joseph

Interview : Marc Froidefont sur Joseph de Maistre

Propos recueillis par Eyquem Pons

'Éléments' : « Comment décririez-vous l'influence de Joseph de Maistre sur la pensée politique contemporaine ? Comment ses idées sont-elles perçues dans le monde académique et intellectuel ? »

Marc Froidefont : « Joseph de Maistre a été sans doute l'un des adversaires les plus résolus de la philosophie dite des Lumières et de son aboutissement : la Révolution française.