26/05/2023 les-crises.fr  5min #229006

Pour Lockheed Martin et son conseil d'administration, le changement climatique peut continuer de s'aggraver

Lockheed Martin est le plus grand fournisseur militaire du ministère de la Défense, le plus grand consommateur institutionnel de combustibles fossiles au monde. On lui a récemment demandé de but en blanc s'il comptait s'attaquer à son rôle dans l'aggravation du changement climatique. Sa réponse : non.

Source :  Jacobin Mag, Danaka Kotovich, David Gibson
Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

Un avion de chasse américain F-35 est photographié lors d'un événement de l'US Air Force sur la base aérienne danoise Fighter Wing Skrydstrup dans le Jutland, au Danemark, le 10 mars 2023. (Bo Amstrup / Ritzau Scanpix / AFP via Getty Images)

La réunion des actionnaires de Lockheed Martin, le plus grand entrepreneur militaire du monde, aura lieu le 27 avril. Les actionnaires y voteront sur une résolution visant à exiger un rapport d'entreprise « divulguant la manière dont la société entend réduire les émissions de gaz à effet de serre de l'ensemble de sa chaîne de valeur, conformément à l'objectif de 1,5 °C de l'Accord de Paris, qui exige des émissions nettes nulles d'ici à 2050. » Le conseil d'administration de Lockheed Martin a conseillé à tous ses actionnaires de voter contre cette résolution, indiquant clairement qu'en plus de promouvoir les conflits et la violence dans le monde, Lockheed Martin n'est pas non plus intéressé par la réduction de sa contribution significative au changement climatique.

Selon le raisonnement du conseil d'administration, les actionnaires devraient voter contre la résolution parce qu'elle est « prématurée et n'est pas dans le meilleur intérêt de notre société ou de nos actionnaires ». Suggérer qu'il est « prématuré » d'agir face à la catastrophe climatique en cours en dit long sur le manque d'urgence que les dirigeants de Lockheed perçoivent face à la crise climatique. Selon un récent rapport du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC), le seuil des changements climatiques critiques sera probablement atteint au cours de cette décennie. Le rapport souligne que nous devons immédiatement abandonner les combustibles fossiles pour éviter l'effondrement du climat. L'idée que toute action sur le changement climatique est prématurée est au pire un mensonge flagrant, au mieux une ignorance délibérée.

Alors que nous sommes confrontés à la dure réalité d'une catastrophe climatique imminente, la déclaration du conseil d'administration est un aveu sincère des valeurs des dirigeants de Lockheed. On peut en déduire qu'ils privilégient le profit sur tout le reste - au cas où cela n'aurait pas été clair, par exemple, après le massacre de quarante écoliers yéménites avec une bombe fabriquée par Lockheed Martin, ou d'innombrables autres actes de violence horribles commis régulièrement avec les produits rentables de l'entreprise.

Lockheed Martin joue un rôle réel dans la crise climatique. L'entreprise est le principal contractant du ministère américain de la Défense, qui est à son tour le plus grand consommateur institutionnel de combustibles fossiles au monde. Entre 2001 et 2017, années pour lesquelles des données sont disponibles depuis l'invasion de l'Afghanistan par les États-Unis, l'armée américaine a émis 1,2 milliard de tonnes de gaz à effet de serre. Plus de 400 millions de tonnes sont directement imputables à la consommation de carburant liée à la guerre. La plus grande partie de cette consommation concerne les jets militaires. En ce qui concerne les avions militaires, il y en a un qui porte ce niveau d'émission de gaz à effet de serre à des niveaux de risque vertigineux, et c'est le programme de l'avion de chasse F-35.

Vache à lait de Lockheed Martin, l'avion de chasse F-35 coûte au contribuable américain 1 700 milliards de dollars. Le F-35 consomme une quantité importante de carburant - environ 9 litres de carburant par kilomètre et environ 5 000 litres de carburant par heure. (À titre de comparaison, le prédécesseur du F-35, le F-16, consomme au moins 1 570 litres de moins par heure). Un réservoir de F-35 produit l'équivalent de vingt-huit tonnes de dioxyde de carbone. Ces émissions polluent fortement l'air et les sources d'eau aux États-Unis et à l'étranger. Le plus souvent, en raison de l'emplacement des bases, elles affectent de manière disproportionnée les communautés à faibles revenus, les communautés de couleur et les communautés indigènes.

Les vols d'entraînement des F-35 à Burlington, dans le Vermont, consomment entre 17,7 et 35,6 millions de litres de kérosène par an. Ils émettent entre 45,4 et 90,8 millions de tonnes de CO2 par an. Pour mettre les choses en perspective, cela équivaudrait à ce que South Burlington ajoute dix à vingt mille voitures de plus à sa petite population. Lockheed n'est donc pas un acteur mineur du changement climatique.

En plus d'être méga-polluant, le projet F-35 est un gâchis incroyablement coûteux qui continue de drainer les ressources publiques. Mais les dirigeants de Lockheed Martin ne voient pas les choses de cette manière. Lorsqu'ils regardent le F-35, ils voient une machine à faire des profits. Ils vendent ces avions non seulement à l'armée de l'Air, à la Marine et aux Marines américains, mais aussi à treize autres pays dans le monde. (Cela signifie que vous pouvez ajouter la pollution environnementale et les émissions climatiques de ces treize acheteurs aux chiffres américains ci-dessus).

Même si Lockheed Martin était respectueux de l'environnement, il resterait responsable de diverses infractions, la principale étant d'inonder le monde d'armes. Cela dit, il est nécessaire de s'engager à réduire les émissions de gaz à effet de serre, car nous sommes au bord de la catastrophe climatique. Le fait que les actionnaires rompent avec le conseil d'administration et votent Oui serait un bon début. Compte tenu de l'ampleur de la crise à laquelle nous sommes confrontés, il serait criminel de faire moins.

Ce travail a été rendu possible grâce au soutien de la Fondation Puffin.

Contributeurs

Danaka Katovich est codirectrice nationale de CODEPINK.

David Gibson travaille pour Peace Action et il est consultant pour divers groupes sur la paix, la justice et la durabilité.

Source :  Jacobin Mag, Danaka Kotovich, David Gibson, 20-04-2023

Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

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newsnet 2023-05-26 #13233

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