Dans un communiqué publié jeudi 25 mai, Médecins sans frontières (MSF) exprime ses « vives inquiétudes quant à la détérioration continue de la situation des migrants sur l'île grecque de Lesbos ». En cause notamment, les nombreux refoulements dont sont victimes les exilés lorsqu'ils arrivent sur les îles de la mer Égée.
L'ONG médicale s'inquiète de la disparition d'une centaine de personnes débarquées à Lesbos. « Depuis que nous avons commencé à fournir une assistance médicale d'urgence aux personnes arrivant par bateau à Lesbos en juin 2022, environ 940 personnes n'ont jamais été retrouvées à l'endroit signalé », rapporte dans le communiqué Nihal Osman, coordinateur du projet MSF à Lesbos.
En théorie, MSF est averti rapidement de l'arrivée d'une embarcation par le Haut-commissariat des Nations unies aux réfugiés (HCR). L'ONG se déplace alors pour fournir une aide médicale d'urgence aux exilés. Mais à leur venue sur le lieu indiqué, il arrive que les humanitaires ne retrouvent pas systématiquement les passagers d'une embarcation.
« Ce chiffre de 940 disparus correspond à la différence entre le nombre de personnes qu'on nous signale lors d'un débarquement et celui qu'on constate en arrivant sur la plage », précise à InfoMigrants Duccio Staderini, chef de mission de MSF en Grèce.
Des hommes masqués se font passer pour des membres de MSF
Qu'est-il advenu de ces centaines d'exilés ? Le responsable ne peut l'affirmer avec certitude, mais il semblerait qu'une grande majorité de ces personnes aient été renvoyées vers la Turquie, au mépris du droit international.
D'autant que lors de ses interventions, les équipes de l'ONG ont « rencontré des véhicules non identifiables sans plaque [d'immatriculation] à proximité de [ses] interventions, souvent conduits par des personnes portant des masques noirs sur leur visage ».
« Certains ont pu aller au centre d'accueil de l'île par leurs propres moyens, d'autres ont pu y être emmenés par la police. Mais ces cas de figure sont assez rares », explique-t-il encore.
Ces déclarations font écho à l'enquête du New York Times publié vendredi 19 mai. Une vidéo, diffusée par le média américain, montre des hommes masqués mettre sur un canot à la dérive en mer un groupe de migrants, en majorité des enfants, dont un nourrisson. Le groupe se cachait sur l'île de Lesbos quand il a été intercepté et placé sur un bateau des garde-côtes grecs avant d'être mis sur un canot gonflable en pleine mer.
Par ailleurs, selon des témoignages d'exilés, certains de ces hommes masqués se font passer pour des médecins ou pour des membres de MSF afin de gagner la confiance des migrants, et ainsi les renvoyer côté turc. « Si cela se confirme, c'est inacceptable et une grave manipulation de l'aide humanitaire », signale Nihal Osman.