27/05/2023 arretsurinfo.ch  49 min #229020

Histoire juive, religion juive : le poids de trois millénaires, par Israël Shahak (1)

Histoire juive, religion juive: le poids de trois millénaires, par Israël Shahak (3)

Préambule

Histoire juive, religion juive: le poids de trois millénaires« , du Professeur Israël Shahak, est un ouvrage majeur consacré au judaïsme et plus particulièrement aux lois talmudiques. Il apporte un éclairage saisissant sur le dogme religieux et l'histoire des communautés juives, ou encore le traitement des non-Juifs par les Juifs, dont seuls les lecteurs de l'hébreu sont familiers.

Publié en anglais en 1994, il reste une lecture incontournable pour comprendre les fondements idéologiques de la politique israélienne et l'action des lobbys pro-israéliens dans le monde, en particulier aux Etats-Unis et en France : comme le montre l'auteur, » ni le sionisme, y compris sa partie apparemment laïque, ni la politique israélienne depuis la création de l'État d'Israël, ni en particulier la politique des partisans juifs d'Israël dans la diaspora, ne peuvent être compris sans prendre en compte l'influence plus profonde de ces lois talmudiques, et la vision du monde qu'elles créent et expriment...

Si les politiques israéliennes restent incompréhensibles pour les observateurs étrangers, c'est précisément parce qu'ils ne daignent pas s'intéresser au judaïsme tel qu'il est pratiqué et à 'l'idéologie juive', dont ils ne connaissent souvent rien d'autre que de grossières apologies. « 

Avec l'adoption de la loi fondamentale faisant d'Israël l'Etat-nation du peuple juif en 2018, l'avènement de l'ultra-droite nationaliste et religieuse au pouvoir en Israël début 2019, la censure et la répression de plus en plus sévère de toute action de dénonciation et de boycott d'Israël au nom de la prétendue lutte contre l'antisémitisme et la judéophobie, et le projet d'Accord du Siècle qui doit définitivement liquider la cause palestinienne, tant de développements qui confirment les craintes et prédictions d'Israël Shahak, ce livre est même plus indispensable que jamais.

Israël Shahak espérait que son ouvrage, destiné au public occidental, serait un précurseur à des écrits authentiques sur l'histoire et les réalités du judaïsme talmudique contemporain (surtout celui qu'incarnent Israël et ses partisans de la diaspora), dépourvus de mensonges par omission et de falsifications. Malheureusement, mais de manière prévisible, ce livre a été soumis à une véritable omerta médiatique. Aujourd'hui encore, on continue à rattacher spontanément l'Etat d'Israël à l'Ancien Testament alors que c'est le Talmud qui en compose le cœur.

Comme le souligne Israël Shahak, » Israël en tant qu'État juif constitue un danger non seulement pour lui-même et ses habitants, mais pour tous les Juifs et pour tous les autres peuples et États du Moyen-Orient et au-delà. Je considère également que d'autres États ou entités du Moyen-Orient qui se définissent comme 'arabes' ou 'musulmans', tout comme Israël se définit en tant que 'juif', constituent également un danger. Cependant, bien que le danger d'origine arabo-musulmane soit largement discuté, le danger inhérent au caractère juif de l'État d'Israël ne l'est pas. « 

Cette traduction vise à remédier à ce manque, en rendant aisément accessible au public français cette analyse objective et documentée du talmudisme, et de son rôle dans le fondement et la politique d'Israël, tout à fait assimilables au wahhabisme et à l'Arabie Saoudite. (S.H.)

 Histoire juive, religion juive: le poids de trois millénaires(Première partie)

 Histoire juive, religion juive: le poids de trois millénaires(Deuxième partie)

Histoire juive, religion juive : le poids de trois millénaires, par Israël Shahak (3)

Israël Shahak, né en 1933 à Varsovie, et mort à Jérusalem en 2001, était un Professeur de chimie à l'Université hébraïque de Jérusalem. Il fut le Président de la Ligue israélienne pour les droits humains et civils de 1970 à 1990. Rescapé des camps de concentration nazis, il fut un ardent militant pour la paix, extrêmement critique des gouvernements israéliens et de la société israélienne.

Chapitre III - Orthodoxie et interprétation

Ce chapitre est consacré à une description plus détaillée de la structure théologico-juridique du judaïsme classique 1. Cependant, avant de s'engager dans cette description, il est nécessaire de dissiper au moins certaines des idées fausses répandues dans presque tous les ouvrages en langue étrangère (c'est-à-dire autre que l'hébreu) consacrés au judaïsme, en particulier ceux qui propagent des expressions aussi à la mode que » Tradition judéo-chrétienne « ou » les valeurs communes des religions monothéistes « .

Pour ne pas être trop long, je ne traiterai en détail que de la plus importante de ces illusions populaires, à savoir que la religion juive est et a toujours été monothéiste. En réalité, comme le savent de nombreux érudits bibliques, et comme le révèle aisément une lecture attentive de l'Ancien Testament, ce point de vue anhistorique est totalement faux. Dans beaucoup, sinon la plupart des livres de l'Ancien Testament, l'existence et le pouvoir d' » autres Dieux « sont clairement reconnus, mais Yahweh (Jéhovah), qui est le Dieu le plus puissant 2, est également très jaloux de ses rivaux et interdit à son peuple de les vénérer 3. Ce n'est que très tard dans la Bible, chez certains des derniers prophètes, que l'existence de tous les dieux autres que Yahweh est niée 4.

Ce qui nous concerne, cependant, n'est pas le judaïsme biblique mais classique ; et il est tout à fait clair, bien que beaucoup moins largement compris, que durant les derniers siècles ce dernier était, pour la plus grande partie, très loin du monothéisme pur. On peut en dire autant des véritables doctrines dominantes dans le judaïsme orthodoxe actuel, qui est une continuation directe du judaïsme classique. Le déclin du monothéisme est dû à la propagation du mysticisme juif (la kabbale) qui s'est développé aux XIIe et XIIIe siècles et qui, à la fin du XVIe siècle, avait remporté une victoire presque complète dans presque tous les centres du judaïsme. Les Lumières juives, issues de la crise du judaïsme classique, ont dû lutter avant tout contre ce mysticisme et son influence, mais dans l'orthodoxie juive moderne, en particulier chez les rabbins, l'influence de la kabbale est restée prédominante 5. Par exemple, le mouvement Gush Emunim est largement inspiré par des idées kabbalistiques.

La connaissance et la compréhension de ces idées sont donc importantes pour deux raisons. Premièrement, sans cela, on ne peut pas comprendre les vraies croyances du judaïsme à la fin de sa période classique. Deuxièmement, ces idées jouent un rôle politique contemporain important dans la mesure où elles font partie du système de croyances explicite de nombreux mouvements politiques religieux, y compris la plupart des dirigeants de Gush Emunim, et exercent une influence indirecte sur de nombreux dirigeants sionistes de tous les partis, y compris les partis de la gauche sioniste.

Selon la Kabbale, l'univers n'est pas gouverné par un Dieu mais par plusieurs divinités, de personnalités et d'influences variés, émanant d'une Cause Première ténue et lointaine. En omettant plusieurs détails, on peut résumer le système comme suit. De la Première Cause, ont émané ou sont nés un Dieu masculin appelé Sagesse ou Père puis une Déesse féminine appelée Connaissance ou Mère. Du mariage de ces deux-là, une paire de Dieux plus jeunes sont nés : Fils, également appelé par de nombreux autres noms tels que » Petit Visage « ou » Le Saint Béni « ; et Fille, également appelée » Dame « (ou » Matronit « , un mot dérivé du latin), » Shekhinah « , » Reine « , etc. Ces deux Dieux plus jeunes devraient s'unir, mais leur union est empêchée par les machinations de Satan, qui dans ce système est un personnage très important et indépendant. La Création a été entreprise par la Première Cause pour leur permettre de s'unir, mais à cause de la Chute, ils sont devenus plus désunis que jamais. Et de fait, Satan a réussi à se rapprocher de la Fille divine et même à la violer (en apparence ou en réalité, les opinions diffèrent à ce sujet). La création du peuple juif a été entreprise afin de réparer la rupture causée par Adam et Ève, ce qui a été réalisé momentanément sous le mont Sinaï : le dieu mâle Fils, incarné par Moïse, a été uni à la déesse Shekhinah. Malheureusement, le péché du veau d'or a de nouveau causé la désunion de la divinité ; mais le repentir du peuple juif y a quelque peu remédié. De même, selon la croyance, chaque incident de l'histoire biblique juive est associé à l'union ou à la désunion du couple divin. La conquête juive de la Palestine face aux Cananéens et la construction du Premier et du Deuxième Temples sont particulièrement propices à leur union, tandis que la destruction des Temples et l'exil des Juifs de la Terre Sainte ne sont que des signes extérieurs non seulement de la désunion divine, mais également d'une véritable » prostitution après des dieux étrangers « : Fille tombe étroitement sous l'emprise de Satan, tandis que Fils copule avec divers personnages sataniques féminins qu'il prend dans son lit à la place de sa propre femme.

Le devoir des Juifs pieux est de restaurer, par leurs prières et leurs actes religieux, l'unité divine parfaite, sous forme d'union sexuelle entre les divinités masculine et féminine 6. Ainsi, avant la plupart des actes rituels que tout Juif dévot doit accomplir plusieurs fois par jour, la formule kabbalistique suivante est récitée : » Pour l'union 7 [sexuelle] du Saint Béni et de sa Shekhinah... « Les prières matinales juives sont également organisées afin de promouvoir cette union sexuelle, ne serait-ce que temporairement. Les parties successives de la prière correspondent mystiquement aux étapes successives de l'union : à un moment donné, la Déesse s'approche avec ses servantes, à un autre moment, le Dieu lui passe le bras autour du cou et lui caresse la poitrine, puis l'acte sexuel est censé avoir lieu.

D'autres prières ou actes religieux, tels qu'interprétés par les kabbalistes, sont conçus pour tromper divers anges (imaginés comme des divinités mineures avec un certain degré d'indépendance) ou pour concilier Satan. À un certain moment de la prière du matin, certains versets sont prononcés en araméen 8 (plutôt qu'en hébreu plus courant). Ceci est censé être un moyen de tromper les anges qui opèrent les portes par lesquelles les prières entrent au ciel, et qui ont le pouvoir de bloquer les prières des pieux. Les anges ne comprennent que l'hébreu et sont déconcertés par les versets araméens ; étant un peu simples d'esprit (ils sont présumés beaucoup moins intelligents que les kabbalistes), ils ouvrent les portes, et à ce moment, toutes les prières, y compris celles en hébreu, passent. Ou prenons un autre exemple: à la fois avant et après un repas, un Juif dévot se lave rituellement les mains, prononçant une bénédiction spéciale. À l'une de ces deux occasions, il adore Dieu, en promouvant l'union divine du Fils et de la Fille ; mais à l'autre occasion, il vénère Satan, qui aime tellement les prières et les rituels juifs que, quand on lui en offre quelques-uns, cela le tient occupé pendant un moment et il oublie de harceler la divine Fille. En effet, les kabbalistes pensent que certains des sacrifices brûlés dans le Temple étaient destinés à Satan. Par exemple, les soixante-dix bœufs sacrifiés pendant les sept jours de la fête des Tabernacles 9 auraient été offerts à Satan en sa qualité de dirigeant de tous les Gentils 10 (non-Juifs), afin de le tenir trop occupé pour intervenir le huitième jour, lorsque le sacrifice est fait à Dieu. De nombreux autres exemples du même type peuvent être donnés.

Plusieurs points doivent être soulevés concernant ce système et son importance pour une bonne compréhension du judaïsme, à la fois dans sa période classique et dans son implication politique actuelle dans la pratique sioniste.

Premièrement, quoi que l'on puisse dire de ce système kabbalistique, il ne peut être considéré comme monothéiste, à moins d'être également disposé à considérer l'hindouisme, la religion gréco-romaine tardive ou même la religion de l'Égypte ancienne comme » monothéiste « .

Deuxièmement, la nature réelle du judaïsme classique est illustrée par la facilité avec laquelle ce système a été adopté. La foi et les croyances (à l'exception des croyances nationalistes) jouent un rôle extrêmement mineur dans le judaïsme classique. Ce qui est d'une importance primordiale, c'est l'acte rituel et non la signification que cet acte est censé avoir ou la croyance qui y est attachée. C'est pourquoi, aux époques où une minorité de Juifs religieux refusait d'accepter la Kabbale (comme c'est le cas aujourd'hui), on pouvait voir quelques Juifs accomplir un rituel religieux donné en croyant qu'il s'agissait d'un acte d'adoration de Dieu, tandis que d'autres faisaient exactement la même chose avec l'intention de gagner les faveurs de Satan ; mais tant que l'acte est le même, ils priaient ensemble et restaient membres de la même congrégation, quelle que soit l'antipathie qu'ils puissent éprouver l'un pour l'autre. Mais si au lieu de l'intention attachée au lavage rituel des mains, quelqu'un osait introduire une innovation dans la manière de se laver 11, un véritable schisme s'ensuivrait.

On peut en dire autant de toutes les formules sacrées du judaïsme. Si la forme est laissée intacte, la signification est au mieux une question secondaire. Par exemple, la formule juive la plus sacrée peut-être, » Écoute Israël, le Seigneur est notre Dieu, le Seigneur est un « , récitée plusieurs fois par jour par chaque Juif dévot, peut aujourd'hui signifier deux choses opposées. Cela peut vouloir dire que le Seigneur est vraiment » un « ; mais cela peut aussi signifier qu'une certaine étape dans l'union des divinités masculine et féminine a été atteinte ou est encouragée par la récitation appropriée de cette formule. Cependant, lorsque les Juifs d'une congrégation réformée récitent cette formule dans une langue autre que l'hébreu, tous les rabbins orthodoxes, qu'ils croient en l'unité ou en l'union sexuelle divine, sont extrêmement fâchés.

Enfin, tout cela revêt une importance considérable en Israël (et dans d'autres centres juifs), même à l'heure actuelle. L'énorme signification attachée à de simples formules (telles que la » loi de Jérusalem « ); les idées et les motivations de Gush Emunim ; l'insistance derrière la haine des non-Juifs vivant actuellement en Palestine ; l'attitude fataliste à l'égard de toutes les tentatives de paix des États arabes - tout cela et bien d'autres traits de la politique sioniste, qui déconcertent tant de gens bien intentionnés qui ont une fausse conception du judaïsme classique, devient plus intelligible dans ce contexte religieux et mystique. Je dois toutefois mettre en garde contre le fait de tomber dans l'autre extrême et d'essayer d'expliquer toutes les politiques sionistes par rapport à ce contexte. De toute évidence, les influences de celui-ci varient en étendue. Ben Gourion était maitre dans l'art de les manipuler de manière contrôlée à des fins spécifiques. Sous [Menahem] Begin, le passé exerce une influence beaucoup plus grande sur le présent. Mais ce qu'il ne faut jamais faire, c'est ignorer le passé et ses influences, car ce n'est qu'en le connaissant qu'on peut transcender son pouvoir aveugle.

Interprétation de la Bible

Les exemples qui suivent montreront que ce que la plupart des personnes supposément bien informées pensent connaître du judaïsme peut être très trompeur, à moins qu'elles lisent l'hébreu. Tous les détails mentionnés ci-dessus peuvent être trouvés dans les textes originaux ou, dans certains cas, dans des livres modernes écrits en hébreu pour un lectorat plutôt spécialisé. En anglais on les chercherait vainement, même lorsque l'omission de faits aussi importants sur le plan social déforme l'ensemble du tableau.

Une autre idée fausse à propos du judaïsme est particulièrement répandue parmi les chrétiens ou les personnes fortement influencées par la tradition et la culture chrétiennes. C'est l'idée trompeuse que le judaïsme est une » religion biblique « ; que l'Ancien Testament a pour le judaïsme la même place centrale et la même autorité légale que la Bible pour le christianisme protestant ou même catholique.

Encore une fois, cela est lié à la question de l'interprétation. Nous avons vu qu'en matière de conviction, il y avait une grande latitude. C'est exactement le contraire qui se produit en ce qui concerne l'interprétation juridique des textes sacrés. Ici, l'interprétation est fixée de manière rigide - mais par le Talmud plutôt que par la Bible elle-même 12. De nombreux, peut-être la plupart des versets bibliques prescrivant des actes et obligations religieux sont » compris « par le judaïsme classique et par l'orthodoxie actuelle dans un sens est tout à fait distinct de, ou même contraire à, leur sens littéral tel que l'entendent les lecteurs chrétiens ou autres de l'Ancien Testament, qui ne voient que le texte littéral. La même division existe actuellement en Israël entre ceux qui sont éduqués dans des écoles religieuses juives et ceux qui sont éduqués dans des écoles hébraïques » laïques « , où, dans l'ensemble, le sens manifeste de l'Ancien Testament est enseigné.

Ce point important ne peut être compris que par des exemples. On notera que les changements de signification ne vont pas tous dans le même sens du point de vue de l'éthique telle qu'on la conçoit aujourd'hui. Les apologétiques du judaïsme prétendent que l'interprétation de la Bible, qui trouve son origine chez les Pharisiens et qui est fixée dans le Talmud, est toujours plus libérale que le sens littéral. Mais certains des exemples ci-dessous montrent que c'est loin d'être le cas.

1.- Commençons par le Décalogue lui-même. Le huitième commandement, » Tu ne voleras pas « (Exode, 20:15), est interprété comme une interdiction de » voler « (c'est-à-dire de kidnapper) un Juif. La raison en est que, selon le Talmud, tous les actes interdits par le Décalogue sont des infractions capitales. Voler des biens n'est pas une infraction capitale (tandis que la loi talmudique autorise le kidnapping de Gentils par des Juifs), d'où son interprétation. Une phrase pratiquement identique - » Vous ne volerez pas « (Lévitique, 19:11) - est toutefois autorisée à avoir son sens littéral.

Le fameux verset » Œil pour œil, dent pour dent« , etc. (Exode, 21:24) signifie » amende-œil pour œil « , c'est-à-dire le paiement d'une amende compensatrice équivalente à la valeur attribuée à la perte d'un œil plutôt que la mutilation physique.

2.- Voici un cas notoire de transformation du sens littéral en son exact opposé. Le texte biblique met clairement en garde contre le fait de suivre la foule dans une cause injuste : » Tu ne suivras point la multitude pour faire le mal ; et tu ne déposeras point dans un procès en te mettant du côté du grand nombre, pour violer la justice. « (Exode, 23: 2). Les derniers mots de cette phrase - » en te mettant du côté du grand nombre, pour violer la justice « - sont dissociés de leur contexte et interprétés comme une injonction de suivre la majorité et ainsi de violer la justice !

3.- Le verset » Tu ne feras point cuire un chevreau dans le lait de sa mère. « (Exode, 23:19) est interprété comme une interdiction de mélanger tout type de viande avec du lait ou un produit laitier. Étant donné que le même verset est répété dans deux autres endroits du Pentateuque, la simple répétition est considérée comme une interdiction triple, interdisant à un Juif (1) de consommer une telle mixture, (2) de la cuire à des fins quelconques et (3) d'en bénéficier ou d'en tirer profit de quelque manière que ce soit. 13

4.- Dans de nombreux cas, les termes généraux tels que » ton semblable « , » étranger « ou même » homme « ont une signification chauvine exclusiviste. Le judaïsme classique (et orthodoxe actuel) interprète le fameux verset » Tu aimeras ton prochain 14comme toi-même « (Lévitique, 19:18) comme une injonction à aimer son coreligionnaire Juif, et non n'importe quel autre être humain. De même, le verset » Tu ne t'élèveras point contre le sang de ton prochain. « (ibid., 16) signifierait qu'il ne faut pas rester inactif quand la vie (le » sang « ) d'un Juif est en danger ; mais, comme on le verra au chapitre 5, il est en général interdit aux Juifs de sauver la vie d'un non-Juif, car » il n'est pas ton semblable « . L'injonction généreuse de laisser le glanage de son champ et de son vignoble » au pauvre et à l'étranger « (ibid., 9-10) est interprétée comme se référant exclusivement aux pauvres Juifs et aux convertis au judaïsme. Les lois taboues relatives aux cadavres commencent par le verset suivant : » Voici la loi. Lorsqu'un homme mourra dans une tente, quiconque entrera dans la tente, et quiconque se trouvera dans la tente, sera impur pendant sept jours. « (Nombres, 19:14). Mais le mot » homme « (adam) signifie » Juif « , de sorte que seul un cadavre juif est tabou (c'est-à-dire à la fois » impur « et sacré). Sur la base de cette interprétation, les Juifs pieux ont un grand respect magique envers les cadavres et les cimetières juifs, mais n'ont aucun respect pour les cadavres et les cimetières non-juifs. Ainsi, des centaines de cimetières musulmans ont été complètement détruits en Israël (dans un cas, afin de faire de la place pour l'hôtel Hilton de Tel-Aviv), mais le fait que le cimetière juif du mont des Oliviers ait été endommagé sous l'autorité jordanienne (avant 1967) a suscité un tollé général. Les exemples de ce genre sont trop nombreux pour être cités. Certaines des conséquences inhumaines de ce type d'interprétation seront examinées au chapitre 5.

5.- Enfin, considérons l'un des plus beaux passages prophétiques, la magnifique condamnation par Esaïe de l'hypocrisie et des rituels vides de sens, et l'exhortation à la décence commune. Un verset (Esaïe, 1:15) de ce passage est le suivant : » Quand vous étendez vos mains, je détourne de vous mes yeux. Quand vous multipliez les prières, je n'écoute pas : vos mains sont pleines de sang. « Étant donné que les prêtres juifs » étendent leurs mains « lorsqu'ils bénissent le peuple pendant leur office, ce verset est censé signifier qu'un prêtre qui commet un homicide accidentel ne peut plus » étendre ses mains « durant une bénédiction (même s'il s'est repenti) parce qu'elles sont » pleines de sang « .

Même à partir de ces seuls exemples, il apparait clairement que, lorsque les Juifs orthodoxes aujourd'hui (ou tous les Juifs avant 1780 environ) lisent la Bible, ils lisent un livre très différent, ayant un sens totalement différent de la Bible lue par des non-Juifs ou des Juifs non orthodoxes. Cette distinction s'applique même en Israël, bien que les deux parties y lisent le texte en hébreu. L'expérience, particulièrement depuis 1967, l'a corroboré à plusieurs reprises. De nombreux Juifs en Israël (et ailleurs), qui ne sont pas orthodoxes et ont une connaissance limitée des arcanes de la religion juive, ont essayé de faire honte aux Israéliens orthodoxes (ou aux membres de la droite fortement influencés par la religion) par leur attitude inhumaine envers les Palestiniens, en leur citant des versets de la Bible dans leur sens le plus manifeste (humaniste et sans exclusivisme juif). Cependant, il a toujours été constaté que de tels arguments n'ont aucun effet sur ceux qui suivent le judaïsme classique : ils ne comprennent tout simplement pas ce qui leur est dit, car pour eux le texte biblique signifie quelque chose de très différent du sens commun.

Si un tel fossé de communication existe en Israël, où les gens lisent l'hébreu et peuvent facilement obtenir des informations correctes s'ils le souhaitent, on peut imaginer à quel point le malentendu à l'étranger est profond, par exemple chez les personnes éduquées dans la tradition chrétienne. En fait, plus une telle personne lit la Bible, moins elle en sait sur le judaïsme orthodoxe. Car celui-ci considère l'Ancien Testament comme un texte de formules sacrées immuables, dont la récitation est un acte de grand mérite, mais dont la signification est entièrement déterminée ailleurs. Et, comme Humpty Dumpty (le Gros Coco) l'a dit à Alice, derrière le problème de la détermination du sens des mots, se trouve la vraie question : » Qui sera le maître ? « 

Structure du Talmud

Il faut donc clairement comprendre que c'est le Talmud, ou, plus précisément, le soi-disant Talmud de Babylone, qui est la source d'autorité de toutes les pratiques du judaïsme classique (et orthodoxe actuel), la base déterminante de sa structure juridique ; tandis que le reste de la littérature talmudique (y compris le soi-disant Talmud de Jérusalem ou Talmud palestinien) fait office d'autorité complémentaire.

Nous ne pouvons pas entrer ici dans une description détaillée du Talmud et de la littérature talmudique, mais nous nous limiterons à quelques points principaux nécessaires à notre argumentation. Fondamentalement, le Talmud se compose de deux parties. La première partie est la Mishna, un code juridique succinct composé de six volumes, chacun subdivisé en plusieurs traités écrits en hébreu, rédigés en Palestine autour de l'an 200 après J.-C. sur une base juridique beaucoup plus étendue (et en grande partie orale) composée au cours des deux siècles précédents. La deuxième partie, de loin prédominante, est la Gémara, un volumineux compte rendu de discussions sur et autour de la Mishna. Il existe deux ensembles de Gémara, à peu près parallèles : l'un composé en Mésopotamie ( » Babylone « ) entre 200 et 500 de notre ère environ, l'autre en Palestine entre environ 200 et une date inconnue bien antérieure à l'an 500. Le Talmud de Babylone (c'est-à-dire, la Mishna plus la Gémara mésopotamienne) est beaucoup plus long et mieux organisé que le Talmud Palestinien, et c'est le seul à être considéré comme définitif et faisant autorité. Le Talmud de Jérusalem (Palestinien) bénéficie d'un statut nettement inférieur en tant qu'autorité légale, de même que de nombreuses compilations connues collectivement comme la » littérature talmudique « , contenant des documents que les éditeurs des deux Talmuds avaient omis.

Contrairement à la Mishna, le reste de la littérature talmudique est écrit en un mélange d'hébreu et d'araméen, cette dernière langue étant prédominante dans le Talmud Babylonien. En outre, il ne se limite pas aux questions juridiques. Sans ordre ni raison apparents, la discussion juridique peut être soudainement interrompue par ce que l'on appelle le » récit narratif « (Aggadah), un mélange de contes et d'anecdotes impliquant des rabbins ou des gens ordinaires, des personnages bibliques, des anges, des démons, de la sorcellerie et des miracles 15. Ces passages narratifs, bien que de grande influence populaire dans le judaïsme à travers les âges, ont toujours été considérés (même par le Talmud) comme ayant une valeur secondaire. Ce sont les parties juridiques du texte qui revêtent une importance primordiale pour le judaïsme classique, en particulier la discussion des cas considérés comme problématiques. Le Talmud lui-même définit les différentes catégories de Juifs, par ordre croissant, comme suit : la plus basse catégorie est composée de ceux qui sont totalement ignorants ; puis viennent ceux qui ne connaissent que la Bible ; puis ceux qui connaissent la Mishna ou Aggadah ; et enfin la classe supérieure, composée de ceux qui ont étudié et qui sont capables de discuter de la partie légale du Gémara. Seuls ces derniers sont aptes à diriger leurs semblables Juifs en toutes choses.

Le système juridique du Talmud peut être décrit comme totalement exhaustif, rigoureusement autoritaire, et pourtant capable d'un développement infini, sans toutefois changer sa base dogmatique. Tous les aspects de la vie juive, tant individuels que sociaux, sont abordés et régis, généralement de manière très détaillée, avec des sanctions et des peines prévues pour tout péché ou infraction aux règles qui se puissent concevoir. Les règles de base pour chaque problème sont énoncées de manière dogmatique et ne peuvent être remises en question. Ce qui peut l'être et qui est discuté très longuement est l'élaboration et la définition pratique de ces règles. Permettez-moi de donner quelques exemples.

 » Ne réaliser aucun travail « durant le sabbat. Le concept de travail est défini comme comprenant exactement 39 types de travaux, ni plus ni moins. Le critère d'inclusion dans cette liste n'a rien à voir avec la pénibilité d'une tâche donnée ; c'est simplement une question de définition dogmatique. Un type de » travail « interdit est l'écriture. La question se pose alors : combien de caractères faut-il écrire pour avoir commis le péché d'écrire durant le sabbat ? Réponse : deux caractères. Le péché est-il le même en fonction de la main qui est utilisée (droite ou gauche) ? Réponse : non. Cependant, afin d'éviter de tomber dans le péché, la principale interdiction d'écrire est renforcée par une interdiction secondaire de toucher à tout instrument d'écriture pendant le sabbat.

Un autre type de travail interdit durant le sabbat est de moudre le grain. On en déduit par analogie que tout type de meulage est interdit. Et cela est à son tour renforcé par une interdiction d'exercer la médecine le jour du sabbat (sauf en cas de danger pour une vie juive), afin d'éviter de tomber dans le péché de moudre un médicament. Il est vain de souligner que, dans les temps modernes, un tel danger n'existe pas (il n'existait d'ailleurs pas dans de nombreux cas, même à l'époque talmudique) ; car, en tant que mesure de précaution autour de la mesure de précaution, le Talmud interdit explicitement les médicaments liquides et les boissons réparatrices pendant le sabbat. Ce qui a été déterminé reste à jamais déterminé, aussi absurde que cela puisse être. Tertullien, l'un des premiers pères de l'Église, avait écrit: » Je crois parce que c'est absurde « . Cela peut servir de devise à la majorité des règles talmudiques, » Je crois « étant remplacé par » Je le pratique « .

L'exemple suivant illustre encore mieux le niveau d'absurdité atteint par ce système de croyance. Un des types de travail interdit durant le sabbat est la récolte. Par analogie, cela s'étend à l'interdiction de casser la branche d'un arbre. Par conséquent, il est interdit de monter à cheval (ou tout autre animal), en guise de mesure de sécurité contre la tentation de casser la branche d'un arbre pour fouetter la bête. Il est inutile d'argumenter que vous avez un fouet prêt à l'emploi, ou que vous avez l'intention de chevaucher dans un endroit dénué d'arbres. Ce qui est interdit reste interdit pour toujours. Cela peut cependant être étendu et rendu plus strict : à l'époque moderne, il est interdit de faire du vélo le jour du sabbat, car c'est comme faire du cheval.

Mon dernier exemple montre comment les mêmes méthodes sont également utilisées dans des cas purement théoriques, n'ayant aucune application concevable dans la réalité. Pendant l'existence du Temple, le Grand Prêtre n'était autorisé à épouser qu'une vierge. Bien que pendant la quasi-totalité de la période talmudique il n'y ait plus eu de Temple ou de Grand Prêtre, le Talmud consacre l'une de ses discussions les plus animées (et les plus bizarres) à la définition précise du terme » vierge « pouvant épouser un Grand Prêtre. Qu'en est-il d'une femme dont l'hymen a été rompu par accident ? Est-ce que cela fait une différence que l'accident se soit produit avant ou après l'âge de trois ans ? Par l'impact du métal ou du bois ? Grimpait-elle à un arbre lorsque l'accident est arrivé ? Et si oui, est-ce qu'elle montait ou descendait ? Est-ce arrivé naturellement ou anormalement ? Tout cela et bien d'autres choses sont discutées en détail. Et tous les érudits du judaïsme classique devaient maîtriser sur le bout des doigts des centaines de problèmes de ce genre. Les grands érudits se distinguaient par leur capacité à développer davantage ces problèmes, car, comme le montrent les exemples, il est toujours possible de poursuivre le développement - même si c'est dans un seul sens, celui de davantage de sévérité -, et ce développement s'est effectivement poursuivi après la rédaction finale du Talmud.

Cependant, il existe deux grandes différences entre la période talmudique (se terminant vers 500 ap. J.-C.) et la période du judaïsme classique (à partir d'environ 800 ap. J.-C.). 1) Le Talmud est le produit d'une aire géographique limitée, et 2) La société juive qui y est décrite est une société » complète « , fondée sur l'agriculture. (Ceci est vrai pour la Mésopotamie ainsi que pour la Palestine.) Bien qu'à cette époque, des Juifs vivaient dans tout l'empire romain et dans de nombreuses régions de l'empire sassanide, il ressort clairement du texte talmudique que sa composition - durant plus d'un demi-millénaire - était une affaire strictement locale. Aucun érudit de contrées autres que la Mésopotamie et la Palestine n'y a pris part, et le texte ne reflète pas non plus les conditions sociales extérieures à ces deux régions.

On sait très peu de choses sur les conditions sociales et religieuses des Juifs au cours des trois siècles qui se sont écoulés entre les deux périodes (de l'an 500 à l'an 800). Mais à partir de l'an 800 de notre ère, lorsque des informations historiques plus détaillées sont à nouveau disponibles, nous constatons que les deux caractéristiques mentionnées ci-dessus ont été inversées. Le Talmud babylonien (et dans une bien moindre mesure le reste de la littérature talmudique) est reconnu comme faisant autorité, étudié et développé dans toutes les communautés juives. Dans le même temps, la société juive avait subi un profond changement : peu importe où elle se trouve et ce qu'elle est, elle ne comprend plus de paysans.

Le système social résultant de ce changement sera discuté au chapitre 4. Nous allons décrire ici comment le Talmud a été adapté aux conditions - géographiquement beaucoup plus larges et socialement beaucoup plus étroites, et de toute façon radicalement différentes - du judaïsme classique.

Nous allons nous concentrer sur ce qui est à mon avis la méthode d'adaptation la plus importante, à savoir les dispenses ou exemptions.

Les dispenses

Comme indiqué ci-dessus, le système talmudique est très dogmatique et ne permet aucun assouplissement de ses règles, même si celles-ci sont réduites à l'absurde par un changement de circonstances. Et dans le cas du Talmud - contrairement à celui de la Bible -, le sens littéral du texte est contraignant et il n'est pas permis de l'interpréter pour actualiser ou rationaliser son sens. Mais à l'époque du judaïsme classique, diverses lois talmudiques devinrent intenables pour les classes dirigeantes juives - les rabbins et les riches. Dans l'intérêt de ces classes dirigeantes, une méthode de tromperie systématique a été mise au point pour respecter la lettre de la loi, tout en violant son esprit et son intention. C'est ce système hypocrite de » dispenses « (heterim, signifiant exemption ou dérogation) qui, à mon sens, a été la cause la plus importante de la dégradation du judaïsme à son époque classique. (La deuxième cause est le mysticisme juif, qui a cependant opéré pendant une période beaucoup plus courte.) Encore une fois, quelques exemples sont nécessaires pour illustrer le fonctionnement du système.

1.- Le prêt à intérêt.

Le Talmud interdit formellement à un Juif, sous peine d'un châtiment sévère, de percevoir des intérêts sur un prêt consenti à un autre Juif. (Selon la majorité des autorités talmudiques, c'est un devoir religieux que de fixer le taux d'intérêt le plus élevé possible à un emprunt consenti à un non-Juif.) Des règles très détaillées interdisent même les formes les plus tirées par les cheveux par lesquelles un créditeur juif pourrait tirer profit d'un débiteur juif. Tous les complices juifs d'une telle transaction illicite, y compris le scribe et les témoins, sont qualifiés d'infâmes par le Talmud, et interdits de témoigner devant un tribunal, car en participant à un tel acte, un Juif déclare pour ainsi dire » qu'il n'a aucune part dans le Dieu d'Israël « . Il est évident que cette loi est bien adaptée aux besoins des paysans et artisans juifs, ou des petites communautés juives qui utilisent leur argent pour prêter à des non-Juifs. Mais la situation était très différente en Europe de l'Est (principalement en Pologne) au XVIe siècle. Il y avait une communauté juive relativement importante, qui constituait la majorité dans de nombreuses villes. Les paysans, soumis à un servage strict proche de l'esclavage, n'étaient guère en mesure d'emprunter, tandis que prêter à la noblesse était l'affaire de quelques très riches Juifs. Beaucoup de Juifs faisaient des affaires les uns avec les autres.

Dans ces circonstances, le dispositif suivant (appelé heter'isqa - » dispense commerciale « ) a été conçu pour un emprunt portant intérêt entre Juifs, ce qui ne constitue pas une violation de la lettre de la loi, car il ne s'agit pas formellement d'un emprunt. Le prêteur » investit « son argent dans les affaires de l'emprunteur, stipulant deux conditions. Premièrement, l'emprunteur versera au prêteur à une date ultérieure convenue une somme d'argent indiquée (en réalité, l'intérêt du prêt) à titre de » part (du prêteur) sur les bénéfices « (allégués) du débiteur. Deuxièmement, l'emprunteur sera présumé avoir réalisé un bénéfice suffisant pour donner sa part au prêteur, à moins que l'affirmation contraire ne soit corroborée par le témoignage du rabbin ou du juge rabbinique de la ville - qui, par arrangement, refusaient de témoigner dans ces cas. En pratique, tout ce qui est requis est de prendre un texte de cette dispense, rédigé en araméen et tout à fait incompréhensible pour la grande majorité, et de le placer sur un mur de la pièce où la transaction est effectuée (une copie de ce texte est aujourd'hui affichée dans toutes les succursales des banques israéliennes) ou même de le garder dans un coffre - et le prêt portant intérêt entre Juifs devient parfaitement légal et irréprochable.

2.- L'année sabbatique.

Selon la loi talmudique (basée sur Lévitique, 25), les terres détenues par des Juifs en Palestine 16 » doivent être laissées en jachère tous les sept ans « (année sabbatique), lorsque tout travail agricole (y compris la récolte) y est interdit. Il est clairement établi que cette loi a été rigoureusement observée pendant environ mille ans, à partir du Ve siècle avant notre ère jusqu'à la disparition de l'agriculture juive en Palestine. Puis, lorsqu'il n'y eut aucune occasion d'appliquer la loi dans la pratique, elle fut maintenue théoriquement intacte. Cependant, dans les années 1880, avec l'établissement des premières colonies juives agricoles en Palestine, la question devint une préoccupation pratique. Des rabbins, qui soutenaient les colons élaborèrent avec bienveillance une dispense, qui fut ensuite perfectionnée par leurs successeurs au sein des partis religieux sionistes, et qui est devenue une pratique israélienne bien établie.

Voilà comment cela fonctionne. Peu de temps avant une année sabbatique, le ministre israélien des Affaires Intérieures remet au Grand Rabbin un document le rendant propriétaire légal de toutes les terres israéliennes, privées et publiques. Armé de ce papier, le Grand Rabbin se rend chez un non-Juif et lui vend toute la terre d'Israël (et, depuis 1967, les territoires occupés) pour une somme symbolique. Un document séparé stipule que » l'acquéreur «  » revendra « le terrain au Rabbin une fois l'année écoulée. Et cette transaction se répète tous les sept ans, généralement avec le même » acquéreur « .

Les rabbins non-sionistes ne reconnaissent pas la validité de cette dispense 17, affirmant à juste titre que, puisque la loi religieuse interdit aux Juifs de vendre des terres de Palestine à des non-Juifs, l'ensemble de la transaction est basée sur un péché et donc nulle et non avenue. Les rabbins sionistes répondent cependant que ce qui est interdit est une vente réelle et non fictive !

3.- Traire les vaches durant le sabbat.

Cela a été interdit à l'époque post-talmudique, par le processus de sévérité religieuse croissante mentionné ci-dessus. L'interdiction pouvait facilement être maintenue dans la diaspora, car les Juifs qui possédaient des vaches étaient généralement assez riches pour avoir des serviteurs non-Juifs, à qui on pouvait demander (en utilisant l'un des subterfuges décrits ci-dessous) d'effectuer la traite. Les premiers colons Juifs en Palestine employaient des Arabes pour cela et d'autres choses, mais l'imposition forcée de la politique sioniste de travail exclusif des Juifs nécessitait une dispense. (Cela était particulièrement important avant l'introduction de la traite mécanisée à la fin des années 1950.) Là aussi, il y avait une différence entre les rabbins sionistes et les rabbins non-sionistes.

Selon les rabbins sionistes, la traite interdite devient autorisée à condition que le lait ne soit pas blanc mais coloré en bleu. Ce lait bleu du samedi est donc utilisé exclusivement pour la fabrication du fromage, et le colorant est ensuite éliminé par lavage dans le lactosérum. Les rabbins non-sionistes ont mis au point un système beaucoup plus subtil (dont j'ai personnellement été témoin dans un kibboutz religieux en 1952). Ils ont découvert une vieille disposition qui permet de vider les mamelles d'une vache durant le sabbat, uniquement pour soulager les souffrances causées à l'animal par des mamelles gonflées, et à la stricte condition que le lait soit déversé au sol pour ne pas être consommé. Voilà ce qui se passe réellement : samedi matin, un pieux kibboutznik se rend à l'étable et place des seaux sous les vaches. (Un tel travail n'est pas interdit dans l'ensemble de la littérature talmudique.) Il se rend ensuite à la synagogue pour prier. Vient ensuite son collègue, qui a pour » intention sincère « de soulager la douleur des animaux et de laisser leur lait couler au sol. Mais si, par hasard, un seau se trouvait sous leurs mamelles, est-il obligé de l'enlever ? Bien sûr que non. Il » ignore « simplement les seaux, remplit sa mission de miséricorde et se rend à la synagogue. Finalement, un troisième collègue pieux entre dans l'étable et découvre, à sa grande surprise, les seaux pleins de lait. Alors il les met dans une chambre froide et suit ses camarades à la synagogue. Maintenant, tout va bien, et il n'y a pas besoin de gaspiller de l'argent en colorant bleu.

4.- Cultures mixtes.

Des dispenses similaires ont été émises par les rabbins sionistes en ce qui concerne l'interdiction (basée sur Lévitique, 19:19) de semer deux espèces de cultures différentes dans le même champ. L'agronomie moderne a cependant montré que dans certains cas (notamment dans la culture du fourrage), les semis en mélange sont les plus rentables. Les rabbins ont inventé une dispense selon laquelle un homme sème le champ dans le sens de la longueur avec une sorte de graine et, plus tard dans la journée, son camarade, qui » ne sait pas « ce qu'a fait l'autre, sème un autre type de graine de manière transversale. Cependant, cette méthode était perçue comme un gaspillage de main-d'œuvre, et une meilleure fut conçue : un homme entasse un type de graines dans un lieu public et le recouvre soigneusement d'un sac ou d'une planche. Le second type de graines est ensuite placé par-dessus. Plus tard, un autre homme arrive et s'exclame devant des témoins : » J'ai besoin de ce sac (ou de cette planche) « et l'enlève, pour que les graines se mélangent » naturellement « et fortuitement. Enfin, un troisième homme arrive et on lui dit : » Prends ces graines et sème le champ « , ce qu'il fait ensuite 18.

5.- Le pain au levain (et autres produits de fermentation) ne doivent pas être consommés ni même gardés en possession d'un Juif pendant les sept (ou, en dehors de la Palestine, huit) jours de Pâque. Le concept de » substances levée « a été continuellement élargi et l'aversion de les voir pendant la fête a approché l'hystérie. Ils comprennent toutes sortes de farines et même de grains non moulus. Dans la société talmudique d'origine, cela était supportable, car le pain (levé ou non) était généralement cuit une fois par semaine ; une famille paysanne utiliserait le dernier grain de l'année précédente pour cuire du pain sans levain à l'occasion de la fête, qui inaugurerait la nouvelle saison des récoltes. Cependant, dans les conditions du judaïsme européen post-talmudique, l'observance de cet interdit était très difficile pour une famille juive de la classe moyenne et encore plus pour un marchand de maïs. Une dispense a donc été conçue, par laquelle toutes ces substances sont vendues fictivement à un non-Juif avant Pâque et rachetées automatiquement après. Ce qu'il faut faire, c'est enfermer les substances taboues pendant toute la durée de la fête. En Israël, cette vente fictive a été rendue plus efficace. Les Juifs religieux » vendent « leurs substances levées à leurs rabbins locaux, qui les » vendent « à leur tour aux Grands Rabbins ; ces derniers les vendent à un non-Juif, et, par dérogation spéciale, cette vente est présumée inclure également les substances au levain de Juifs non pratiquants.

6.- Le Goy du Sabbat.

Les dispenses les plus élaborées concernent probablement le » Goy (Gentil / non-Juif) du sabbat « . Comme mentionné ci-dessus, l'éventail des tâches interdites durant le sabbat s'est élargi continuellement ; mais l'éventail des tâches qui doivent être effectuées ou supervisées pour satisfaire les besoins ou augmenter le confort ne cesse de s'élargir lui aussi. Ceci est particulièrement vrai à l'époque moderne, mais l'effet du changement technologique a commencé à se faire sentir il y a longtemps. L'interdiction de moudre du grain pendant le sabbat était une affaire relativement légère pour un paysan ou un artisan juif, par exemple en Palestine au IIe siècle, qui utilisait un moulin à main à des fins domestiques. Il en va tout autrement pour le locataire d'un moulin à eau ou d'un moulin à vent - l'une des occupations juives les plus courantes en Europe orientale. Mais même un » problème « humain aussi simple que le désir de prendre une tasse de thé chaud le samedi après-midi devient bien plus grand avec le samovar tentant présent dans la salle, utilisé régulièrement en semaine mais interdit le samedi. Ce ne sont que deux exemples parmi un très grand nombre de problèmes dits de » respect du sabbat « . Et on peut affirmer avec certitude que, pour une communauté composée exclusivement de Juifs orthodoxes, ces problèmes étaient parfaitement insolubles, du moins au cours des huit ou dix derniers siècles, sans » l'aide « de non-Juifs. C'est encore plus vrai aujourd'hui dans » l'État juif « , car de nombreux services publics, tels que l'eau, le gaz et l'électricité, entrent dans cette catégorie. Le judaïsme classique ne pourrait pas exister durant une semaine sans faire appel à des non-Juifs.

Mais sans dispenses spéciales, il est très difficile d'employer des non-Juifs pour ces travaux du samedi ; car les règlements talmudiques interdisent aux Juifs de demander à un non-Juif de faire durant le sabbat tout travail qui leur est interdit 19. Je décrirai deux des nombreux types de dispenses utilisées à cette fin.

Premièrement, il y a la méthode de » l'allusion « , qui dépend de la logique casuistique selon laquelle une demande pécheresse devient irréprochable si elle est exprimée de manière déviée. En règle générale, l'indication doit être » obscure « , mais dans les cas d'extrême nécessité, une indication » claire « est autorisée. Par exemple, dans une brochure récente sur l'observance religieuse à l'usage des soldats israéliens, ces derniers apprennent à parler aux travailleurs arabes employés par l'armée en tant que » Goys de sabbat « . Dans des cas urgents, par exemple lorsqu'il fait très froid et qu'un feu doit être allumé, ou lorsque la lumière est nécessaire pour un service religieux, un soldat juif pieux peut utiliser une allusion » claire « et dire à l'arabe: » Il fait froid (ou sombre) ici. « Mais normalement une allusion » obscure « doit suffire, par exemple: » Ce serait plus agréable s'il faisait plus chaud ici 20. « Cette méthode d' » allusion « est d'autant plus répugnante et dégradante qu'elle est normalement utilisée sur des non-Juifs qui, en raison de leur pauvreté ou de leur position sociale subordonnée, sont entièrement au pouvoir de leur employeur juif. Un serviteur non-Juif (ou employé de l'armée israélienne) qui ne s'entraîne pas à interpréter les » allusions obscures « comme des ordres sera impitoyablement renvoyé.

La deuxième méthode est utilisée dans les cas où ce que le non-Juif est tenu de faire le samedi n'est pas une tâche occasionnelle ou un service personnel, qui peut être » suggéré « au besoin par une » allusion « , mais un travail routinier ou régulier sans supervision juive constante. Selon cette méthode - appelée » inclusion implicite « (havla'ah) du sabbat entre les jours de semaine -, les Gentils sont embauchés » pour toute la semaine (ou l'année) « , sans que le sabbat ne soit ne serait-ce que mentionné dans le contrat. Mais en réalité, le travail n'est accompli que durant le sabbat. Cette méthode a été utilisée dans le passé pour embaucher des non-Juifs pour éteindre les bougies dans la synagogue après la prière de la veille du sabbat (plutôt que de les laisser se consumer, ce qui serait du gaspillage). Les exemples israéliens modernes sont la régulation de l'approvisionnement en eau ou la surveillance des réservoirs d'eau le samedi 21.

Une idée similaire est également utilisée dans le cas des Juifs, mais dans un but différent. Il est interdit aux Juifs de recevoir un paiement pour le travail accompli durant le sabbat, même si ce travail lui-même est autorisé. Le principal exemple concerne les professions sacrées : le rabbin ou savant talmudique qui prêchent ou enseignent le jour du sabbat, le chantre qui chante uniquement le samedi et les autres jours saints (pendant lesquels des interdictions similaires s'appliquent), le sacristain et d'autres offices analogues. À l'époque talmudique, et dans certains pays, même plusieurs siècles après, ces emplois étaient non rémunérés. Mais plus tard, lorsque ces professions sont devenues salariées, la dispense de » l'inclusion implicite « a été utilisée et ils ont été embauchés sur une base » mensuelle « ou » annuelle « . Dans le cas des rabbins et des talmudistes, le problème est particulièrement compliqué, car le Talmud leur interdit de recevoir tout paiement pour prêcher, enseigner ou étudier le talmud, même en semaine 22. Pour eux, une dérogation supplémentaire stipule que leur salaire n'est pas du tout un salaire réel, mais une » allocation de chômage « (dmey batalah). En tant que résultat combiné de ces deux fictions, ce qui est en réalité un paiement pour un travail effectué principalement, voire exclusivement, le jour du sabbat, est transformé en un paiement pour chômage pendant les autres jours de la semaine.

Aspects sociaux des dispensations

Deux caractéristiques sociales de ces pratiques et de nombreuses autres pratiques similaires méritent une mention spéciale.

Premièrement, une caractéristique dominante de ce système de dispensations, et du judaïsme classique dans la mesure où il s'appuie sur elles, est la tromperie, en premier lieu la tromperie de Dieu, si ce mot peut être utilisé pour un être imaginaire si facilement trompé par les rabbins, qui se considèrent plus intelligents que lui. On ne peut concevoir un plus grand contraste que celui qui existe entre le Dieu de la Bible (en particulier celui des plus grands prophètes) et le Dieu du judaïsme classique. Ce dernier ressemble plus au Jupiter romain primitif, qui était lui aussi facilement berné par ses adorateurs, ou aux dieux décrits dans Le Rameau d'or de Frazer (ouvrage consacré à la mythologie antique).

Du point de vue éthique, le judaïsme classique représente un processus de dégénérescence qui se poursuit encore ; et cette dégénérescence en une collection tribale de rituels vides et de superstitions magiques a des conséquences sociales et politiques très importantes. Car il faut se rappeler que ce sont précisément les superstitions du judaïsme classique qui ont la plus grande emprise sur les masses juives, plutôt que ces parties de la Bible ou même du Talmud qui ont une réelle valeur religieuse et éthique. (On peut observer la même chose dans d'autres religions qui connaissent actuellement un renouveau.) Qu'est-ce qui est généralement considéré comme l'occasion la plus » sainte « et la plus solennelle de l'année liturgique juive, à laquelle même de très nombreux Juifs par ailleurs loin de la religion participent ? C'est la prière de Kol Nidré à la veille de Yom Kippour - la psalmodie d'une dispense particulièrement absurde et trompeuse, par laquelle tous les vœux privés faits à Dieu l'année suivante sont déclarés par avance nuls et non avenus 23 ( » Tous les vœux que nous pourrions faire depuis ce jour de Kippour jusqu'à celui de l'année prochaine -qu'il nous soit propice-, toute interdiction ou sentence d'anathème que nous prononcerions contre nous-mêmes, toute privation ou renonciation que, par simple parole, par vœu ou par serment nous pourrions nous imposer, nous les rétractons d'avance ; qu'ils soient tous déclarés non valides, annulés, dissous, nuls et non avenus ; qu'ils n'aient ni force ni valeur ; que nos vœux ne soient pas regardés comme vœux, ni nos serments comme serments. « ). Ou, dans le domaine de la religion personnelle, la prière Kaddish, récitée durant les jours de deuil des Fils pour leurs parents défunts afin d'élever leurs âmes disparues au paradis - une récitation d'un texte araméen, incompréhensible pour la grande majorité. De toute évidence, le respect accordé par les masses juives à ces éléments, les plus superstitieux de la religion juive, n'est pas accordé aux éléments plus valorisants et plus dignes.

La tromperie de Dieu va de pair avec la tromperie des autres Juifs, principalement dans l'intérêt de la classe dirigeante juive. Il est caractéristique qu'aucune dérogation n'ait été autorisée dans l'intérêt spécifique des Juifs pauvres. Par exemple, les rabbins (qui n'avaient pas souvent faim eux-mêmes) ne permettaient jamais aux Juifs accablés par la famine, mais qui n'étaient pas sur le point de mourir, de manger la moindre nourriture interdite, bien que la nourriture casher soit généralement plus chère.

La deuxième caractéristique dominante des dispenses est qu'elles sont en grande partie manifestement motivées par l'esprit de lucre. Et c'est cette combinaison d'hypocrisie et de quête du profit qui a dominé de plus en plus le judaïsme classique. En Israël, où le processus se poursuit, l'opinion publique le perçoit faiblement, malgré tout le lavage de cerveau officiel prôné par le système éducatif et les médias. Les institutions religieuses - les rabbins et les partis religieux - et, par association, dans une certaine mesure, la communauté orthodoxe dans son ensemble, sont assez impopulaires en Israël. Une des raisons les plus importantes en est précisément leur réputation de duplicité et de vénalité. Bien entendu, l'opinion populaire (qui peut souvent avoir des préjugés) n'est pas la même chose que l'analyse sociale ; mais dans ce cas particulier, il est vrai que les autorités religieuses juives ont une forte tendance à la chicane et à la corruption, en raison de l'influence corruptrice de la religion juive orthodoxe. Parce que dans la vie sociale en général, la religion n'est que l'une des influences sociales, son impact sur la masse des croyants n'est pas aussi important que son impact sur les rabbins et les chefs des partis religieux. Les Juifs religieux en Israël qui sont honnêtes, comme le sont sans doute la majorité d'entre eux, ne le sont pas à cause de l'influence de leur religion et des rabbins, mais malgré elle. D'un autre côté, dans les quelques domaines de la vie publique en Israël qui sont entièrement dominés par les cercles religieux, le niveau de chicane, de vénalité et de corruption est notoire, dépassant de loin le niveau » moyen « toléré par la société israélienne généralement non-religieuse.

Au chapitre 4, nous verrons comment la prédominance de la recherche du profit dans le judaïsme classique est liée à la structure de la société juive et à son articulation avec la société générale au milieu de laquelle les Juifs vivaient à l'époque » classique « . Ici, je veux simplement faire remarquer que le motif du profit n'est pas caractéristique du judaïsme à toutes les périodes de son histoire. Seule la confusion platonicienne qui cherche » l'essence « métaphysique intemporelle du judaïsme, au lieu d'observer les changements historiques de la société juive, a obscurci ce fait. (Et cette confusion a été grandement encouragée par le sionisme, qui s'appuie sur des » droits historiques « tirés de la Bible au mépris de l'Histoire.) Ainsi, les apologistes du judaïsme prétendent, à juste titre, que la Bible est hostile à la quête du profit, tandis que le Talmud y est indifférent. Mais cela était dû aux conditions sociales très différentes dans lesquelles ces écrits furent composés. Comme indiqué ci-dessus, le Talmud a été composé dans deux régions bien définies, à une époque où les Juifs qui y vivaient constituaient une société basée sur l'agriculture et composée principalement de paysans, ce qui est très différent de la société du judaïsme classique.

Dans le chapitre 5, nous traiterons en détail des attitudes hostiles et des tromperies pratiquées par le judaïsme classique contre les non-Juifs. Mais la tromperie à but lucratif pratiquée par les Juifs riches contre leurs compatriotes Juifs pauvres est plus importante en tant que caractéristique sociale (comme la dispense concernant les intérêts sur les emprunts). Je dois dire ici, malgré mon opposition au marxisme tant en tant que philosophie que comme théorie sociale, que Marx avait tout à fait raison lorsque, dans ses deux articles sur le judaïsme, il le décrivait comme étant dominé par la recherche du profit - à condition que ce propos soit limité au judaïsme tel qu'il le connaissait, c'est-à-dire au judaïsme classique qui, dans sa jeunesse, était déjà entré dans sa période de dissolution. Certes, il a déclaré cela de manière arbitraire, anhistorique et sans preuve. Évidemment, il en arriva à sa conclusion par intuition ; mais son intuition dans ce cas - et dans les limites historiques appropriées - était juste.

Israël Shahak

NOTES

1 Comme au chapitre 2, j'utilise l'expression » judaïsme classique « pour désigner le judaïsme rabbinique de la période allant de l'an 800 environ jusqu'à la fin du XVIIIe siècle. Cette période coïncide généralement avec le Moyen Âge juif, car pour la plupart des communautés juives, les conditions médiévales persistèrent beaucoup plus longtemps que pour les nations de l'Europe occidentale, notamment jusqu'à la période de la Révolution française. Ainsi, ce que j'appelle le » judaïsme classique « peut être considéré comme le judaïsme médiéval.

2 Exode, 15:11.

3 Ibid., 20:3-6.

4 Jérémie, 10 ; le même thème est repris plus tard par la deuxième Esaïe, voir Esaïe, 44.

5 La Kabbale est bien sûr une doctrine ésotérique, et son étude détaillée était réservée aux érudits. En Europe, surtout après 1750 environ, des mesures extrêmes ont été prises pour la garder secrète et interdire son étude, sauf pour des savants Juifs expérimentés et sous un contrôle strict. Les masses juives non éduquées d'Europe orientale n'avaient aucune connaissance réelle de la doctrine kabbalistique ; mais la Kabbale les a percolés sous forme de superstition et de pratiques magiques.

6 De nombreux mystiques juifs contemporains pensent que le même but peut être atteint plus rapidement par la guerre contre les Arabes, par l'expulsion des Palestiniens ou même par l'établissement de nombreuses colonies de peuplement juives en Cisjordanie. Le mouvement croissant pour la construction du Troisième Temple est également basé sur de telles idées.

7 Le terme hébreu utilisé ici - yihud, signifiant littéralement » union dans l'isolement « - est le même que celui employé dans les textes juridiques (concernant le mariage, etc.) pour désigner les rapports sexuels

8 La soi-disant Qedushah Shlishit (Troisième Sainteté), insérée dans la prière Uva Letzion vers la fin du service matinal.

9 Nombres, 29.

10 Le pouvoir de Satan, et ses relations avec les non-Juifs, sont illustrés par une coutume répandue, établie sous l'influence kabbalistique dans de nombreuses communautés juives à partir du 17ème siècle. Une femme juive revenant de son bain de purification rituel mensuel (après lequel des rapports sexuels avec son mari sont obligatoires) doit se garder de rencontrer l'une des quatre créatures sataniques : le non-Juif, le cochon, le chien ou l'âne. Si elle rencontre l'un d'entre eux, elle doit prendre un autre bain. Shevet Musar, l'un des ouvrages les plus populaires parmi les Juifs d'Europe orientale et des pays islamiques jusqu'au début du siècle, a prôné cette coutume (entre autres) en 1712. Il est encore largement lu dans certains milieux orthodoxes.

11 Cela est prescrit dans les moindres détails. Par exemple, le lavage rituel des mains ne doit pas se faire sous un robinet ; chaque main doit être lavée séparément dans l'eau d'une tasse (de la taille minimale prescrite) tenue dans l'autre main. Si nos mains sont vraiment sales, il est tout à fait impossible de les nettoyer de cette façon, mais de telles considérations pragmatiques sont évidemment hors de propos. Le judaïsme classique prescrit un grand nombre de tels rituels détaillés, auxquels la Kabbale attache une signification profonde. Il existe, par exemple, de nombreuses règles précises concernant le comportement dans les toilettes. Un Juif qui fait ses besoins naturels dans un espace ouvert ne doit pas le faire dans une direction nord-sud, car le nord est associé à Satan.

12 » Interprétation « est ma propre expression. Le point de vue classique (et orthodoxe actuel) est que le sens talmudique, même opposé au sens littéral, était toujours celui qui était appliqué.

13 Selon une histoire apocryphe, un célèbre hérétique juif du XIXe siècle aurait observé à cet égard que le verset » Tu ne commettras pas d'adultère « ne se répète que deux fois. » Il est donc vraisemblablement interdit de manger l'adultère ou de le cuisiner, mais en tirer jouissance est tout à fait acceptable. « 

14 Le mot hébreu re'akha est traduit de façon assez imprécise par la version King James de la Bible (et la plupart des autres traductions anglaises) en tant que » ton voisin « (ou » ton prochain « en français). Voir cependant Samuel, II, 16:17, où exactement le même mot est rendu par la version King James, plus exactement par » ton ami « .

15 La Mishna est remarquablement libre de tout cela, et en particulier la croyance aux démons et à la sorcellerie y est relativement rare. Le Talmud Babylonien, en revanche, regorge de superstitions grossières.

16 Ou, pour être précis, dans de nombreuses régions de la Palestine. Apparemment, les domaines d'application de la loi sont ceux où la prédominance démographique juive était prédominante autour des années 150-200 de notre ère.

17 C'est pourquoi les Juifs orthodoxes non sionistes en Israël prévoient des magasins spéciaux pendant les années sabbatiques, qui vendent des fruits et des légumes cultivés par des Arabes sur des terres arabes.

18 À l'hiver 1945-1961, moi-même, alors un garçon de moins de 13 ans, participai à de telles procédures. La personne en charge du travail agricole de l'école d'agriculture religieuse que je fréquentais à l'époque était un Juif particulièrement dévot et estimait qu'il serait prudent que l'acte crucial, qui consiste à retirer la planche, soit exécuté par un orphelin de moins de 13 ans, incapable d'être, ou de rendre quelqu'un d'autre coupable d'un péché. (Un garçon de moins de 13 ans ne peut pas être coupable d'un péché ; son père, s'il en a un, est considéré comme responsable.) Tout m'a soigneusement été expliqué à l'avance, y compris le devoir de dire: »J'ai besoin de cette planche« , alors qu'en fait personne n'en avait aucun besoin.

19 Par exemple, le Talmud interdit à un Juif de profiter de la lumière d'une bougie allumée par un non-Juif durant le sabbat, à moins que ce dernier ne l'ait allumée pour son propre compte avant que le Juif n'entre dans la pièce.

20 Un de mes oncles qui vivant à Varsovie avant 1939 utilisait une méthode plus subtile. Il employait une femme de chambre non-juive appelée Marysia et sa coutume était, en se levant de sa sieste du samedi, de dire, d'abord à voix basse : » Ce serait bien que... « Et puis, élevant la voix jusqu'à crier, »... Marysia nous apporte une tasse de thé ! « Il était tenu pour très pieux et craignant Dieu, et ne rêverait jamais de boire une goutte de lait avant d'avoir laissé écouler six heures complètes après avoir mangé de la viande. Dans sa cuisine, il avait deux lavabos, un pour la vaisselle utilisée pour manger de la viande, l'autre pour les plats contenant du lait.

21 Des erreurs parfois regrettables sont commises, car certains de ces emplois sont assez confortables, laissant à l'employé six jours de congé par semaine. La ville de Bney Braq (près de Tel-Aviv), habitée presque exclusivement

par les Juifs orthodoxes, a été secoué dans les années 1960 par un horrible scandale. À la mort du » sabbat-Goy « qu'ils avaient employé plus de vingt ans pour veiller à leur approvisionnement en eau le samedi, il fut découvert qu'il n'était pas vraiment chrétien mais Juif ! Donc quand son successeur, un Druze, a été embauché, la ville a exigé et obtenu du gouvernement un document certifiant que le nouvel employé était un Gentil de pure ascendance Gentille. Selon des rumeurs fiables, la police secrète a été invitée à faire des recherches à ce sujet.

22 En revanche, l'enseignement élémentaire des Écritures peut être effectué moyennant un paiement. Cela a toujours été considéré comme un travail peu qualifié et mal payé.

23 Un autre rituel » extrêmement important « est de souffler dans une corne de bélier à Roch Hachana, afin de déconcerter Satan.

 Traduction et notes

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