18/06/2023 euro-synergies.hautetfort.com  5min #230052

Diego Fusaro: Pourquoi l'Union européenne est-elle une tragédie pour les peuples et les travailleurs?

Pourquoi l'Union européenne est-elle une tragédie pour les peuples et les travailleurs?

Diego Fusaro

Source:  adaraga.com

Selon le traité de Maastricht de 1992 (article 104) et le traité de Lisbonne de 2007 (article 123), les États européens ont été privés de la possibilité d'emprunter auprès de leur banque centrale. En outre, l'État a renoncé au droit de battre monnaie. Les États ont transféré ce pouvoir souverain au secteur privé, dont ils sont devenus les débiteurs.

Grâce aux actions par lesquelles la crise de la dette privée des banques a été déguisée en crise de la dette publique des États, la souveraineté monétaire a été neutralisée et, avec elle, la relation entre l'État et l'économie a été complètement inversée. C'est cette dernière qui est souveraine, où l'État, quand il existe encore, devient le pur défenseur du capital et de sa logique, avec pour conséquence la reconfiguration de la politique comme simple continuation de l'économie par d'autres moyens.

Le chômage par région en Europe.

Depuis le tableau économique

Depuis l'ère du laissez-faire, la figure du gouvernement frugal s'est imposée, destinée à s'inverser dans la dérégulation et la nouvelle gestion publique de l'État minimal avec une économie dépolitisée post-1989, avec la tyrannie de la dette, la dictature du marché et le chantage à la « confiance des investisseurs » et des gestionnaires du capital financier international.

Telle est l'essence de la nouvelle « démocratie sans peuple », c'est-à-dire du système globocratique

Dans ce panthéon des fonctions expressives du libéralisme, la figure de l'« État minimal » est centrale (avec le mot d'ordre privilégié par les bardes du cosmomercatisme

À cet égard, il convient de rappeler que le 2 février 2012, le MES (le Mécanisme européen de stabilité) est entré en vigueur, introduisant la règle de la « conditionnalité ».

Selon cette dernière, l'aide financière n'est accordée qu'aux États de l'UE qui, en contrepartie, s'engagent à mettre en œuvre un programme de réformes et - donc dans le texte, avec un lexique nettement orwellien - d'« ajustement macroéconomique » conforme aux tendances néolibérales.

Ces tendances, ça va sans dire, coïncident toujours avec la privatisation des services publics, avec la réduction des salaires, avec la réduction des dépenses publiques, avec l'abolition de toutes les restrictions à la circulation des marchandises.

En d'autres termes, mutato nomine,

Avec le MES, les Etats « assistés » sont privés de leur autonomie politique : ils sont contraints, sous peine de pauvreté, d'accepter des réformes dictées de l'extérieur, toujours au profit de l'oligarchie financière et au détriment des immenses masses précarisées post-bourgeoises et post-prolétariennes.

La Banque centrale européenne peut, en effet, retenir discrétionnairement les liquidités des systèmes bancaires des Etats membres qui refusent de suivre ses préceptes en matière de politiques budgétaires, de secteurs publics et de structure des systèmes de formation des salaires.

A cela s'ajoute le « Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance », signé à Bruxelles le 2 mars 2012. Les parlements nationaux sont privés de compétences en matière budgétaire. Ils perdent définitivement l'un des piliers des systèmes démocratiques nationaux.

De plus, sur la base du MES, le poids décisionnel des Etats membres de l'UE est proportionnel aux paiements et à la puissance économique : avec pour conséquence évidente que l'Allemagne peut à nouveau faire valoir ses intérêts face à l'ensemble de l'Europe et sans avoir recours à l'esthétique traditionnelle de la violence guerrière. Le nationalisme guerrier n'est pas vaincu : il est simplement sous une forme modifiée, sous le signe de la primauté de l'économique sur le politique.

Les immenses violences liées aux processus de mondialisation de l'Europe mis en œuvre par l'Union européenne sont, plus communément, désignées comme des « règles » par le néo-langage du cosmomarché

Le pouvoir est remis aux marchés financiers spéculatifs, libres d'imposer sans limites leurs besoins et leurs orientations. L'économie de marché est désormais la seule réalité concrètement souveraine, le politique devenant quant à lui une simple variable dépendante de l'économie financiarisée.

C'est dire combien le processus d'intégration européenne (qu'il serait plus juste de définir comme un projet d'intégration libérale et de révolution passive des élites financières) a parfaitement atteint son but, à savoir l'affaiblissement des classes populaires au profit des seigneurs du capital sans frontières (alias « les maîtres de la finance mondiale ») et, plus généralement, dans la contraction des espaces démocratiques.

En effet, dans son essence même, l'Union européenne apparaît comme un système entièrement post-démocratique à tous les niveaux : un système qui a déconstruit la possibilité pour les masses nationales-populaires de peser sur les décisions politiques et qui remplace le gouvernement démocratique par la gouvernance, c'est-à-dire un gouvernement sans les peuples et orienté vers le seul fonctionnement des marchés libérés des contraintes keynésiennes des Etats-nations.

Les pratiques ordinaires sur lesquelles repose l'Eurosystème le confirment indiscutablement. Elles vont de la création d'États au contournement des parlements, pour aboutir au règne de technocrates non responsables et sans mandat démocratique.

L'union monétaire devient ainsi le pivot de la « nouvelle gouvernance européenne » libérale et post-démocratique, centrée sur des pratiques qui condamnent à terme les classes dominées à « mourir pour l'euro ».

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