Manifestant une incapacité assez terrifiante d'appréhender le monde qui vit un « changement que l'on n'a pas connu depuis 100 ans » selon la formule du président chinois, la « gauche française » qui s'autoproclame héritière des mouvements ouvriers syndicaux et sociaux qui furent puissants au XIXe et au XXe siècle, continue à tomber à pieds joints dans tous les pièges et à donner le spectacle d'une totale inutilité politique, accaparée qu'elle est, par des débats et des polémiques ineptes. Entraînant à sa suite le reste de l'arc politique d'un pays « dirigé » par un président incompétent entouré de hauts fonctionnaires corrompus et accompagné par des ministres consternants de nullité.
Vieux droitard contre progressiste arrogante
Quiconque ouvre ses fenêtres sur le monde constate que nous vivons une période historique. La globalisation comme forme moderne de la domination occidentale touche à sa fin. Le Titanic prend l'eau de toutes parts. Pas sûr que l'on échappe à la guerre nucléaire, mais en France, le pays où un président dépassé subit humiliation sur humiliation, on débat furieusement de questions essentielles. Une chanteuse toute de notoriété inconsistante et d'arrogance tranquille, a trouvé utile de revendiquer un positionnement politique « de gauche », en disant du mal d'un vieux droitard auteur des chansons dont les gens se rappellent. Dans l'une d'entre elles, il rendait hommage à la présence dans les bals populaires de « l'ouvrier parisien, la casquette en arrière, qui tourne, tourne, tourne bien ». Il n'y a plus d'ouvrier parisien, ça n'existe plus. C'est dire s'il est vieux le droitard.
Maintenant à la place il y a des gens qui votent Hidalgo, circulent en trottinette, achètent bio, et écoutent la chanteuse que personne ne connaît. Normalement, cette histoire aurait dû nous passer au-dessus de la tête. Mais non, dans la presse, sur les réseaux, partout, une polémique géante, et avec les politiques qui s'en mêlent. Un ban pour Karl Olive député macroniste voulant à toute force remporter la palme du plus grotesque, en poussant sa chansonnette sur Twitter.
On pouvait légitimement rester à l'écart de cette séquence dérisoire en vaquant à d'agréables activités estivales. Jusqu'au moment où lire un article de Libé parlant de « polémique absurde ». C'était embêtant d'être du même avis que l'organe central de la gauche woke, incontestable boussole qui indique le sud. Il a donc fallu se pencher sur le problème, pour avoir l'explication. L'incendie dans l'infosphère, procédait en fait de l'affrontement rageur entre ceux qui en tiennent pour la culture populaire, capable évidemment d'être parfois ringarde, et cette petite bourgeoisie subventionnée. Celle qui a justement remplacé les ouvriers parisiens, peuplée d'artistes bidons qui portent, comme signe extérieur de richesse, leur « progressisme » et leur mépris du peuple à la boutonnière. Et cette rage, comme elle vise ses lecteurs, cela inquiétait Libé de voir la « guerre culturelle s'inviter aussi chez nous. On a les batailles d'Hernani qu'on peut, mais consolant nous en nous disant que la lutte des classes, c'est comme le diable, on la trouve aussi dans les détails.
Médine antisémite à l'insu de son plein gré
Et puis on espérait qu'avec les universités d'été des différentes organisations, le politique allait faire son grand retour. Illusion de courte durée avec la polémique autour du chanteur de rap Médine invité par les écolos et LFI à débattre dans leurs réunions, et par les cocos à chanter à la fête de l'Huma. Médine est un rappeur « sulfureux » qui produit des textes discutables et discutés affichant une proximité avec l'islam politique et l'antisémitisme qui parfois l'accompagne. Le piège était grand ouvert et la gauche s'y est par conséquent précipitée. L'objectif des invitations était évidemment à visée électoraliste, chacune des trois organisations concernées visant à caresser dans le sens du poil, ce qui constitue dans les banlieues un socle qui peut garantir des réélections. Mais si pour la fête de l'Huma Il s'agissait bien d'inviter « l'artiste » à se produire, pour les deux autres, inviter Médine à débattre, c'était bien séparer l'homme de l'artiste, en conviant l'acteur politique à venir donner son avis. L'antisémitisme musulman est une vraie question qu'il est particulièrement difficile de traiter sereinement, d'abord parce qu'il cohabite avec un vieux fond d'antisémitisme européen dont tout le monde craint la résurgence, et ensuite parce que le conflit israélo-palestinien s'invite facilement chez nous du fait d'une importante communauté maghrébine. Alors, il ne fallait pas trop en demander aux adversaires des partis de la NUPES qui en ont fait des tonnes pour les enfermer dans un corner. Les explications et la défense de leurs dirigeants ont été calamiteuses. À longueur de colonnes la question posée était de savoir si un jeu de mots concernant Rachel Khan qualifiée de « reskhanpé » était ou non antisémite à l'égal de celui de Jean-Marie Le Pen en son temps, le fameux « Durafour crématoire ». Avec exégèses savantes sur l'orthographe du nom et la place du H, Khan étant différent de Kahn. La lutte contre l'antisémitisme est un combat jamais fini, mais on voit bien que l'instrumentalisation de ce débat n'a qu'un enjeu, celui d'un combat politicien.
Alors le spectacle de Mathilde Panot arc-boutée dans le déni, refusant le débat, s'abritant derrière le mantra « ignoble complot d'extrême droite » avait quelque chose d'un peu effrayant. Il fallait aussi écouter les contorsions de Madame Tondelier, sur France Inter. Adoptant le ton suffisant de la maîtresse d'école, elle assénait en substance : « Médine il est gentil mais un peu neuneu. Il est antisémite d'accord, mais c'est à l'insu de son plein gré. Alors nous les verts on l'a invité pour lui expliquer que c'est mal. Et après grâce à nous il aura à la foi du converti à l'anti-anti-sémitisme. » Si Médine se rend quand même à l'invitation, cela voudra dire qu'il n'a pas beaucoup d'amour-propre.
Pendant ce temps le monde tourne sans nous
Et pendant ce temps, se déroule à Johannesburg un événement historique, une conférence internationale qui rassemble 40 pays importants représentant les deux tiers de la population mondiale. Les fameux BRICS, composé du Brésil de la Russie, de l'Inde, de la Chine et de l'Afrique du Sud ont été créés initialement comme un club. Ils se sont transformés en organisation internationale qui a décidé de prendre en charge pour sa part l'avenir du monde. Avant même l'élargissement à cinq nouveaux membres décidés à Johannesburg, PIB cumulé, est déjà supérieur à celui de l'Occident combiné que représente le G7. Les débats ont porté sur plusieurs sujets dont les deux tout à fait essentiels que sont la dé dollarisation des échanges internationaux et l'élargissement de l'organisation internationale. La presse française est quasi muette sur ce qui se passe au contraire de la presse internationale y comprise anglo-saxonne. Il faut lire les interventions de notre ami Jacques Sapir qui explicite les problématiques qui donnent lieu à débat et l'expression de positions parfois contradictoires. L'Inde, le Brésil et l'Afrique du Sud ont des positions nuancées concernant les rapports avec l'Occident en général et les États-Unis en particulier. La Chine semble vouloir tenir les deux bouts de la chaîne, mais clairement la Russie est sur une ligne d'affrontement.
Le président Xi a fait un certain nombre de propositions et insisté sur le fait que BRICS devaient promouvoir un monde multipolaire réel en accueillant de nouveaux membres. L'objectif étant de jouer un rôle de plus en plus important sur la scène internationale en dépit des turbulences. Il est à noter que l'élargissement décidé avec l'Arabie Saoudite, l'Iran et les Émirats arabes unis, aboutit quasiment à incorporer l'OPEC au sein des BRICS. Le nouvel ensemble contrôle plus de 50 % de l'énergie pétrolière et gazière produite dans le monde. Et assure la même proportion de la production industrielle. En attendant l'absorption probable de l'Organisation de Coopération de Shanghai (OCS) qui en fera un bloc quasi hégémonique. Pour bonne mesure Xi Jiping a annoncé la création d'un fonds spécial de 10 milliards de dollars pour la mise en œuvre de l'Initiative mondiale pour le développement (IMD).
Vladimir Poutine n'était pas présent à Johannesburg pour cause de procédure de la CPI, ce qui ne l'a pas empêché de produire en visioconférence une intervention d'une grande fermeté. Pour lui les pays membres des BRICS doivent s'opposer à toute hégémonie et politique néocolonialistes d'un l'Occident responsable de la crise ukrainienne. Le ministre des affaires étrangères russes Sergueï Lavrov s'est multiplié et a repris à son compte l'analyse selon laquelle : « De même qu'au siècle dernier, la défaite du fascisme en Europe par l'Armée rouge a donné un puissant élan au mouvement anticolonial dans le monde entier, de même aujourd'hui la défaite des néo-fascistes ukrainiens soutenus par l'Occident servira de facteur pour contrer le néo-colonialisme moderne. »
Poutine a invité à poursuivre résolument le processus de dé dollarisation du monde par l'utilisation des monnaies nationales pour les échanges et la création à terme d'une monnaie commune. Pour preuve du poids de la Russie dans l'organisation, elle en prendra la présidence début 2024 et le prochain sommet se déroulera chez elle en octobre à Kazan.
Pendant que ces événements méta historiques se déroulent, la guerre continue sur le théâtre ukrainien, avec une contre-offensive transformée en massacre des troupes ukrainiennes, le bilan actuel difficilement contestable aboutit à des taux de perte supérieure à ceux subis par les États-Unis pendant toute la deuxième guerre mondiale ! La plupart des observateurs anglo-saxons sérieux, considèrent que la défaite non seulement de l'Ukraine mais également de l'OTAN est consommée. Avec tous les risques que cela comporte d'une escalade à base de décisions irréfléchies de la part des États-Unis. Lesquels États-Unis continuent à donner le spectacle d'un empire en décomposition. Une des questions étant de savoir si l'élection présidentielle de 2024 pourra se dérouler.
Tout cela n'intéresse pas système médiatique français soucieux de relayer un récit sans prise sur le réel, avide de polémiques débiles et de faits divers. Les partis politiques font de même comme le démontre les programmes des universités d'été ou l'international est réduit à la proportion congrue.
La transformation du monde se passe sous nos yeux ? L'invasion de l'Ukraine par la Russie a provoqué un ébranlement mondial ? L'Afrique francophone nous chasse ? L'Union Européenne court à l'abîme économique ? L'hégémon américain est en voie de dislocation ? Tout ceci n'a aucune importance, ce qui compte, c'est de savoir si Médine a fait une « quenelle » ou si les paroles des « Lacs du Connemara » sont mieux que celle de « Foncer, t'aimer, woh ». Le Président de la république parade sur des jets ski en Méditerranée, toujours aveuglé par sa suffisance et sans peur du ridicule assène « qu'il reparlera à Poutine quand ce sera utile ». On imagine la frustration de celui-ci dans son bureau du Kremlin.
Et pendant ce temps, aux États-Unis chez le patron, les démocrates essaient de jeter en prison un Donald Trump donné vainqueur de la présidentielles 2024 par les sondages. Les républicains quant à eux veulent destituer Joë Biden, président en exercice et candidat démocrate à sa réélection.