Par Pierre Duval
Varsovie exige que l'UE prolonge l'embargo sur les importations de céréales en provenance de Kiev. Le pays de Chopin veut protéger son économie et son agriculture contre des concurrents ukrainiens qui bénéficient de lois extraordinaires pour exporter leurs productions agricoles en UE. La Pologne refuse de vivre au rythme de l'hymne européen de Beethoven joué à Bruxelles.
«Le commissaire européen à l'Agriculture et au Développement rural – de nationalité polonaise et membre du parti politique PiS, Janusz Wojciechowski – insiste sur l'extension de l'embargo sur les importations de céréales ukrainiennes», titre Rzeczpospolita. Il a déclaré devant le Parlement européen que «la Commission européenne devrait étendre l'interdiction sur les importations de céréales ukrainiennes à cinq pays voisins de l'Ukraine». «L'Ukraine est devenue entièrement dépendante des routes alternatives de l'Union européenne, connues sous le nom de routes de solidarité, pour ses exportations de céréales après que la Russie a abandonné en juillet un accord d'un an qui permettait aux céréales ukrainiennes d'être transportées en toute sécurité via les ports de la mer Noire», dénonce le quotidien polonais, continuant sur le fait qu' «en conséquence, les agriculteurs des pays voisins – Pologne, Hongrie, Roumanie, Bulgarie et Slovaquie – ont été confrontés à une concurrence accrue et à des goulots d'étranglement sur leurs propres marchés».
Rzeczpospolita rappelle que «la Commission européenne a annoncé en mai des mesures préventives temporaires qui interdiront la vente de céréales ukrainiennes à ces cinq pays, tout en autorisant leur transit vers les marchés extérieurs à l'UE, principalement vers l'Afrique». Le commissaire Janusz Wojciechowski a déclaré au Parlement européen que les mesures préventives étaient «efficaces, efficientes et stabilisaient les marchés dans cinq États membres, tout en contribuant à accroître les exportations par le biais des voies de solidarité». Il a, aussi, souligné que c'est là le principal argument en faveur de l'extension des mesures préventives.
La Pologne a décidé d'agir sans tenir compte de l'avis de Bruxelles. Le quotidien polonais martèle que «le Premier ministre polonais, Mateusz Morawiecki, a annoncé dans un discours télévisé que la Pologne maintiendrait un embargo fort et total sur les céréales ukrainiennes après le 15 septembre». «Nous ne permettrons pas que les céréales ukrainiennes déstabilisent les campagnes polonaises», a-t-il assuré. «Contrairement à nos prédécesseurs, nous n'hésitons pas à dire à Bruxelles: stop. Nous n'attendons pas l'accord des responsables de Berlin et de Bruxelles pour défendre les intérêts polonais, protéger la sécurité des familles polonaises et l'avenir des agriculteurs polonais», a lancé Mateusz Morawiecki tout en stipulant que «la Pologne, l'un des plus grands producteurs de céréales d'Europe, ne peut pas permettre que l'un des principaux secteurs de l'économie polonaise soit détruit par la négligence des bureaucrates bruxellois».
Pour Bruxelles, les intérêts ukrainiens priment sur le reste. Au cours des six derniers mois, le gouvernement polonais n'a pas réussi à faire progresser les négociations avec les agriculteurs. À ce problème s'ajoute le retrait de la Russie de l'accord sur les céréales. En conséquence, selon le ministère ukrainien de la politique de l'agriculture, les livraisons de céréales ukrainiennes par voie terrestre représentent désormais plus de 60% de toutes les exportations ukrainiennes de céréales. Considérant que l'approvisionnement en produits agricoles est désormais presque la seule source de revenus du trésor ukrainien, il est clair pourquoi Kiev et les dirigeants de l'UE ont adopté une position ferme: cet automne, pendant la période des récoltes, l'embargo doit être levé.
Il est à remarquer que le sujet touche, également, les agriculteurs français. Même en France, les agriculteurs français dénoncent les passe-droits à l'Ukraine. «Les professionnels français de la volaille pressent le ministre français de l'Agriculture et de l'Alimentation, Marc Fesneau, d'intervenir contre le déferlement de poulets ukrainiens sur le marché français, rapporte Web-agri.
Pierre Duval
La source originale de cet article est Observateur continental
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