par Élise Pacot
Les relations diplomatiques de la France et du Maroc ne sont pas au beau fixe en raison d'un contentieux sur l'appartenance de l'ex Sahara espagnol au royaume chérifien.
Après le terrible tremblement qui a fait 2500 victimes au Maroc, Rabat a accepté l'aide de plusieurs pays étrangers tout en rejetant l'aide de la France.
Les seuls pays autorisés à intervenir sont la Jordanie, le Qatar, la Tunisie et l'Espagne.
Après les «coup d'état» du Niger et du Congo, le France voit un autre pays africain s'éloigner de sa sphère d'influence en raison de la nouvelle politique diplomatique de Macron.
Contrairement au président français, les États Unis et Israël ont reconnu la souveraineté du Maroc sur le territoire du Sahara occidental.
Macron persiste à s'aligner sur l'ONU qui considère le Sahara occidental comme un «territoire non autonome».
En décembre 2020, Donald Trump avait reconnu que le Sahara occidental était un territoire marocain.
Macron entretient des relations difficiles avec l'Algérie, qui opère dans le Sahara occidental avec le Front Polisario. Reconnaître la souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental, reviendrait à perdre l'Algérie comme partenaire économique. Le Front Polisario réclame un référendum d'autodétermination sous l'égide de l'ONU tandis que Rabat promeut une autonomie sous sa souveraineté.
Devant le suivisme onusien, Macron va encore perdre un partenaire économique, et laisser la place à ce nouvel acteur qu'est la Russie de Poutine.
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La Russie inclut le Maroc dans un projet de zone de libre-échange nord-africaine
Au cours d'une réunion avec son Cabinet des Ministres, le président russe Vladimir Poutine a annoncé vouloir sceller des accords de libre-échange avec plusieurs pays d'Afrique du Nord, à savoir l'Algérie, le Maroc, la Tunisie et l'Égypte. Selon l'agence de presse TASS, le président de la Fédération de Russie se serait fixé comme objectif de transformer la confiance politique existante entre Moscou et les pays nord-africain en coopération économique.
«Nous préparons des accords sur une zone de libre-échange avec l'Égypte, le Maroc, la Tunisie, l'Algérie. C'est toute l'Afrique du Nord. Il y a beaucoup plus de points de développement sur le continent et il y a des pays très intéressants», a indiqué le chef d'État russe lors de cette rencontre.
Selon Vladimir Poutine, la zone de libre-échange nord-africaine sera intégrée à l'Union économique eurasiatique (UEE), qui offre déjà un espace économique commun sur le modèle de l'Union européenne avec la Biélorussie, l'Arménie, le Kazakhstan et le Kirghizistan.
Cette initiative s'inscrit dans la continuité des discussions qui se sont tenues lors du deuxième Sommet Russie-Afrique les 27 et 28 juillet dernier, dont les résultats ont été rapportés par le ministre du Développement économique, Maxim Reshetnikov. Au cours de la réunion du 2 août, ce dernier a affirmé que les pays africains considèrent Moscou comme un partenaire fiable dans la lutte pour l'indépendance économique.
«Les pays d'Afrique passent de la lutte pour la souveraineté politique, l'indépendance à la lutte pour la souveraineté économique. Et dans ces processus, ils nous voient comme un partenaire fiable, ils sont prêts à donner aux entreprises russes la possibilité de se développer et de gagner. Et nous sont prêts à partager leur expérience et leurs technologies», a-t-il déclaré.
Dès lors, l'intégration du Maroc dans ce projet confirme les bonnes relations entre Rabat et Moscou. Lors du Sommet Russie-Afrique, le Royaume, à travers son chef de gouvernement Aziz Akhannouch, a réitéré sa détermination à renforcer les relations bilatérales et le commerce avec l'État russe, a rapporté Morocco World News.
«Aujourd'hui, nous constatons que dans son intervention, le président russe Vladimir Poutine a salué tous les efforts consentis par sa Majesté le Roi et a exprimé sa fierté des relations solides avec le Maroc et mis en avant leurs perspectives d'avenir», a relevé M. Akhannouch.
Le Maroc, troisième partenaire commercial de la Russie dans la région
En marge du sommet des 27 et 28 juillet, la porte-parole de la Fédération de Russie Maria Zakharova a déclaré à l'agence marocaine de presse (MAP) que les deux pays entretiennent de «très bonnes» relations de coopération dans plusieurs domaines comme l'économie, la finance, le tourisme et les affaires. Elle a également ajouté que Moscou et Rabat disposent «d'une base juridique solide pour cette coopération».
En effet, en 2002, le Maroc et la Russie avait signé un accord pour le développement d'un partenariat stratégique, lequel a été renforcé par la signature en 2016 de la Déclaration pour l'approfondissement du partenariat stratégique. Ces accords ont permis de renforcer la coopération dans les domaines de l'agriculture, l'énergie, la pêche, la science et la technologie, la culture et l'enseignement supérieur.
Aujourd'hui, le Royaume constitue le troisième partenaire économique de la Russie de la région, bien que le volume des échanges fluctue d'une année à l'autre. En 2021, les échanges ont connu une hausse de 42% par rapport à l'année 2020, pour atteindre les 1,6 milliards de dollars.
Selon un article du média marocain 360, Moscou exporte principalement de la chimie, la pétrochimie, des métaux, des produits de haute technologie, des produits alimentaires, des hydrocarbures et dérivés (ammoniac) ; tandis que Rabat exporte quasi essentiellement des produits agroalimentaires (agrumes, tomates...) ou des produits frais (poissons). De plus, depuis la guerre en Ukraine, le diesel importé de Russie est passé de 66 000 tonnes en 2021 à 735 000 tonnes en 2022.
Selon la porte-parole du ministère des Affaires étrangères, les échanges commerciaux ont augmenté de 25% depuis 2021, dynamique qui continue d'être observée dans les premiers mois de l'année 2023.
Les relations commerciales Russie-Afrique continuent d'augmenter
L'augmentation du volume des échanges commerciaux avec la Russie n'est pas un phénomène spécifique au Royaume du Maroc. Selon l'agence TASS, Maxim Reshetnikov a noté que la coopération économique avec les pays africain a pris de l'ampleur depuis 2019. «L'année dernière, il s'élevait à 18 milliards de dollars. Au premier semestre, il a augmenté de 35%. D'une part, la croissance au cours des 20 dernières années est multipliée par dix. D'autre part, par exemple, avec le pays de l'UEE, où la population vit sept fois moins, qu'en Afrique, le chiffre d'affaires commercial est 4,6 fois plus élevé», a-t-il déclaré.
Une analyse du média 360 rapporte que les échanges russo-africains sont fortement concentrés sur quatre pays : l'Égypte, l'Algérie, le Maroc et l'Afrique du Sud, d'où l'intérêt pour la Russie de créer une zone de libre-échange dans le nord de l'Afrique. Pourtant, les échanges commerciaux entre Moscou et l'Afrique demeurent globalement faibles. En 2021, ils s'établissaient à 18 milliards de dollars dont 4,7 milliards de dollars en denrées alimentaires. En comparaison avec les 282 milliards de dollars enregistrés en 2022 entre la Chine et les pays africains, les échanges russo-africains sont négligeables.
Néanmoins, parmi les quatre pays du projet, trois font parties du top trois des échanges commerciaux russo-africains. Le principal partenaire commercial de la Russie en Afrique est l'Égypte, dont le volume des échanges entre les deux pays a atteint 4,7 milliards de dollars en 2021. L'Algérie est le second, avec un échange commercial s'établissant à 3 milliards de dollars pour l'année 2021.
Vers un meilleur équilibre des relations économiques ?
À travers ces nouveaux accords, la Russie cherche à accroître et équilibrer la coopération commerciale, puisque 80 % des exportations dans la structure des échanges sont russes. «Il est également nécessaire d'augmenter les importations. Il existe également un déséquilibre régional : plus de 65% du chiffre d'affaires commercial l'an dernier sont tombés sur six pays d'Afrique du Nord. Il est important d'intensifier les contacts avec d'autres pays», a déclaré Reshetnikov. Dès lors, des accords de partenariats économiques seront établis avec d'autres pays africains, en dehors de ceux concernés par la zone de libre-échange.
Au Maroc, le solde de la balance commerciale entre les deux pays a été de 778,4 millions de dollars au profit de la Russie en 2021. Selon le média 360, ce déséquilibre s'explique par la faiblesse des offres des pays de la région à destination de la Russie, la concentration du commerce de la région vers le marché européen ou encore la faiblesse globale de la valeur des produits exportés (produits agricoles notamment) par les pays de la région par rapport à ceux importés. En réalité, le départ des opérateurs occidentaux de Russie pourrait constituer une opportunité à saisir pour le Maroc afin de promouvoir l'exportation de marchandises provenant de secteurs comme l'automobile, le textile ou encore l'agroalimentaire.
Pour résoudre ce problème, le chef du ministère du Développement économique a prévu d'augmenter le soutien à l'assurance pour les livraisons via EXIAR (Agence russe d'assurance des crédits à l'exportation et des investissements), ainsi que de traiter les problèmes de connexion des banques africaines au Système de messagerie financière russe, le passage aux règlements en roubles, ainsi que développement du mécanisme des accords de libre-échange. Des négociations seraient actuellement en cours avec l'Égypte, tandis que la question avec l'Algérie, le Maroc et la Tunisie est en cours d'élaboration.
source : Geopolintel