15/09/2023 infomigrants.net  5 min #233858

La solidarité européenne à l'épreuve de l'afflux migratoire à Lampedusa

Des migrants assis devant le centre d'accueil de Lampedusa, en Sicile, le 14 septembre 2023. Crédit : AP

La petite île italienne de  Lampedusa tente de faire face, vendredi 15 septembre, à l'afflux de migrants en provenance d'Afrique du Nord, après avoir  accueilli plus de 7 000 personnes, soit l'équivalent de la population locale.

Le centre d'accueil, construit pour héberger moins de 400 personnes, est débordé avec des hommes, des femmes et des enfants contraints de dormir dehors sur des lits de fortune en plastique, beaucoup enveloppés dans des couvertures de survie.

Les bonnes conditions météo ont poussé en mer les candidats à l'exil ces derniers jours : plus de 5 000 personnes ont débarqué, mardi, sur les côtes italiennes, presque exclusivement à Lampedusa, et près de 3 000 mercredi, selon le ministère de l'Intérieur.

Selon Matteo Villa, du centre de réflexion ISPI, le nombre d'arrivées en 48 heures est un "record absolu".

Le règlement de Dublin en question

Face à cette nouvelle crise migratoire, l'Europe peine à afficher un front commun. Mercredi,  l'Allemagne a annoncé suspendre l'accueil volontaire de demandeurs d'asile en provenance d' Italie, prévu par les accords européens, en raison d'une "forte pression migratoire" et du refus de Rome d'appliquer ces mêmes accords.

Cette suspension "jusqu'à nouvel ordre" concerne le "mécanisme volontaire de solidarité européen" qui organise une relocalisation des demandeurs d'asile à partir du pays d'arrivée dans l'Union européenne (UE) vers d'autres États membres volontaires, afin de soulager des États comme l'Italie et la Grèce, qui sont des portes d'entrée vers l'Europe.

Des migrants attendent d'être transférés de Lampedusa vers d'autres villes italiennes, le 14 septembre 2023. Crédit : Reuters

Berlin explique cette décision par "la forte pression migratoire actuelle vers l'Allemagne" ainsi que par "la suspension persistante des transferts de Dublin par certains États membres", dont l'Italie, qui "renforce les défis majeurs pour l'Allemagne en termes de capacités d'accueil et d'hébergement".

Le règlement de Dublin, très controversé parmi les Vingt-Sept, prévoit que le pays d'arrivée d'un migrant dans l'UE traite sa demande d'asile.

"Devoir de solidarité européenne"

La décision allemande a été vivement critiquée, vendredi, par le député européen  Raphaël Glucksmann (Place publique) qui y voit un précédent "dangereux et risqué" et "l'antithèse" de l'ouverture des frontières allemandes aux réfugiés syriens en 2015 par  Angela Merkel, qui avait alors "sauvé l'Europe".

L'eurodéputé a insisté sur l'urgence d'"une réforme de la politique migratoire". "La Commission européenne est d'accord mais qui bloque ? Ce sont les États, c'est le Conseil européen, y compris la France d'ailleurs", a-t-il rappelé, craignant que "cette gestion nationale de la question migratoire" aboutisse "à une catastrophe à l'échelle du continent".

Interrogé sur la situation à Lampedusa, le président français Emmanuel Macron a souligné "le devoir de solidarité européenne" et assuré que "des décisions seront prises avec l'Italie".

"Une pression migratoire accrue", selon Frontex

En France, une réunion convoquée par le ministre de l'Intérieur sur la situation de Lampedusa doit se tenir, vendredi, avec les services de la police, de la gendarmerie et de l'immigration.

"Tout le monde a vu les images extrêmement impressionnantes de cette submersion migratoire, dont ce n'est malheureusement que le début", avait déclaré, jeudi, à l'AFP Marion Maréchal, la numéro deux du parti d'extrême droite Reconquête, en annonçant son départ pour Lampedusa.

Lors d'un déplacement à Menton (Alpes-Maritimes) mardi,  Gérald Darmanin avait pour sa part annoncé des renforts dans la lutte contre l'immigration irrégulière à la frontière italienne, où la France constate "une augmentation de 100 % des flux", avait-il dit.

L'île italienne de Lampedusa est situé à une centaine de kilomètres des côtes tunisiennes. Crédit : Reuters

Les arrivées irrégulières de migrants en Italie par la Méditerranée en provenance d'Afrique du Nord se sont élevées à près de 114 300 entre janvier et août, presque deux fois plus qu'à la même période en 2022, selon les chiffres annoncés jeudi par Frontex.

"La pression migratoire accrue sur cette route pourrait persister dans les mois à venir, les passeurs baissant les prix pour les migrants partant de Libye et de Tunisie, dans un contexte de concurrence féroce entre les groupes criminels", indique Frontex dans un communiqué.

L'UE a signé en juillet, en présence notamment de la Première ministre italienne  Giorgia Meloni, un partenariat avec la  Tunisie afin de faire baisser le nombre d'arrivées de migrants en provenance de ce pays, prévoyant une aide de plusieurs centaines de millions d'euros.

Cet accord suscite la controverse, en raison de la dérive autoritaire du pouvoir tunisien et des abus perpétrés contre les migrants subsahariens dans ce pays. Les critiques ont redoublé, jeudi, après le refus des autorités tunisiennes de laisser entrer dans le pays une délégation de députés européens.

Avec AFP

 infomigrants.net

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