Source: AFP
Manifestation le 10 septembre devant la base aérienne française à Niamey (image d'illustration).
Le 15 septembre, le président français Emmanuel Macron a déclaré que l'ambassadeur de France à Niamey était pris en « otage » par la junte au pouvoir et qu'il ne s'alimentait plus que de « rations militaires ».
Paris ne reconnaît pas les nouvelles autorités nigériennes et refuse à ce titre le départ de l'ambassadeur Sylvain Itté exigé par les putschistes qui ont défait le président Mohamed Bazoum, aujourd'hui en détention dans son palais.
Interrogé sur un rapatriement de l'ambassadeur, Emmanuel Macron a réitéré qu'il « ferai(t) ce que nous conviendrons avec le président Bazoum parce que c'est lui l'autorité légitime ». Il a expliqué parler « chaque jour » au chef de l'Etat nigérien élu démocratiquement en 2021, avec lequel il entretient une relation personnelle très forte, selon plusieurs sources proches de l'exécutif.
L'ambassadeur a pour sa part écrit le 16 septembre à la chaîne de télévision LCI qu'il « reste » en poste avec son équipe « à la demande du président ». « Malgré une situation compliquée, qui se dégrade depuis le 28 août, nous sommes toutefois en sécurité à l'intérieur de l'ambassade », a-t-il assuré, sans apparaître à l'écran.
« L'entêtement irréaliste de Macron avec un discours aggravant l'impression d'un paternalisme a perdu la diplomatie française dans ce dossier », juge Bakary Sambe, directeur du Timbuktu Institute de Dakar. Selon lui, « la hantise de voir le départ du Niger marquer un déclic dans toute la région a dû peser sur l'entêtement français. Hélas, la France se trouve désormais dans un cercle vicieux ».
Après dix ans d'opérations antijihadistes, militaires et diplomates français ont déjà été poussés hors du Mali puis du Burkina Faso l'an dernier. Niamey restait jusqu'alors l'ultime allié de Paris dans la région.
Pour Antoine Glaser, co-auteur du livre « Le piège africain de Macron », « la façon de s'exprimer, de moins en moins diplomatique, d'Emmanuel Macron révèle un profond agacement, on voit bien qu'il est un peu coincé, la France est piégée maintenant au Sahel ».
«Course contre la montre»
Alors que la Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest avait menacé un temps d'intervenir militairement au Niger pour rétablir l'ordre institutionnel, « chaque jour qui passe, l'intervention de la Cédéao paraît de moins en moins probable, même si cela ne veut pas dire qu'elle ne se fera pas », analyse Glaser.
Selon lui, les déclarations d'Emmanuel Macron visent « probablement » à réactiver le soutien de la Cédéao. Mais aussi de l'UE et des Etats-Unis. Or les alliés occidentaux de la France ont adopté une posture beaucoup moins ferme envers Niamey, en se contentant d'appeler à une résolution diplomatique de la crise. Et Washington a repris ses vols de surveillance au-dessus du Niger. Côté français, au contraire, « aucun vol français n'a eu lieu » depuis le coup d'Etat du 26 juillet, selon le porte-parole de l'état-major français.
Quant aux 1.500 militaires français, déployés au Niger pour y appuyer la lutte antijihadiste aux côtés des Nigériens, leurs drones, hélicoptères et avions de chasse sont cloués au sol. Selon l'état-major français, le ravitaillement des bases françaises se fait dans « des conditions plus ou moins compliquées », mais « nos militaires sont prêts à tenir en autonomie sur ces camps ».
« Les troupes françaises ne peuvent pas tenir indéfiniment » notamment en termes d'entretien du matériel, assure toutefois Michael Shurkin, directeur de programmes chez 14 North Strategies, entreprise américaine de conseils spécialisée sur l'Afrique. Pour lui, « la France est dans une course contre la montre ».
Signe de tensions croissantes, le Burkina Faso voisin, ancien partenaire de Paris aujourd'hui gouverné par des militaires après un putsch, a exigé le 15 septembre le départ de l'attaché militaire français encore présent à Ouagadougou, accusé d'activités « subversives ». Une expulsion « destinée à montrer le soutien du Burkina à la junte nigérienne », estime Michael Shurkin.
En fin de semaine, Paris a également dû désamorcer une polémique née d'une directive administrative demandant à cesser toute collaboration culturelle et scientifique avec le Niger, le Burkina Faso et le Mali, où ses services consulaires sont fermés. Soucieux d'apaiser la vindicte déclenchée sur les réseaux sociaux, le gouvernement français a assuré que le pays allait continuer à accueillir des artistes sahéliens.
Ce bras de fer se déroule sur fond de dégradation de la situation sécuritaire dans la région. Au Niger, une dizaine d'attaques jihadistes ont fait plus d'une centaine de morts dont une moitié de civils depuis le 26 juillet.