L'idée fait sourire franchement comme à une bonne blague ou rire jaune comme à une mauvaise blague c'est selon, ou bien se gratter la tête d'un mouvement qui dit "et pourquoi pas ?". Les plumes qui écrivent là-dessus sont hésitantes, curieuses, sceptiques et grinçantes, ou soudain enthousiastes, liées ou déliées c'est selon (toujours). Il est dans tous les cas probable que Trump assistera aux délibérations la semaine prochaine du groupe républicain de la Chambre qui va voter entre amis sur les candidats à la succession de McCarthy. De deux choses l'une, Trump serait là pour annoncer sa candidature ou il serait là pour donner son avis sur les candidats... Ainsi, d'une façon plus classique, il a fait savoir qu'en tout état de cause et selon des circonstances normales où l'on parviendrait à désigner un candidat, il soutiendrait http://youtube.com/watch?v=9RVMlKSMJ5E , candidat-‘Speaker' et membre fondateur du ‘Caucus of Freedom'.
On prend quelques nouvelles fraîches de la chose chez RT.com, dont on sait qu'il est l'organe favori à tous égards d'Hillary (sinon directement inspiré par cette finaude), donc qu'on peut lui faire confiance. RT.com marche sur des œufs pour ne gêner personne et se contente de rester très-très factuel, – pour éviter qu'Hillary soit accusée d'ingérences dans les affaires intérieures du parti républicain.
« L'ancien président américain Donald Trump a confirmé qu'il était prêt à prendre le marteau de président de la Chambre des représentants à titre intérimaire, en attendant que les législateurs républicains se mettent d'accord sur le chef de file législatif du parti à long terme.» Trump a déclaré jeudi à Fox News Digital qu'il occuperait temporairement le poste de président de la Chambre des représentants en cas de besoin. "On m'a demandé de parler en tant qu'unificateur parce que j'ai beaucoup d'amis au Congrès", a-t-il déclaré. "S'ils [les élus républicains] n'arrivent pas à désigner un candidat, ils m'ont demandé si j'envisagerais de prendre la présidence jusqu'à ce qu'ils trouvent quelqu'un à plus long terme, parce que je suis candidat à la présidence. [...]
» S'adressant aux journalistes mercredi dans un tribunal de New York, Trump a été interrogé sur l'éventualité de remplacer McCarthy. "Beaucoup de gens m'ont appelé au sujet du Speaker", a-t-il déclaré. "Tout ce que je peux dire, c'est que nous ferons ce qui est le mieux pour le pays et pour le parti républicain". Il a ajouté qu'il se concentrait sur sa candidature à l'élection présidentielle. »
Est-ce bien une étrange situation ? L'immense tragédie-bouffe qu'est la situation de Washington D.C. et du pouvoir qui y réside malgré ses $trillions de loyers non payés, tient manifestement en Trump son meilleur et fantastique performeur, tant pour le suspens que l'incroyable slalom spécial qu'il effectue sans chute éliminatrice depuis 2016. Il est vrai que la Chambre peut appeler à sa tête, à la très importante fonction de ‘Speaker', un citoyen américain non-élu, ni dans cette Chambre, ni ailleurs dans le système politique ; il est vrai que, Here's what House rules say about Trump serving as speaker of the House â and why they might not mat , aucune loi formelle sinon un vote de la Chambre à une super-majorité contre sa désignation (ce qui n'aurait aucun sens puisque les républicains majoritaires auraient voté pour qu'il soit leur candidat, – drôle de recette des Pères Fondateurs !) ne s'oppose à son élection... Mais tout de même !
Il est à espérer que l'on hume sans nécessité de notice explicative le parfum d'énorme farce et pourtant sérieuse possibilité politique que dégage cette affaire. Il faut humer compte tenu du personnage, de la haine dont il est l'objet, des accusations et des inculpations rocambolesques et abracadabrantesques dont il est le réceptacle furieux et tonitruant. Qu'importe, rien de tout cela ne semble faire obstacle, surtout avec la position de force qu'occupent ses jeunes amis et alliés du ‘Freedom Caucus' depuis que Gaetz s'est payé la tête de McCarthy.
Une idée déjà explorée
Après s'être exclamé devant l'étrange situation, il faut se rappeler que l'idée d'un Trump ‘Speaker' a déjà été émise et proche d'être élaborée. Encore une fois, il s'agit d'une perspective étrange et inédite, mais elle répond à un événement qui ne l'est pas moins. Il faut avoir dans l'esprit, fermement ancré, ce constat que le vote de défiance qui a chassé McCarthy est véritablement une première historique.
La procédure, qui vient d'un amendement de Thomas Jefferson en 1803 et depuis rangé dans les armoires poussiéreuses de l'oubli, n'avait été ressortie qu'une fois, en 1906, pour aboutir au non-lieu d'un vote d'une confiance renouvelée. L'action des "jeunes gens en colère" du ‘Freedom Caucus', de ressortir de l'oubli comme condition de l'élection de McCarthy l'amendement de Jefferson pour en faire un missile hypersonique législatif, cela aussi est historique. Le vague extraordinaire du règlement de la Chambre pour un tel cas témoigne que les Pères Fondateurs n'avaient pas prévu un Matt Gaetz et encore moins un Donald Trump, – et encore-encore moins la nécessité d'un Donald Trump pour tenter de faire le ménage.
C'est donc en décembre 2022, après les élections de mi-mandat, qu'il avait été envisagé, mais de façon beaucoup moins appuyée, et dans une situation qui fit aussitôt écarter cette option, que Trump soit désigné comme ‘Speaker'... Là aussi, pour un temps limité d'intérim. Ainsi écrivions-nous le 21 décembre 2022, après une interview (par Mercouris-Christoforou) d'un des avocats de Trump, tout cela qui vaut à peu près pour aujourd'hui :
« Barbes rapporte qu'une majorité se dessine dans le camp Trump pour proposer un compromis : proposer Trump comme candidat pour la fonction de ‘Speaker' pour cent jours, pour laisser le temps aux républicains de régler leur problème de direction et s'entendre sur un candidat précis, tout en assurant la présidence de la Chambre dans l'intérim. Trump, qui avait écarté l'idée de se présenter à la Chambre il y a deux ans, et aussi l'idée de devenir ‘Speaker', est dans ce cas en train de se faire partisan d'une telle proposition qui, lui a-t-on fait comprendre, présente le double avantage :» 1). de prendre des décisions importantes, de faire des nominations stratégiques, d'interférer dans les démarches de la fin de l'enquête contre lui (pour les événements du 6 janvier 2021), voire de son inculpation, etc., pendant ses "Cent-Jours", en plus de retrouver une exposition médiatique extraordinaire face à son adversaire Biden, qu'il pourrait se payer le luxe de rencontrer le plus constitutionnellement du monde ;
» 2). d'être très vite libéré pour retrouver une liberté d'action dans la perspective des présidentielles de 2024.
» "Il pourrait même décider d'aller en Ukraine pour négocier un accord de paix en tant que ‘Speaker' !... Les Ukrainiens ont déjà dit il y a quelques mois qu'ils ne voulaient pas de Trump, qu'ils le mettaient presque sur leur Liste Noire parce que prorusse, mais que pourraient-ils faire dans ce cas, alors que c'est lui qui détiendrait le pouvoir pour autoriser ou non des transferts d'argent vers l'Ukraine ?!" (Barbes) »
Installer le chaos
Commentant l'affaire du licenciement de McCarthy, Jonathan Turley, en bon constitutionnaliste attentif à la logique et à la raison d'un système en place dont il semble penser qu'il n'y faut rien changer sinon par des moyens ultra-légaux que plus personne ne respecte, remarque :
« C'est la première fois dans l'histoire qu'un ‘Speaker' est évincé malgré le fait que tous les républicains, sauf huit, soutenaient le maintien de McCarthy. Il est révélateur que nous ayons traversé des guerres, des crises économiques et des bouleversements sociaux sans recourir à ce type d'option nucléaire.» Ces députés ont des objections valables à l'utilisation de résolutions permanentes et au processus malhonnête utilisé depuis des années pour augmenter régulièrement notre dette. Je comprends cela. Ce que je ne comprends pas, c'est en quoi le fait de libérer le fauteuil de Speaker changera quoi que ce soit. »
Turley, ce brillant esprit, a tout à fait raison en théorie sauf qu'il a tort dans ces circonstances ; il développe implicitement une logique d'emprisonnement. Il comprends pourquoi les députés ont agi ainsi puisqu'il comprend leur jugement ; mais il ne comprend pas à quoi cela sert d'agir ainsi puisque le départ de McCarthy, en principe, ne changera rien. Il ne comprend pas que, pour briser un cercle vicieux, il faut brutalement le trancher sans se préoccuper des effets, – qu'on ne peut d'ailleurs prévoir puisque la brutalité du geste installe une situation nouvelle.
Cette situation nouvelle, pour l'instant c'est l'appel à Trump. Est-ce bien sérieux ? Est-il nécessaire que ce soit sérieux ? Lorsqu'on a un épouvantail comme Trump, on s'en sert, et si jamais il devenait ‘Speaker', – ce qui est hautement improbable, surtout parce que cela ne l'arrange pas, – on verrait bien si les juges totalement pourris par l'idéologie wokeniste et le reste continueront à psalmodier des insultes de sarcasmes aux dépens du troisième personnage de l'État. Il se pourrait bien qu'au fameux "outrage à la cour", ce ‘Speaker' improbable lance une urgence nationale d'"outrage au Congrès" et à la Constitution.
Quoi qu'il en soit, nous percevrions bien l'irruption de Trump en second rideau, sans trop d'intention de s'imposer, comme une manœuvre visant à faire pression sur les "tièdes" des républicains (les RINO, ou ‘Republican In Name Only') pour imposer un autre candidat statutairement plus conforme, mais porteur des idées de Trump et de Geitz. C'est le cas de Jim Jordan, le fondateur du caucus rebelle, effectivement candidat soutenu par Trump et dont des sondages assez dirigistes vers des militants républicains ont affirmé la popularité.
Alors, la présence de Trump avec cette possibilité, – ô ironie suprême, ô foutage de gueule, – de se présenter comme rassembleur et apaiseur de tous les républicains se comprend. Normalement, les RINO devraient avoir assez peur de la révolution que provoquerait un Trump-‘Speaker' au Congrès, dans les rues, à l'OTAN et dans les barboteuses de Biden. Turley pourrait dire "Je ne comprends pas en quoi le fait de risquer une révolution avec un Trump-‘Speaker' changera quoi que ce soit". Nous, nous comprenons en quoi le désordre d'une révolution serait une circonstance insupportable pour Washington, le Congrès, les RINO et les démocrates, et cela nous suffirait comme perspective à la veille d'une année électorale aussi importante que 2024..
Mais bon, cette issue (Trump-‘Speaker') reste bien improbable et aléatoire et notre interprétation est complètement hypothétique. Par contre un élu proche du ‘Freedom Caucus' et exprimant le besoin de changement, et donc de désordre, du ‘Freedom Caucus' serait un facteur remarquable de nouveauté. Il est alors possible que Jonathan Turley comprenne le sens d'une manœuvre que même ses auteurs n'ont pas conçue dans ce sens, – mais eux, simplement pour lancer un désordre qui punirait l'infamie du traître McCarthy.
La campagne, – c'est-à-dire la crise des présidentielles a commencé.
Mis en ligne le 6 octobre 2023 à 17H10