France-Soir
Xi Jinping et Joe Biden n'avaient plus échangé depuis le sommet du G20 à Bali (Indonésie) de la mi-novembre 2022.
Brendan Smialowski / AFP
MONDE - La rencontre prévue pour rétablir officiellement le dialogue entre les États-Unis et la Chine pourrait-elle initier, à l'opposé, une crise diplomatique ? Joe Biden a reçu mercredi 15 novembre 2023 son homologue chinois Xi Jinping à San Francisco. A l'issue d'un sommet de quatre heures, le président américain a qualifié les discussions entre les dirigeants des deux premières puissances mondiales de "constructives et productives". Il a annoncé la reprise des communications militaires de haut niveau entre les deux pays et s'est félicité de discuter avec Xi Jinping à l'avenir "directement et immédiatement" en cas de crise. Mais, malgré des mois d'efforts diplomatiques pour raviver un dialogue au point mort, Joe Biden a de nouveau qualifié son homologue de "dictateur". La colère de Pékin est ravivée.
Les deux dirigeants ne s'étaient plus parlé depuis le sommet du G20 à Bali (Indonésie) de la mi-novembre 2022. A cette occasion, Joe Biden et Xi Jinping avaient amorcé un apaisement des relations entre Pékin et Washington. Celles-ci, très tendues depuis la présidence de Donald Trump, s'étaient encore crispées à l'arrivée de Biden. Et les maigres avancées de la fin 2022 ont vite été éclipsées par une crise diplomatique en février 2023, après le survol du territoire américain par un ballon chinois.
Après cet épisode, le secrétaire d'État américain aux Affaires étrangères, Antony Blinken, avait alors reporté sa visite en Chine et ne s'y était rendu qu'en juin, pour "stabiliser" les relations bilatérales. En octobre, c'est une délégation de sénateurs américains qui s'est déplacée en Chine, appelant à "gérer les relations de façon responsable". Les efforts pour maintenir le dialogue se sont poursuivis avec la visite, fin octobre, du chef de la diplomatie chinoise, Wang Yi, à Washington, visant à préparer celle de son président à San Francisco.
Reprendre le dialogue... c'est déjà ça !
Sur la forme, l'entente a semblé totale entre le chef de l'Etat américain et son homologue chinois. Après une première réunion en compagnie de leurs délégations respectives, un déjeuner en petit comité puis une promenade en tête-à-tête, les deux présidents se sont longuement entretenus. Parmi les décisions annoncées figure la reprise des communications militaires de haut niveau, à l'arrêt depuis plus d'un an.
A la fin des discussions, jugées "constructives et productives", Joe Biden a expliqué à la presse que Xi Jinping et lui parleront désormais "directement et immédiatement" en cas de crise. "Lui et moi avons convenu que chacun d'entre nous pouvait décrocher son téléphone, appeler directement et qu'il serait entendu immédiatement", a-t-il expliqué.
Sur le fond, les désaccords persistent. Sans surprise, la situation en Ukraine et au Moyen-Orient, le rapprochement sino-russe, Taïwan et la rivalité entre les deux puissances, ont été les principaux sujets abordés, outre une question pharmaceutique, liée au fentanyl. Selon l'administration Biden, Xi Jinping a accepté de prendre "un certain nombre de mesures conséquentes pour réduire considérablement les approvisionnements" en composants de ce puissant opiacé de synthèse, produit avec des composés chimiques fabriqués en Chine. Le fentanyl a causé en 2021 plus de 106 000 décès par overdose aux États-Unis.
A propos de Taïwan, territoire revendiqué par Pékin, le président américain a exhorté son homologue à "respecter le prochain processus électoral". Il a réitéré la position de Washington, à savoir un refus de soutenir l'indépendance comme une prise de contrôle par la force. En réponse, Xi Jinping a demandé à Joe Biden de " cesser d'armer Taïwan", lui rappelant que la réunification serait "inévitable".
Une stratégie américaine qualifiée d'"encerclement" par la Chine
De son côté, le président chinois dénonce la stratégie américaine, qualifiée "d'encerclement" : sanctions économiques imposées à la Chine et alliances de Washington en Asie-Pacifique. D'ailleurs, sa visite en Californie s'inscrit en marge du sommet de l'APEC (Coopération économique pour l'Asie-Pacifique), devant permettre à l'Oncle Sam de créer de nouveaux contacts et lancer de nouveaux partenariats. Un encerclement que Pékin tente de contrer en normalisant ses relations avec les puissances de la région, comme l'Australie.
A propos de la guerre en Ukraine et de la situation au Moyen-Orient, les États-Unis espèrent que la Chine "n'aggrave pas les grandes crises internationales" en raison de ses étroites relations avec la Russie et l'Iran. Moscou et Pékin sont pleinement engagés contre l'hégémonie occidentale, particulièrement américaine, partageant une vision multipolaire du monde. Début de la guerre en Ukraine, les deux pays ont resserré leurs liens, notamment commerciaux, cruciaux pour la Russie qui atténue grâce à eux l'impact des sanctions économiques occidentales.
"La Chine ne recherche pas de sphères d'influence, et ne livrera ni guerre chaude ni guerre froide à quelque pays que ce soit", a déclaré Xi Jinping, en réponse à l'appel de son homologue à "gérer la rivalité de manière responsable", de manière à "s'assurer qu'elle ne dégénère pas en conflit". Malgré cette rivalité commerciale, économique, militaire et technologique, "la planète est assez grande pour que nos deux pays prospèrent", a insisté le président chinois.
Biden accusé par les Chinois de manipulation politique
Mais les soupçons d'apaisement ont vite cédé la place à la colère. A l'issue de sa rencontre avec Xi Jinping, Joe Biden l'a de nouveau qualifié de "dictateur". "C'est un dictateur dans le sens où, voilà un homme qui dirige un pays communiste, qui repose sur une forme de gouvernement totalement différente de la nôtre", a-t-il tenté de s'expliquer.
La réaction chinoise n'a pas tardé. Dans la matinée du jeudi 16 novembre, Mao Ning, la porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères a déclaré : "Ce type de discours est extrêmement erroné et constitue une manipulation politique irresponsable. La Chine s'y oppose fermement."
Joe Biden a-t-il sapé des mois d'efforts diplomatiques ? "Nous n'avons pas toujours été d'accord, ce qui n'est pas une surprise, mais nos rencontres ont toujours été franches, directes et utiles", a estimé le président américain.