23/11/2023 infomigrants.net  5min #237877

 La Finlande envisage de fermer sa frontière avec la Russie : Moscou «regrette» cette «distanciation délibérée»

La Finlande ferme la quasi-totalité de ses postes-frontières avec la Russie

Des garde-frontières durant une présentation à la presse à la frontière entre la Finlande et la Russie, Imatra, Finlande, 26 octobre 2023. Crédit : Reuters

Helsinki a décidé, mercredi 22 novembre, de ne garder plus qu'un seul poste-frontière ouvert avec la Russie. Le gouvernement finlandais accuse son voisin d'instrumentaliser les passages de migrants à sa frontière. "Le gouvernement a décidé aujourd'hui de fermer de nouveaux postes-frontières. Seul le poste de Raja-Jooseppi va rester ouvert", a déclaré le Premier ministre finlandais Petteri Orpo.

La fermeture des trois nouveaux postes-frontières interviendra à minuit dans la nuit de ce jeudi à vendredi, et est actée jusqu'au 23 décembre, a précisé le ministère de l'Intérieur.

Déjà, vendredi 17 novembre,  le gouvernement finlandais avait annoncé la fermeture de quatre de ses postes-frontières, soit la moitié, et ce jusqu'à la mi-février 2024. Une soixantaine de migrants s'étaient présentés aux postes-frontières de Nuijamaa et Vaalimaa, deux des quatre points de passage restants, au sud-est du pays, juste avant leur fermeture.

"Ces mesures n'ont malheureusement pas permis d'enrayer le phénomène", fait savoir aujourd'hui le Premier ministre. La nouvelle annonce marque donc un cap supplémentaire dans la crispation entre Helsinki et Moscou.

Un nombre de traversées "relativement bas" mais qui "a augmenté" dernièrement

Cette frontière longue de 1 340 kilomètres voit de plus en plus d'exilés affluer, pour entrer dans l'Union européenne. "Selon les relevés des garde-frontières finlandais, le nombre de demandeurs d'asile a augmenté au cours des derniers mois à la frontière Est" a insisté la ministre de l'Intérieur finlandaise Mari Rantanen.

Dans le courant de la semaine dernière, près de 300 migrants, originaires pour la plupart d'Irak, du Yémen, de Somalie et de Syrie, sont entrés en Finlande depuis la Russie après s'être présentés aux postes-frontières à pied ou à vélo, d'après les autorités finlandaises.

Or, habituellement, ces dernières comptabilisent plutôt une dizaine de demandeurs d'asile, chaque mois, à la frontière russo-finlandaise. Jusqu'ici, un accord tacite entre la Russie et la Finlande stipule en effet qu'un filtrage doit être mis en place afin que seules les personnes munies de papiers en règle puissent se présenter aux postes-frontières.

La ministre de l'Intérieur reconnaît que le nombre d'arrivées de ces dernières semaines demeure "relativement bas". Mais insiste : "Il a augmenté de façon significative sur une courte période". Le Premier ministre Petteri Orpo a pour sa part dénoncé, lundi, une "action systématique et organisée par les autorités russes".

La Commission européenne soutient cette fermeture

La Finlande est entrée dans l'Otan en avril 2023, en réaction notamment à l'offensive russe en Ukraine débutée en février 2022, qui a dégradé les relations diplomatiques entre Helsinki et Moscou. Le pays a également lancé, depuis un peu plus d'un an, le chantier d'une vaste clôture, sur 200 km de frontière, incluant fils barbelés et caméras nocturnes. À l'heure actuelle, seuls quelques kilomètres ont été construits.

La Commission européenne apporte son soutien à cette fermeture de la quasi totalité des postes-frontières, dénonçant une "instrumentalisation honteuse" des migrants par Moscou. "Je soutiens pleinement les mesures prises par la Finlande. Et je remercie les garde-frontières finlandais de protéger nos frontières européennes",𝕏 a déclaré jeudi Ursula von der Leyen, la présidente de la Commission, sur X (ex-Twitter). Celle-ci s'était entretenue juste avant par téléphone avec le Premier ministre finlandais.

L'agence des garde-frontières de l'Union européenne, Frontex, a déclaré vendredi à Reuters qu'elle enverrait des agents en Finlande pour soutenir la fermeture des postes-frontières.

Comparaison avec la situation entre Pologne et Biélorussie

Le président polonais, Andrzej Duda, a qualifié cette situation d'"attaque hybride" similaire à celle connue par la Pologne avec la Biélorussie. Depuis 2021,  Varsovie accuse la Russie et la Biélorussie d'orchestrer à sa frontière un afflux de candidats à l'asile en Europe.

La Finlande "a surtout un 'imaginaire migratoire' en tête (...) Elle prend en compte ce qu'il s'est passé en Biélorussie ou en Grèce ces dernières années et vit dans la projection de la même menace", commentait l'année dernière Damien Simonneau, maître de conférences à l'Inalco et spécialiste des sécurités frontalières, auprès d'InfoMigrants. "Dans un cadre conflictuel comme la guerre en Ukraine actuellement, les migrations sont utilisées comme des moyens supplémentaires de déstabilisation".

De leur côté, les autorités russes réfutent de telles accusations. "Les autorités finlandaises commencent à trouver des excuses maladroites, réactivant ainsi les sentiments russophobes", a déclaré mercredi la porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères, Maria Zakharova. Le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, assure "profondément regretter" la décision finlandaise, qu'il assimile à une "position purement russophobe" nuisant aux relations entre les deux pays.

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