par Jacques-Marie Bourget
L'initiative avait été prise pour mettre fin à la polémique qui a divisé les Européens quand Oliver Varhelyi, le commissaire chargé de la «Politique de voisinage» de l'Union européenne (UE), a déclaré, le 9 octobre : «tous les paiements de l'UE aux Palestiniens sont immédiatement suspendus». Face aux critiques la Commission a décidé de procéder à un examen de cette aide. Il s'agissait de : «veiller à ce qu'aucun financement de l'UE ne permette indirectement à une organisation terroriste de mener des attaques contre Israël».
Mardi 21 novembre tombe le résultat de l'investigation : «aucun élément montrant que des fonds de l'UE auraient directement ou indirectement bénéficié au Hamas n'a été identifié».
Si je vous inflige, en entrée, la lecture de ce texte lapidaire c'est pour vous rappeler que, la fumée des armes n'étant pas retombée, de bonnes âmes hurlaient déjà que «l'Europe avait financé le Hamas». En tête du peloton des hurleurs on remarque Le Canard Enchainé, hebdomadaire qui se veut le champion de la vraie info ! Et pourtant c'était une «fake news».
Hervé Martin est un salarié du Canard Enchainé, où il est fort utile puisque capable de défendre la pensée inique. Il conforte cette qualité quand, dans l'hebdomadaire daté du 8 novembre, en suivant une philosophie inverse à celle qui doit présider au journalisme : Martin se montre un as pour affliger les faibles et réconforter les puissants. Ainsi, visés à mort chaque seconde, les Palestiniens sont également une cible pour la bave du «Canard».
Mais revenons aux écrits chaotiques de Hervé Martin. Ce dernier observe que l'Union européenne accorde des aides à ces naufragés de l'histoire vivant boucherie à Gaza ou en Cisjordanie. Et le généreux journaliste, comme d'autres amis de Netanyahou, se fait une idée noire : «et si ces euros étaient utilisés pour financer le terrorisme ?». En Irak, après la destruction du pays - sur un mensonge «des forces du bien», l'embargo a fait mourir 400 000 enfants. En instaurant des «sanctions» allant jusqu'à interdire l'importation de crayon à papier, la mine en graphite pouvant servir à faire une bombe atomique. Tenant de cette philosophie Martin et le «Canard» peuvent imaginer «faisons de même avec ces Palestiniens, assez sataniques pour forger la ferraille des pièces d'euros pour en faire de terribles missiles». Mettons-les au pain sec.
Analysons la prose palmée écrite avec le sang des autres, celle de ce Martin l'enchanté, son choix des mots. Il s'étouffe que les familles des 1500 «terroristes» du Hamas - tués lors de l'attaque du 7 octobre -, allaient (peut être bien car Martin n'en sait rien), toucher une indemnité. Et qu'il se pourrait (Martin n'en sait toujours pas plus) que des euros soient utilisés pour compenser le prix de la mort... Pour corseter son histoire, le collaborateur du «Canard» convoque un témoin en acier : Eric Ciotti. Voilà l'homme qui n'a qu'une place, celle du juste, de l'inflexible. Incapable de mensonge, ou de jonglerie avec des fonds publics. Et qui a donc, dans le dortoir du Sénat, pondu lui aussi, une résolution pour attirer la vigilance de l'État sur ces voleurs de Palestine. Des fois que, là-bas, un mal élevé paierait l'EHPAD de sa belle-mère avec ces sous de Bruxelles ! Car Martin est un vétilleux, lui qui a appris l'humanisme en récitant le Petit Livre Rouge. Précis donc, ce «mao» passé au Rotary, nous indique qu'un prisonnier touche «400 dollars par mois» pour moins de trois ans de prison et jusqu'à «3500» pour «trente ans et plus». Une fortune que d'aller en taule, d'y être torturé, humilié. Sans compter que notre comptable ne nous dit rien des conditions des «jugements» ayant abouti à ces peines. Rien non plus des 1500 prisonniers «administratifs», incarcérés par l'arbitraire de la théocratie israélienne. Alors Hervé ? Ceux-là ils tapent à combien ? Pas un mot sur l'administration de la «justice» coloniale. Qui, si elle en a envie, transfère les accusés sur le territoire même d'Israël pour les «juger», ce qui est illégal. Mais Martin se moque du tordu, lui n'aime que le droit. Et les euros d'Ursula. À propos de l'allocation versée à ces victimes de la colonisation, Martin utilise le mot approprié de «pactole». Un moment j'ai cru que Hervé nous parlait du trésor bancaire de son journal. Non, les Palestiniens ne sont pas sous les bombes, mais sous un «pactole. Pour faire vrai, nous montrer que l'investigateur a fait une bonne enquête et pas seulement sonné à la porte du CRIF, l'humaniste du Canard nous cite un «think tank», le «Jérusalem Center for Public Affairs», moulin à vent tout à fait crédible puisque métastase du gouvernement néo fasciste israélien. Voilà donc un bien bel article. Hélas, Martin, l'homme qui rit dans les cimetières, a déposé ses états d'âme devant la Commission européenne et aussi devant le Quai d'Orsay. Mais ses questions sont restées lettres mortes. Si je puis dire. Le «Canard», Martin et Ciotti sont donc les seuls à croire à ce «scandale». À trois on peut faire une belote. Dernière crapulerie et insulte au journalisme, le titre de l'article qui fait bazar, et qui n'est peut-être pas de notre dénonciateur, trompette :
«Cette aide européenne qui finance le Hamas». Affirmation sans le moindre preuve dont le nouveau néo «Canard» atlantiste se tamponne.
Quelques conseils pour le prochain article de Martin. Mon garçon il te faut transposer tout cela à Guantanamo là où, en plus, ces salauds de prisonniers jouissent d'une météo tropicale avec des airs de musique afro-cubaine flottant dans l'air. Peut-être ont-ils une alloc ? Un détail, les journalistes de la BBC qui, il est vrai, n'ont pas le label Martin, se refusent à parler de «terrorisme» à propos du Hamas. «Crimes de guerre» c'est sûr, «terrorisme» non puisque, pour un Palestinien la violence est autorisée par l'ONU. C'est un moyen légal que de reconquérir sa terre par les armes. D'ailleurs dans le mot terrorisme, il y a «terre»...
Finalement mon confrère Hervé ne m'a pas écouté, au lieu d'aller chercher des tiques dans le dos de Biden, la semaine du 15 novembre il poursuit sa croisade. Cette fois ce petit rapporteur nous balance nos confrères de l'AFP qui ne diraient pas assez de mal des Palestiniens. Et l'indicateur de citer «un texte collectif du «service francophone» qui proteste contre toutes ces bonnes paroles publiées sur le Hamas. L'AFP ne serait plus l'AFP mais l'Agence France Palestine, vieille insulte que l'on croyait usée. Mais, comme sur tous les bons coups, cette semaine les défenseurs du vrai s'y mettent à deux. Jean-Michel Thénard (qui, nous dit-on, vise le titre de directeur) canarde lui l'horrible Hezbollah. Qui fait son blé au Brésil - dixit le Canard et le MOSSAD -, propos également bétonné par un certain «professeur Jorge Lasmar» qui enseigne à l'Institut Pontifical, où la vérité est forcément divine. Et le noircisseur du «Canard» somme Lula, terroriste bien connu, d'arrêter le trafic. Mais un ministre répond à Thénard et au Mossad : «Aucune force étrangère ne donne d'ordres à la police du Brésil».
«L'hebdomadaire paraissant le mercredi» est figé
dans une défense aveugle d'Israël. DR
Ultime question. Pourquoi le «Canard» est-il si furieusement sioniste (pardon Darmanin pour mon antisémitisme) ? Faut-il chercher l'explication de cette invariable doctrine dans le passé du journal ? Quand, entre 1940 et 1944, l'hebdomadaire étant fermé, trop de ses journalistes se sont soudain sentis à l'aise dans des titres de la presse collaborationniste ? Pour quelques-uns 1944 a été une année difficile, se rétablir du «Maréchal» à Maréchal 1 exigeait une bonne pratique de l'équilibre et de solides fidélités maçonniques. Et, 78 années plus tard, la frayeur de ce moment-là, celui d'un choix honteux, a peut-être figé «l'hebdomadaire paraissant le mercredi» dans une défense aveugle d'Israël.
source : Afrique Asie
- Maurice Maréchal, co-fondateur du Canard Enchainé.