28/11/2023 reseauinternational.net  7min #238147

 Sommet extraordinaire des Brics sur le génocide à Gaza

La Chine cherche à mettre en avant les Brics dans la résolution du conflit israélo-palestinien

par Mikhail Gamandiy-Egorov

L'État chinois continue de mettre en avant sa position, ainsi que celle des BRICS, pour faire valoir une solution politico-diplomatique aux tensions en cours en Palestine, qui peuvent avoir des répercussions majeures sur toute la région du Moyen-Orient. Si l'axe étasunien cherche au contraire à maintenir la spirale de violence, l'approche de Beijing et de ses partenaires stratégiques démontre que les partisans de la multipolarité ont une importante carte à jouer.

«Pour atténuer le conflit israélo-palestinien, le monde devrait écouter la voix des BRICS» -  écrit le quotidien chinois anglophone Global Times. L'éditorial dudit média rappelle la position de la Chine sur ce dossier et insiste sur l'importance du rôle des BRICS dans la gestion de ce conflit qui dure depuis plusieurs décennies.

L'article de Global Times rappelle que le récent Sommet extraordinaire des BRICS en visioconférence du 21 novembre est la toute première conférence d'urgence consacrée à une question internationale dans l'histoire de l'organisation. Et qu'il s'agit également de la première réunion des dirigeants du bloc depuis son élargissement à de nouveaux membres en août de cette année. En qualité de plateforme de coopération la plus prestigieuse et la plus influente pour les nations émergentes et les pays en développement, la tenue d'un sommet spécial des BRICS à un moment critique du conflit israélo-palestinien marque un bon début pour une coopération accrue au sein de l'organisation.

Le média chinois rappelle également que comme l'a déclaré le chef d'État de la République populaire de Chine Xi Jinping - il est très opportun et très important que les pays des BRICS se réunissent et s'expriment en faveur de la justice et de la paix sur la question palestino-israélienne. En effet et à l'invitation du président sud-africain Cyril Ramaphosa, Xi Jinping a pris part audit sommet et prononcé un discours intitulé Œuvrer à un cessez-le-feu et réaliser une paix et une sécurité durable. Il a à ce titre proposé trois tâches urgentes.

Premièrement, les parties au conflit doivent mettre fin aux hostilités et parvenir à un cessez-le-feu immédiatement, mettre un terme à toutes les violences et attaques contre les civils, libérer les civils retenus en captivité, agir afin d'éviter de nouvelles pertes en vies humaines et épargner davantage de misères aux populations. Deuxièmement, les couloirs humanitaires doivent rester sûrs et libres, une aide accrue doit être fournie à la population de Gaza. Les punitions collectives infligées aux habitants de Gaza sous la forme de déplacements forcés ou de privation d'eau, d'électricité et de carburant doivent cesser.

Troisièmement, la communauté internationale doit prendre des mesures pratiques pour empêcher le conflit de déborder et de mettre en danger la stabilité du Moyen-Orient dans son ensemble. Par ailleurs le président Xi Jinping a souligné que le seul moyen viable de briser le cycle des violences du conflit israélo-palestinien réside dans la solution à deux États, tout en appelant à la convocation rapide d'une conférence de paix internationale faisant davantage autorité.

Maintenant il faudrait certainement aborder les perspectives de la position de la Chine dans le contexte aussi bien régional que global. Tout d'abord et effectivement la position constante de Beijing  réside dans le fait que le conflit en Palestine ne peut être résolu qu'à travers la solution à deux États. C'est d'ailleurs une opinion partagée par la plupart des partenaires stratégiques de la Chine, dont la Russie.

La Chine souhaite effectivement mettre en avant le rôle de sa diplomatie, ayant été capable à la surprise de nombreux observateurs, notamment au sein de la minorité mondiale occidentale, à pousser à la normalisation des relations entre l'Iran et l'Arabie saoudite. Un événement qui était effectivement extrêmement important pour toute la région du Moyen-Orient et l'ensemble de l'ordre multipolaire international.

Néanmoins, il y a effectivement plusieurs obstacles pour l'approche politico-diplomatique chinoise. Dans le cas de l'Iran et de l'Arabie saoudite, malgré les innombrables efforts de Washington à faire maintenir et perdurer les tensions entre les deux grands pays du Moyen-Orient, ce qui a largement facilité la médiation chinoise était le fait que l'Iran - grande puissance régionale ayant d'ailleurs largement élargi son influence à l'internationale y compris au-delà de sa région d'appartenance - est un ferme partisan et promoteur, comme la Chine et la Russie, de l'ordre multipolaire mondial. Quant à l'Arabie saoudite - bien que longtemps considérée comme alliée du bloc occidental - la réalité est que le leadership saoudien actuel a scrupuleusement analysé au cours des dernières années les événements contemporains et s'est plus que considérablement rapproché des partisans de la multipolarité.

Ayant donc deux pays, ayant été par ailleurs invités à rejoindre les BRICS lors du dernier sommet de l'alliance en Afrique du Sud, qui comprennent l'importance de l'ordre multipolaire, la tâche chinoise dans la normalisation des relations irano-saoudiennes a été donc largement facilitée. Mais dans le cas du dossier Palestine-État sioniste - cela est beaucoup plus compliqué.

Tout d'abord en raison qu'Israël fait partie du club des nostalgiques de l'unipolarité, réunis au sein d'une évidente minorité mondiale, et représente le principal allié de Washington non seulement dans la région du Moyen-Orient, mais également dans le cadre de la politique intérieure comme extérieure étasunienne, quelle que soient les administrations US concernées. Avec tout ce que cela implique. D'autant plus que Washington n'a jamais cherché, comme dans tellement d'autres dossiers internationaux, à jouer un rôle constructif, sincère et juste dans le dossier israélo-palestinien, plus exactement dans l'injustice que subit le peuple de Palestine depuis plusieurs dizaines d'années. Une réalité notamment rappelée à plusieurs reprises par le président russe Vladimir Poutine.

Comptant sur le soutien de Washington et de ses vassaux occidentaux - l'État sioniste pense toujours être en mesure de vivre l'impunité dans ses crimes à l'encontre de la population palestinienne. Sauf qu'effectivement les rapports de force ont radicalement changé. Et cela - Washington comme Tel-Aviv commencent à le comprendre, sans le reconnaitre explicitement.

Car quoi qu'on en dise - et bien que le mouvement palestinien du Hamas se soit considérablement renforcé au cours des dernières années sur le plan de la résistance armée, en analysant les divers développements et techniques utilisées dans un conflit armé - il est encore loin des capacités de riposte des forces régionales de résistance. Surtout en comparaison avec le Hezbollah libanais, les forces armées du Yémen, ou encore la résistance irakienne, entre autres, dont les capacités de combat ne sont pas à présenter. Pour rappel, lesdites forces ont joué un rôle plus qu'important dans la victoire sur les terroristes de Daech et d'autres groupes takfiristes - en Syrie comme en Irak.

Les frappes que mène aujourd'hui cette résistance régionale - à l'encontre aussi bien d'Israël que des bases illégales étasuniennes dans la région - ne représentent pour le moment que des piqures à l'encontre de l'ennemi, et non pas des combats à grande échelle. Et la perspective d'ouverture d'un large front régional  représente une source d'extrême inquiétude aussi bien pour Washington que pour son allié israélien, malgré leur rhétorique qui prétend à être en position de force et à menacer les forces régionales de résistance. Nombreux aujourd'hui comprennent que des combats de large envergure à l'échelle régionale - ne seront certainement pas des parties de plaisir pour les USA et Israël et ne seront en rien semblables aux massacres de la population civile palestinienne. D'autant plus que même dans le cadre du front israélo-palestinien - les choses sont loin de se passer comme l'auraient souhaité les parties étasuniennes et israéliennes. Les pertes militaires et économiques sont plus que réelles et peuvent le devenir encore plus.

C'est certainement dans cette optique que la Chine et ses principaux alliés, y compris dans le cadre justement des BRICS, auront une carte importante à jouer. Car vivre une défaite politico-diplomatique stratégique pour les nostalgiques de l'unipolarité sera certes très douloureux, mais se retrouver face à un risque existentiel majeur - le sera beaucoup plus. Pour le moment Washington comme Tel-Aviv prétend réfuter cette réalité, mais viendra le moment où il faudra bien sortir du monde parallèle artificiel dans lequel ces partisans d'une ère révolue continuent de vivre.

 Mikhail Gamandiy-Egorov

source :  Observateur Continental

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