par Caitlin Johnstone
On ne peut pas être confronté de près et personnellement à la réalité des bombes et à tout ce qu'elles font à la chair humaine et revenir ensuite à ce que l'on était avant. Des millions d'yeux occidentaux ont été changés à jamais.
L'entrepreneur du Pentagone Elon Musk et le criminel de guerre Benjamin Netanyahou ont eu une conversation qu'ils ont diffusée sur Twitter pendant le pèlerinage d'excuses de Musk en Israël dans une tentative désespérée de sauver son image publique au milieu d' accusations coûteuses d'antisémitisme.
La «conversation» était en fait plutôt un monologue, le dirigeant israélien marmonnant avec son accent manifestement américain tandis que Musk était docilement d'accord avec lui sur tous les points. Au cours de sa conférence, Bibi a dit quelque chose qui mérite d'être souligné, tout en se plaignant des manifestations pro-palestiniennes qui se déroulent dans le monde entier depuis le début du massacre de Gaza par Israël.
«Nous avons des manifestations de masse», a déclaré Netanyahou. «Où étaient ces manifestations lorsque plus d'un million d'Arabes et de musulmans ont été tués en Syrie, au Yémen, beaucoup d'entre eux mourant de faim, ceux qui ne sont pas morts dans des explosions. Où étaient les manifestations à Londres ? À Paris ? À San Francisco ? À Washington ? Où sont-elles ?»
«La réponse est qu'ils ne se soucient pas des Palestiniens, ils détestent Israël», a déclaré Netanyahou. «Et ils détestent Israël parce qu'ils détestent les États-Unis».
Les défenseurs d'Israël ne cessent de répéter que les protestations contre le Yémen et la Syrie n'ont pas eu lieu et que, puisque peu de gens ont protesté contre les massacres perpétrés dans ces pays, Israël devrait avoir le droit de se livrer à un petit génocide, en guise de remerciement.
Cet argument est stupide pour plusieurs raisons, notamment parce qu'il tend à éviter le fait gênant que l'effusion de sang au Yémen et en Syrie a été facilitée par l'interventionnisme américain, tout comme l'est l'effusion de sang à Gaza. La guerre civile en Syrie n'a pu se produire que parce que l'alliance occidentale et ses partenaires régionaux ont inondé le pays d'armes données aux factions extrémistes dans l'espoir de renverser Damas, et les crimes de guerre de l'Arabie saoudite au Yémen ont été entièrement soutenus par les États-Unis et leurs alliés.
Ce point de vue est également stupide, car il existe de nombreuses raisons tout à fait légitimes pour lesquelles le massacre de Gaza fait l'objet d'une attention particulière. Dans un récent article du New York Times intitulé « Les civils de Gaza, sous le feu des tirs israéliens, sont tués à un rythme historique», Lauren Leatherby explique que les actions d'Israël à Gaza sont en fait très différentes des autres conflits de ce siècle, tuant beaucoup plus de civils beaucoup plus rapidement que les guerres dans des endroits comme la Syrie et l'Ukraine. La semaine dernière, le coordinateur des secours d'urgence de l'ONU, Martin Griffiths, a déclaré lors d'une 𝕏 interview sur CNN que Gaza était la pire crise humanitaire qu'il ait jamais vue, pire encore que les Champs de la mort au Cambodge. Ce conflit est traité différemment parce qu'il est différent.
Une autre raison pour laquelle cette campagne de bombardement spécifique suscite beaucoup plus de réactions publiques que d'autres est que le mouvement pro-palestinien a eu des générations pour se construire, alors que lorsque l'Occident ravage un pays à l'aide d'explosifs militaires, il s'agit normalement d'une épreuve rapide qui passe très vite du consentement à la fabrication à l'exécution. Le temps que les gens se rendent compte qu'on leur a menti sur les justifications d'une guerre dépravée, l'empire est généralement engagé dans deux ou trois nouvelles guerres. La question israélo-palestinienne est restée en suspens pendant des décennies, ce qui a laissé le temps d'accumuler une opposition populaire. Une fois que quelqu'un a pris connaissance des réalités de la situation des Palestiniens, il est très rare qu'il abandonne son soutien, de sorte que chaque paire d'yeux nouvellement ouverte reste ouverte sur cette question pendant toute une vie.
Mais ce qui est peut-être le plus stupide dans ce discours, c'est qu'il va en fin de compte à l'encontre de l'agenda de ceux qui l'expriment. Les apologistes d'Israël ne cessent de demander «Où étaient les protestations au Yémen et en Syrie ?» et peu à peu, les millions de personnes qui commencent à s'éveiller à la criminalité de l'alliance de pouvoir centralisée par les États-Unis à la suite du massacre de Gaza vont commencer à se poser la même question.
Parce que l'assaut contre Gaza est d'une horreur sans pareille et qu'il est diffusé en temps réel sur les réseaux sociaux, des millions de personnes à travers le monde sortent du coma induit par la propagande qui les a fait consentir à une guerre diabolique après l'autre au fil des ans. Les gens commencent à réaliser qu'ils ont été trompés au sujet du conflit israélo-palestinien, et ils commencent à se demander sur quoi d'autre ils ont été trompés. Continuez à leur demander «Où étaient les manifestations au Yémen et en Syrie ?» et ils finiront par commencer à faire des recherches sur ces conflits et à découvrir le rôle de leur propre gouvernement dans ces conflits. «Où étaient les manifestations au Yémen et en Syrie ?»
Dans un nouvel article du Guardian intitulé « La guerre à Gaza a été une leçon intense d'hypocrisie occidentale. Elle ne sera pas oubliée», Nesrine Malik écrit que «pour la première fois à ma connaissance, les puissances occidentales sont incapables de prétendre de manière crédible qu'il existe un système mondial de règles qu'elles défendent. Elles semblent se contenter de dire : il y a des exceptions, et c'est comme ça. Non, cela ne peut pas être expliqué et oui, cela continuera jusqu'à ce que cela cesse à un moment donné, ce qui semble être lorsque les autorités israéliennes en auront envie».
The war in Gaza has been an intense lesson in western hypocrisy. It won't be forgotten | Nesrine MalikPeople have seen too much that will stay with them too long. Trust in the ‘international community’ will never be the same, says Guardian columnist Nesrine Malik
«Cette incapacité à trouver des arguments convaincants pour expliquer la mort de tant d'innocents s'explique en partie par la rapidité avec laquelle les événements se sont déroulés», ajoute Malik. «Il n'y a pas eu le temps de fixer le rythme des attaques contre Gaza, de préparer des justifications et d'espérer qu'une fois tout terminé, le temps et la courte durée d'attention permettraient d'effacer le bilan. La zone est si densément peuplée que le nombre de civils est trop élevé et que les preuves de l'affaiblissement des capacités du Hamas, la seule justification possible des pertes, sont trop faibles».
C'est le genre de moment politique où les nouveaux critiques de la machine de guerre occidentale sont invités à réfléchir attentivement aux raisons pour lesquelles il n'y a pas eu de résistance vigoureuse aux autres actions criminelles de leurs gouvernements. Ce qui ressemble à un cauchemar en devenir pour les propagandistes dont le travail consiste à Noam Chomsky - The 5 Filters of the Mass Media MachineNoam Chomsky - The 5 Filters of the Mass Media Machine à des actes de guerre dépravés.
L'empire est sur le point de se rendre compte que le public occidental a perdu tout appétit pour la guerre. Toutes les mesures d'aseptisation et de propagande mises en place depuis le Vietnam pour construire une plateforme de consentement aux guerres «humanitaires» ont été réduites à néant en l'espace de quelques semaines.
On ne peut pas être confronté de près et personnellement à la réalité des bombes et à tout ce qu'elles font à la chair humaine et revenir ensuite à ce que l'on était avant. Des millions d'yeux occidentaux ont été changés à jamais.
La «guerre» n'est plus abstraite.
source : Caitlin Johnstone
traduction Réseau International