France-Soir
Barrière flottante sur le Rio Grande, à Eagle Pass, Texas, à la frontière entre les Etats-Unis et le Mexique.
John Moore / Getty Images North America / Getty Images via AFP
MONDE - L'élection présidentielle américaine de novembre 2024 se joue-t-elle actuellement au Texas ? La décision de la Cour suprême la semaine dernière contre le gouverneur de cet État, Greg Abbott, portant sur le retrait de kilomètres de fils barbelés le long de la frontière avec le Mexique, suscite une levée de boucliers. Les gouverneurs républicains de 25 Etats ont exprimé leur solidarité avec leur collègue du Texas et ses efforts pour "protéger les citoyens américains des niveaux historiques d'immigrants illégaux, de drogues mortelles comme le fentanyl et de terroristes". Au-delà du bras de fer opposant Greg Abbott à la Cour suprême américaine, la question migratoire mobilise les républicains derrière Donald Trump pour affaiblir les démocrates à dix mois des présidentielles.
L'État du Texas met en place, depuis 2021, un vaste programme de lutte contre l'afflux de migrants, parmi lesquels figurent des membres des cartels et leurs centaines de millions de doses de Fentanyl, un puissant opiacé de synthèse qui cause chaque année de dizaines de milliers de morts par overdose aux États-Unis. Dans le cadre de ce programme, connu sous le nom de l'opération "Lone Star", des milliers de membres de la Garde nationale et des agents du département de la Sécurité publique du Texas ont été déployés à la frontière mexicaine.
La révolte texane contre le gouvernement fédéral
Ces mesures se sont accompagnées par l'installation de barrières et de fils de fer barbelés, ainsi que par la mise en place d'une barrière flottante sur le Rio Grande en juillet 2023. La situation à la frontière est gravissime et 300 000 migrants sont entrés sur le territoire américain rien qu'en décembre de l'année écoulée. Le nombre de demandeurs d'asile a atteint plus de 2,4 millions durant 2023 et Greg Abbott considère cette crise à la frontière comme une conséquence des politiques d'immigration de Joe Biden.
Il a, en outre, signé des lois autorisant la police à arrêter puis expulser des migrants entrés illégalement aux États-Unis. Un plan de transport des migrants vers d'autres dirigé par des démocrates a également été mis en œuvre.
Des mesures vite dénoncées par les démocrates et l'administration Biden. "Ce gouverneur traite la situation à la frontière de façon inhumaine. Les décisions qu'il prend sont atroces" estimait la porte-parole de la Maison Blanche, Karine Jean-Pierre. "Plutôt que de traiter le problème en travaillant ensemble pour trouver une solution, il en fait un coup politique", déplore-t-elle.
Le département de la Justice a également réagi, annonçant en juillet 2023 une poursuite contre l'État du Texas suite à plusieurs noyades. Lundi dernier, la Cour suprême a approuvé le projet de l'administration Biden en autorisant la Border Patrol, organisme fédéral dépendant de Washington, à détruire les installations mises en place.
Une décision très mal accueillie par Greg Abbott, qui a affirmé qu'il ne se plierait pas à la décision de la plus haute juridiction américaine, mais que ses effectifs continueraient à installer des barbelés. Il prétend que le contrôle de la frontière incombe aux autorités locales du Texas et pas au gouvernement fédéral, argument que la Cour suprême a justement rejeté.
Le gouverneur du Texas a aussi accusé le gouvernement fédéral "d'avoir rompu son pacte avec les États". Dans une lettre diffusée le mercredi 24 janvier 2024, il reproche à Joe Biden de ne pas avoir appliqué les lois sur l'immigration en vigueur : "Le résultat est qu'il a battu des records en matière d'immigration clandestine. Le président Biden a violé son serment d'exécuter fidèlement les lois sur l'immigration promulguées par le Congrès. Au lieu de poursuivre les immigrants pour le délit fédéral d'entrée illégale, il a envoyé ses avocats dans les tribunaux fédéraux afin de poursuivre le Texas pour avoir pris des mesures de sécurisation de la frontière".
Greg Abbott souligne que "les politiques frontalières anarchiques de Biden" ont provoqué l'arrivée illégale de "plus de 6 millions d'immigrés clandestins en l'espace de trois ans seulement".
L'immigration, le coup fatal à Biden ?
Le bras de fer a pris une tournure nationale. Vingt-cinq autres gouverneurs républicains, parmi lesquels Ron DeSantis de Floride, ont exprimé dans une déclaration leur solidarité avec Abbott. Ils saluent "ses efforts pour protéger les citoyens américains des niveaux historiques d'immigrants illégaux, de drogues mortelles comme le fentanyl et de terroristes entrant dans le pays".
Mais la question de l'immigration revêt un autre enjeu, particulièrement pour les républicains, à l'approche des élections. La Maison-Blanche demande, depuis octobre 2023, un budget supplémentaire de 105 milliards de dollars au Congrès, pour répondre aux crises internationales (Ukraine, Moyen-Orient) ainsi qu'à l'immigration clandestine. Mais l'ombre de Donald Trump, candidat à la présidentielle de novembre 2024, plane sur les discussions entre Joe Biden et les républicains.
L'immigration est l'une des principales questions du programme de Donald Trump selon des sondages menés auprès des électeurs, et l'ancien Président exhorte ses collègues du Grand Old Party à s'opposer à un quelconque accord pour décrédibiliser son rival de 2020. Ce dernier a dit envisager la possibilité d'accéder aux conditions des républicains concernant l'arrivée des réfugiés mais une telle manœuvre risque de susciter l'ire des démocrates. Des questions restent non résolues, comme la liberté conditionnelle de migrants.
Pendant que les négociations se poursuivent, la Maison-Blanche accroît les contacts avec les autorités mexicaines pour démanteler les passeurs de migrants depuis le Mexique.
A la veille de sa victoire à la primaire républicaine du New Hampshire, Donald Trump a ouvertement critiqué Joe Biden, sa politique étrangère et la situation à la frontière mexicaine.
Donald Trump a qualifié jeudi 25 janvier de "cadeau" tout accord potentiel. "Un accord frontalier maintenant serait un autre cadeau pour les démocrates de gauche radicale. Ils en ont besoin politiquement, mais ne se soucient pas de notre frontière. Les travaux sur lesquels le Sénat travaille n'auront aucun sens en termes de sécurité et de fermeture des frontières", a-t-il déploré.