"L'année 2024 a commencé avec des expulsions au Niger", a tweeté le collectif Alarme Phone Sahara sur les réseaux sociaux. Et les chiffres sont "alarmants", selon Azizou Chehou, le coordinateur du collectif, contacté par InfoMigrants : 1 939 migrants ont été renvoyés illégalement d'Algérie dans le désert nigérien en un peu plus de deux semaines. "Du jamais vu", affirme-t-il.
C'est en plein Sahara aux portes du désert du Ténéré que sont envoyés les exilés. La zone frontalière est aussi appelée au "Point zéro". Selon les équipes d'Alarme Phone Sahara - basées à Agadez, Assamaka, Arlit, Niamey, dans la région de Kawar (sur la route vers la Libye) - les migrants expulsés ces deux dernières semaines viennent du Sahel et d'Afrique de l'Ouest principalement.
"Le 8 janvier 2024, les forces algériennes ont expulsé 306 Nigériens, 2 Tchadiens, 1 Djibouti", peut-on lire sur Twitter. Ou encore "Le 10 janvier 2024, 91 migrants subsahariens sont arrivés répartis comme suit : 1 Camerounais, 11 Ivoiriens, 18 Guinéens de Conakry, 30 Maliens et 31 Nigérians", liste encore le collectif.
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"Les mesures de l'UE pour retenir les migrants sur le continent africain sont en grande partie responsables de la situation", juge Azizou Chehou, d'Alarme Phone en évoquant les partenariats migratoires signés entre Bruxelles et le Maroc, la Tunisie, la Libye. "Ils font tout pour que les pays africains empêchent les départs, donc les migrants sont bloqués puis renvoyés plus au sud".
Alarme Phone Sahara évoque aussi la reprise des rafles par les autorités algériennes dans les villes du pays. "Ces arrestations arbitraires ont toujours existé mais leur fréquence varie. Aujourd'hui, on arrête les Noirs dans leur appartement, dans la rue, sur leur lieu de travail, sur les terrains de sport et puis on les envoie vers Point zéro", explique-t-il.
Il existe aussi des renvois transfrontaliers. Depuis des mois, par exemple, la Tunisie expulse illégalement des Subsahariens vers l'Algérie. "Quand les autorités algériennes constatent que des Noirs ont traversé la frontière, ils les arrêtent". Les migrants qui viennent de Tunisie "se reposent généralement quelques jours" puis "sont expulsés à leur tour", détaille Azizou Chehou.
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Ces renvois sont loin d'être nouveaux. Entre les mois de juillet et octobre 2023, environ 5 000 migrants avaient été expulsés vers "Point Zéro". En 2021 déjà, de nombreuses expulsions avaient eu lieu. Et les dangers sont réels. Les exilés sont généralement abandonnés à la tombée de la nuit. Lorsqu'ils sont lâchés, ils sont livrés à eux-mêmes. Sans eau ni nourriture, ils doivent parcourir 15 kilomètres à pied pour rejoindre le village nigérien le plus proche, Assamaka. C'est là que se trouve le centre de transit de l'Organisation internationale des migrations (OIM), le bras de l'ONU qui assiste les retours volontaires des migrants vers leur pays d'origine.
Chaque année, de nombreux exilés disparaissent aussi sans laisser de trace dans le Sahara. Ils peuvent se perdre, mourir de déshydratation, ou être victimes de groupes mafieux. Amadou, un migrant contacté par InfoMigrants en juillet 2020, racontait avoir vu trois personnes mourir sous ses yeux dans le désert. "Ils étaient tellement fatigués qu'ils se sont effondrés au sol", avait expliqué le jeune Africain qui travaillait depuis deux ans en Algérie avant d'être arrêté.