Par Tim Dawson
Image : Manifestation devant le Parlement à Londres pour réclamer la libération du fondateur de WikiLeaks, Julian Assange, le 24 juin 2023.
Alors qu'Assange va rejoindre le banc des accusés, il est dur de savoir si l'un des arguments aura convaincu les juges. Assange espère qu'au moins l'un d'entre eux suffira à mettre fin à son calvaire.
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Lorsque Julian Assange entrera dans le box des accusés de la Cour royale de justice à la fin du mois, il aura passé près de cinq ans à la prison de Belmarsh. Il appartiendra à la Cour de décider combien de temps encore il demeurera un prisonnier britannique. Il est tout à fait possible que dans quelques jours, il soit en route pour Washington.
Cette étape, qui pourrait être la dernière de sa campagne juridique pour résister à l'extradition, intervient exactement quatre ans après qu'elle a commencé – à la Woolwich Crown Court, dans l'enceinte de Belmarsh.
Un membre de son équipe juridique m'a dit que les chances d'une issue favorable à ce stade étaient faibles.
"Nous ne sommes pas enchantés par le choix des juges qui entendront notre affaire, et bien que nos arguments soient très solides, ils ont déjà été rejetés une fois", m'a-t-on dit.
Pour l'observateur lambda, le parcours juridique de M. Assange semble rocambolesque. Lors de la première audience d'extradition, l'équipe juridique australienne a présenté plusieurs arguments pour rejeter la procédure, et notamment ce qui suit :
Le traité d'extradition entre le Royaume-Uni et les États-Unis exclut l'extradition pour des crimes politiques – un procès équitable est impossible pour de nombreuses raisons, notamment l'espionnage des entretiens d'Assange avec ses avocats – les poursuites violeraient le droit d'Assange à la liberté d'expression – et les conditions de détention aux États-Unis auraient un effet catastrophique, cliniquement prévisible, sur la santé d'Assange.
Le juge Baraitser, qui a entendu l'affaire initiale, a rejeté tous ces arguments, à l'exception de la possibilité que l'extradition soit "oppressive" pour la santé d'Assange.
Sa conclusion est intervenue après plusieurs journées éprouvantes au tribunal, au cours desquelles les problèmes médicaux de M. Assange ont été présentés avec des détails médico-légaux, parfois bouleversants. Il a tenté de se suicider à plusieurs reprises par le passé, a subi une longue période d'isolement effectif au cours de sa première année à Belmarsh, nuisant considérablement à sa santé, et une forme ou une autre d'isolement est une quasi-certitude s'il devait intégrer le système pénitentiaire américain.
Hélas, les espoirs suscités par le jugement de Mme Baraitser ont été de courte durée. Les États-Unis ont fait appel de son jugement, principalement sur la base d'un point de procédure litigieux et de garanties non confirmées concernant les conditions pénales probables. Le jugement a été annulé.
L'audience de deux jours qui se tiendra à la fin du mois de février examinera deux appels.
- Le premier concerne le rejet par Mme Baraitser de tous les autres arguments contre l'extradition.
- Le second concerne la décision de Priti Patel, alors ministre de l'Intérieur, d'émettre un ordre d'extradition d'Assange dès que la procédure judiciaire serait clôturée.
Il semble peu probable que la décision de la ministre soit annulée. L'équipe juridique d'Assange estime que les nouveaux éléments de preuve concernant les autres arguments sont convaincants, mais elle reconnaît que le combat est difficile.
Si cette demande d'appel est acceptée, l'affaire sera entendue dans son intégralité plus tard dans l'année.
Si tous ces arguments sont rejetés, le dernier espoir juridique de s'opposer à l'extradition réside en un recours adressé à la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH). Les juges de Strasbourg ont déjà été saisis de l'affaire Assange.
Toutefois, la Cour européenne des droits de l'homme a le pouvoir discrétionnaire d'entendre des affaires, selon que les autorités juridiques considèrent ou non que les points de droit contestés sont suffisants pour mériter leur attention. Pour replacer le cas d'Assange dans son contexte, l'année dernière, 63 demandes de "mesures provisoires", du type de celles dont Assange aurait besoin, ont été introduites auprès de la CEDH. Une seule a été retenue.
Les développements diplomatiques à l'autre bout du monde pourraient toutefois avoir un impact plus important sur les perspectives de liberté de M. Assange. L'élection d'un gouvernement travailliste en Australie, sous la direction d'Anthony Albanese, a ajouté une nouvelle voix significative à la coalition réclamant la libération d'Assange.
En août dernier, l'ambassadrice des États-Unis en Australie, Caroline Kennedy, a déclaré au Sydney Morning Herald qu'elle pensait qu'un accord de plaidoyer pourrait être conclu pour M. Assange. Un tel arrangement impliquerait probablement qu'Assange plaide coupable d'une accusation moins grave pour laquelle la période d'emprisonnement n'excéderait pas le temps déjà passé en prison.
Cette solution pourrait présenter des avantages considérables pour M. Assange, notamment celui de pouvoir voyager dans le monde entier sans avoir à craindre en permanence une nouvelle initiative américaine visant à requérir sa détention et son extradition.
L'équipe juridique de M. Assange n'a pas expliqué pourquoi la procédure est au point mort depuis six mois, mais il semble que des négociations soient en cours.
Reste à savoir si un tel accord satisfera les défenseurs de la liberté d'expression. Pour eux, l'importance de l'affaire reste l'utilisation de l'Espionage Act pour poursuivre un éditeur. Si un Australien vivant en Europe peut être poursuivi par les États-Unis pour avoir encouragé une source à partager des preuves d'actes criminels, alors les journalistes d'investigation du monde entier sont en danger.
Il ne fait aucun doute que lorsque M. Assange se retrouvera sur le banc des accusés, des manifestations de protestation se tiendront à l'extérieur des tribunaux royaux. C'est tout à l'honneur de bon nombre de ces militants d'être restés fidèles à la cause depuis plus d'une décennie. En effet, la révélation emblématique au cœur de cette affaire est la vidéo "Collateral murder".
Filmée depuis un hélicoptère de l'armée américaine survolant Bagdad, elle date de 2007 et montre des civils non armés fauchés par une mitrailleuse de gros calibre. Douze d'entre eux ont perdu la vie dans ce que beaucoup considèrent comme un crime de guerre.
Depuis les premiers jours, alors qu'une poignée de fidèles protestaient au nom d'Assange, la campagne s'est progressivement élargie. Elle compte désormais des syndicats du monde entier, des médias qui avaient autrefois dénoncé M. Assange, et même des commentateurs de droite tels que Peter Oborne et Andrew Neil.
Alors que le fondateur de Wikileaks va rejoindre le banc des accusés et que les débats vont commencer, il est impossible de savoir si l'un ou l'autre de ces arguments aura réussi à convaincre les juges. Assange espère qu'au moins l'un d'entre eux suffira à mettre fin à son calvaire.
Tim Dawson
Lien vers l'article original en anglais :
Traduction : Spirit of Free Speech
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Tim Dawson est secrétaire général adjoint de la Fédération internationale des journalistes – www.ifj.org.
La source originale de cet article est morningstaronline.co.
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