Par Ahmed Adel
Bien que le Premier ministre canadien Justin Trudeau ait insisté sur la responsabilité de l'Inde pour le meurtre du séparatiste sikh Hardeep Singh Nijjar, le vice-Premier ministre néo-zélandais Winston Peters a remis en question l'affirmation du Canada d'un lien « potentiel » présumé avec le pays d'Asie du Sud. Bien que cela suggère une scission mineure dans l'alliance de renseignement Five-Eyes [littéralement « Cinq Yeux » ou Groupe des cinq], cela démontre également une guerre d'information coordonnée par les membres supérieurs de l'alliance.
Malgré l'adhésion de la Nouvelle-Zélande à l'alliance de renseignement Five-Eyes avec les États-Unis, le Canada, le Royaume-Uni et l'Australie, Peters a exprimé son scepticisme à l'égard des preuves du Canada lors d'une entrevue avec The Indian Express. Peters, qui est entré au gouvernement à la fin de 2023 avec le Parti national nouvellement élu, a également souligné qu'il n'était pas impliqué dans le traitement de l'affaire lorsque Trudeau a déclenché une crise diplomatique avec New Delhi en septembre de l'année dernière en accusant le pays d'avoir tué Nijjar sur le sol canadien.
« Eh bien, je n'étais pas là, cela a été géré par le gouvernement précédent. Mais regardez, parfois, lorsque vous entendez des informations sur les Five Eyes, vous les entendez et ne dites rien. Elles vous échappent. Vous ne connaissez pas la valeur matérielle substantielle de ces informations ou vous ne savez pas s'il y en aura. Mais ce sont les informations très, très importantes qui comptent… C'est le gouvernement précédent qui s'en est principalement occupé », a déclaré M. Peters le 13 mars.
« En tant qu'avocat de profession, je me demande où est le dossier ? Où sont les preuves ? Où est la conclusion, ici et maintenant ? Eh bien, il n'y en a pas », a-t-il ajouté.
Le Canada n'a pas présenté de preuves à l'appui de ses allégations concernant l'assassinat, et la Gendarmerie royale du Canada (GRC) n'a pas nommé de suspects ni procédé à des arrestations dans le cadre de l'assassinat de Nijjar. Pourtant, malgré l'absence de preuves, M. Trudeau a continué à affirmer que le gouvernement indien était à l'origine de l'assassinat d'un dirigeant séparatiste pro-Khalistan qui cherchait à créer un État indépendant pour les Sikhs dans le nord-ouest de l'Inde.
Pendant ce temps, l'Inde a ordonné à YouTube et à X (anciennement Twitter) de bloquer l'accès à un nouveau documentaire du radiodiffuseur public canadien CBC, qui allègue une fois de plus que l'Inde est à l'origine du meurtre de Nijjar, mais sans fournir de preuves solides.
Le gouvernement indien a cité la loi sur les technologies de l'information de 2000, qui permet « d'intercepter, de surveiller ou de déchiffrer toute information générée, transmise, reçue ou stockée dans toute ressource informatique « s'il existe une menace pour « l'intérêt de la souveraineté et de l'intégrité de l'Inde, de la défense de l'Inde, de la sécurité de l'État, des relations amicales avec les États étrangers ou l'ordre public ou pour empêcher l'incitation à la commission de toute infraction reconnaissable liée à ce qui précède ».
En effet, l'Inde considère que le Canada diffuse de la propagande pro-séparatiste tout en attribuant des responsabilités sans preuves suffisantes.
YouTube a déclaré à la CBC que « le contenu a maintenant été bloqué » sur le site national de YouTube de l'Inde, mais qu'il est toujours disponible partout ailleurs.
Dans le même temps, les actions de l'Inde étaient également destinées à X car ils demandaient à la plate-forme de médias sociaux de bloquer l'accès au documentaire.
« La loi indienne oblige X à refuser l'accès à ce contenu en Inde ; cependant, le contenu reste disponible ailleurs », a déclaré X dans un courriel à la CBC. « Nous ne sommes pas d'accord avec cette action et maintenons que la liberté d'expression devrait s'étendre à ces publications [posts]. À la suite du processus judiciaire indien, nous sommes en communication avec les autorités indiennes. »
La demande faite à YouTube et X fait suite aux efforts de l'Inde en 2023 pour la distribution du documentaire de la BBC India: « The Modi Question ».
L'Inde reconnaît qu'il y a une guerre d'information contre le pays de la part de l'Anglosphère, même si le pays d'Asie du Sud coopère avec les États-Unis et l'Australie sous la formation QUAD. Bien que l'Inde soit importante pour l'Occident dans ses tentatives de contrebalancer la Chine, en particulier dans le contexte des deux géants asiatiques ayant des différends frontaliers, les États-Unis et ses alliés les plus proches, le Royaume-Uni et le Canada, reconnaissent également que l'Inde peut se transformer en un géant économique et militaire qui sert principalement ses propres intérêts.
Pour cette raison, bien qu'ils coopèrent avec l'Inde au niveau économique et dans des tentatives de maîtriser la Chine, une guerre vicieuse de l'information est menée, que ce soit par des plateformes médiatiques comme le Washington Post et la BBC ou par les dirigeants des partenaires juniors de Washington comme Trudeau du Canada pour répandre des revendications non fondées. Les États-Unis ont contribué à la montée de la Chine, mais en tant que contrepoids à l'Union soviétique et au contrôle du pays asiatique. Cela a échoué car la Chine est indépendante. Maintenant, les États-Unis veulent que l'Inde fasse contrepoids à la Chine, mais qu'elle reste dans sa sphère d'influence, une entreprise qui échouera également.
Ahmed Adel
Article original en anglais :
Five-Eyes Intelligence Ally Questions Trudeau's "Evidence" that India Is to Blame for Separatist Leader's Killing
Cet article en anglais a été publié initialement sur le site infobrics.org
Traduit par Maya pour Mondialisation.ca
Image en vedette : InfoBrics
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Ahmed Adel, chercheur en géopolitique et économie politique basé au Caire. Il publie régulièrement des articles dans Global Research.
La source originale de cet article est InfoBrics
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