20/03/2024 les-crises.fr  6min #245148

 Aaron Bushnell s'est immolé pour attirer l'attention sur Gaza

Un soldat américain s'immole devant l'ambassade d'Israël en hurlant « Palestine libre »

« C'est ce que notre classe dirigeante a décidé de considérer comme normal  », a déclaré Aaron Bushnell, qui avait 25 ans.

Source :  Truthout, Sharon Zhang
Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

Illustration numérique de feu Aaron Bushnell, sur fond de soleil levant et de ciel étoilé
AYO WALKER / TRUTHOUT ; adapté : HUMANISER PAR L'HISTOIRE, VIA FACEBOOK

Un membre du service actif de l'armée de l'air américaine s'est immolé en criant « Palestine libre » lors d'une protestation tragique contre le génocide israélien à Gaza, devant l'ambassade d'Israël à Washington, dimanche après-midi. Aaron Bushnell, originaire de San Antonio, au Texas, avait 25 ans, il est décédé plus tard dans la journée.

Durant ses derniers actes, Bushnell, revêtu de son treillis militaire, a enregistré et diffusé en direct sa protestation. Dans les images de son auto-immolation publiées par la journaliste Talia Jane sur les réseaux sociaux, il explique qu'il « ne sera plus complice d'un génocide ».

« Je suis un membre actif de l'armée de l'air des États-Unis et je ne veux plus continuer à être complice d'un génocide », a déclaré M. Bushnell, qui a envoyé aux médias un lien vers son livestream avant de s'immoler.

« Je suis sur le point de m'engager dans un acte de protestation extrême, mais comparé à ce que les gens ont vécu en Palestine aux mains de leurs colonisateurs, ce n'est pas du tout extrême. C'est ce que notre classe dirigeante a décidé de considérer comme normal », poursuit-il dans la vidéo.

Debout devant l'ambassade, Bushnell s'asperge de liquide et s'immole par le feu. Il crie à plusieurs reprises « Palestine libre », tout en hurlant de douleur, et finit par se taire. Il semble que ce soient là ses derniers mots.

Alors que Bushnell commettait son dernier acte de protestation, le bilan officiel du génocide israélien de Gaza dépassait les 30 000 Palestiniens, des milliers d'autres étant portés disparus sous les décombres, dont beaucoup sont présumés morts. L'Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA) a indiqué qu'Israël avait bloqué l'entrée de nourriture dans la partie nord de Gaza depuis le 23 janvier, et des responsables ont averti que plus de 700 000 Palestiniens de Gaza étaient sur le point de mourir de faim en raison de la campagne de famine menée par Israël. Des horreurs qui seraient autrement inimaginables (comme des nouveau-nés mourant de faim, de frappes aériennes ou de la destruction systématique du système médical d'une région entière) deviennent monnaie courante pour les Palestiniens dans le cadre de l'horrible assaut d'Israël.

Alors que Bushnell s'écroule, on voit sur la vidéo un policier ou un agent de sécurité pointer une arme sur son corps en flammes. On entend un autre policier qui intervient dans l'incident crier : « Je n'ai pas besoin d'armes, j'ai besoin d'extincteurs. »

Ceux qui ont connu Bushnell l'ont décrit comme un homme de principe et chaleureux qui consacrait son temps aux efforts d'entraide.

« Aaron est le petit gars le plus gentil, le plus doux et le plus ingénu de l'armée de l'air », a déclaré une personne identifiée uniquement sous le nom d'Errtold Jane. « Il essaie toujours de réfléchir à la manière dont nous pouvons réellement parvenir à la libération pour tout le monde, avec un sourire sur le visage. »

Le Front populaire de libération de la Palestine (FPLP), un parti politique de gauche en Palestine, a publié une déclaration en hommage à Bushnell, dont la protestation est extrêmement rare, même dans l'histoire de l'auto-immolation anti-guerre, puisqu'il était un membre actif de l'armée américaine.

« Le Front a exprimé son entière solidarité avec la famille du soldat et tous les sympathisants américains [...] confirmant que l'acte d'un soldat américain sacrifiant sa vie pour attirer l'attention du peuple américain et du monde sur le sort du peuple palestinien, malgré sa nature tragique et la grande douleur qu'il implique, est considéré comme le plus grand sacrifice et la plus haute distinction, et le message poignant le plus important adressé à l'administration américaine », a déclaré le FPLP.

Les défenseurs des droits des Palestiniens ont critiqué la couverture de la mort de Bushnell par les médias institutionnels, qui ont des préjugés pro-israéliens extrêmes depuis de nombreuses années, parce qu'ils ne mentionnent pas le fait que Bushnell a commis son acte extrême afin d'envoyer un message à propos de Gaza. Les titres de la plupart des grands médias ne mentionnent pas ce contre quoi Bushnell protestait ; une version antérieure de la couverture du Washington Post critiquait sa manifestation comme étant « problématique » en raison de son engagement dans l'acte alors qu'il était en treillis. D'autres médias, comme NPR, ont également semblé modifier leurs articles à la hâte lundi afin de supprimer les déclarations controversées minimisant le message de Bushnell.

Bushnell est au moins le deuxième manifestant à s'immoler au cours des derniers mois pour protester contre le génocide israélien, et il restera dans les mémoires aux côtés d'une longue lignée d'auto-immolateurs qui ont protesté contre les guerres à travers le monde. En décembre, une personne drapée dans un drapeau palestinien s'est immolée par le feu devant le consulat d'Israël à Atlanta. Leur acte de protestation a été à peine évoqué par les médias, et il semble qu'ils n'aient jamais été identifiés par les sources d'information.

Les défenseurs des droits des Palestiniens ont organisé une veillée funèbre qui se tiendra lundi après-midi à l'endroit où Bushnell a manifesté.

Avant de s'immoler, Bushnell semble avoir écrit un message sur Facebook appelant les gens à agir contre le génocide. Accompagné d'un lien vers la chaîne Twitch sur laquelle il a diffusé sa protestation, il a écrit : « Beaucoup d'entre nous aiment se demander : qu'aurais-je fait si j'avais vécu pendant l'esclavage ? Ou du temps de Jim Crow dans le Sud ? Ou de l'apartheid ? Que ferais-je si mon pays commettait un génocide ? La réponse, vous la faites. En ce moment même. »

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SHARON ZHANG

Sharon Zhang est rédactrice à Truthout et ses sujets de prédilection sont la politique, le climat et l'emploi. Avant de rejoindre Truthout, Sharon a écrit des articles pour Pacific Standard, The New Republic, etc. Elle est titulaire d'un master en études environnementales. On peut la suivre sur Twitter : @zhang_sharon.

Source :  Truthout, Sharon Zhang, 26-02-2024

Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

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