L'arrogance nous conduit à l'abîme
par Claudio Risé
Source : Claudio Risé & ariannaeditrice.it
Rares sont les personnes qui, qui ont vécu la Seconde Guerre mondiale et qui en gardant un certain souvenir, acceptent d'en risquer une autre. Aussi résilientes soient-elles, elles sont bien sûr minoritaires: en Italie, le fameux "trop de grands-parents par enfant" a été comptabilisé dans les statistiques il y a quelques années. Les politiciens ne s'en préoccupent donc pas du tout, et leur désaccord ne semble pas être un problème pour le pouvoir.
Leur expérience face aux proclamations courageuses du "armez-vous et partez" peut toutefois présenter un certain intérêt, notamment parce qu'ils ont vu et vécu la guerre mondiale, même s'ils étaient enfants. L'impression qui domine toutes les autres est celle de l'incrédulité: comment est-il possible aujourd'hui, avec l'arme atomique sur le terrain (fabriquée précisément pour écarter les grands conflits, comme en témoigne Raymond Aron dans son ouvrage sur la guerre), de songer à risquer une nouvelle guerre mondiale ? Pour les très vieux, franchement, c'est ce qui compte.
L'éventualité proche d'une guerre mondiale atomique est une perspective tellement folle et impie (elle détruit la création) qu'il devient totalement indifférent de savoir qui a tort ou raison. Une guerre atomique mondiale est un acte de destruction totale, et ceux qui la provoquent sont un danger pour l'humanité. Chacun des belligérants, dans quelque situation que ce soit, est coupable car il est plus ou moins dominé par la fascination mortifère de la guerre ; tandis que la paix, quelle qu'elle soit, est l'aspiration de sociétés encore relativement saines, comme en témoigne le fait qu'elles préfèrent la vie en paix à la guerre et à la mort.
Ce conflit présente donc des caractéristiques précises qui surprennent, non seulement parce que nous en sommes là mais que nous avons pris cette direction. Aujourd'hui, l'Europe et les États-Unis parlent à nouveau ouvertement de campagnes militaires contre la Russie, alors que les deux siècles précédents ont déjà vu deux campagnes militaires européennes colossales pour la conquérir, qui se sont soldées par des milliers de morts et des défaites sanglantes. Il est compréhensible que Poutine, qui est peut-être un criminel mais pas un imbécile, conseille ironiquement aux envahisseurs potentiels de se familiariser avec le déroulement de ces deux guerres, qui n'ont pas été menées par des novices: la première par nul autre que Napoléon Bonaparte, qui dirigeait personnellement l'armée, et la seconde par Adolf Hitler, qui est resté à l'arrière de l'armée allemande, mais ne s'en est pas mieux sorti.
Le fait est que les dirigeants/guerriers sont presque toujours malades de protagonisme et souffrent de fantasmes mortels d'omnipotence. Ils "négligent les leçons du passé", comme le souligne Peter Burke, l'un des historiens européens les plus réputés, dans son récent ouvrage Ignorance. A Global History. Il existe certaines constantes objectives qui ont rendu la Russie imprenable et que seuls des fous ont tenté de conquérir. "L'une d'entre elles, explique Burke, est l'immensité du pays dans lequel les envahisseurs se sont retrouvés, puis se sont dispersés comme s'ils avaient été aspirés. Après tout, von Clausewitz l'avait déjà dit: un pays de cette taille ne pouvait être conquis. La deuxième constante est météorologique: le "général Hiver", comme l'appellent les Russes, chasse régulièrement les envahisseurs, et il arrive sans regarder personne en face, parce qu'il ne dépend d'aucun ministère; ses armes sont différentes.
Il ne s'agit cependant pas d'une ignorance "pure", note Burke: Napoléon et Hitler savaient très bien que l'hiver russe est froid et rude. Le problème est autre : "L'incapacité à mettre la connaissance au service de la décision" a un autre nom : "l'arrogance". Elle concerne tous ceux qui osent encore parler de la guerre et la présenter comme une nécessité et non comme un acte de folie douloureuse. La même arrogance étonnante avec laquelle le "doux" Premier ministre ukrainien Zelenski se permet de présenter à son homologue italien des listes d'Italiens, soupçonnés d'être des amis de la Russie. La guerre naît du côté de l'arrogance (certes déjà bien éloignée de toute démocratie véritable), elle est l'enfant de la maladie.
Qui devient perversion. Typiquement humaine : "même les animaux féroces" ne s'attaquent pas entre eux au sein d'une même espèce, observait en 1500 Érasme de Rotterdam, l'un des fondateurs de la pensée européenne, dans son ouvrage: la complainte de la paix. L'arrogance belliqueuse du pouvoir humain est pire que l'animal féroce. C'est ainsi que les guerres éclatent et que le monde peut finir.