02/04/2024 francesoir.fr  4min #246056

L'autre ruissellement

Marcel Monin pour France-Soir

AFP

On sait que des petits malins ont créé la « théorie du ruissellement » théorie selon laquelle il faut laisser les riches s'enrichir librement, parce que leur enrichissement sans entrave permet le bonheur des pauvres.

Quand on voit que dans tous les pays du monde et à toutes les époques, y compris aujourd'hui, des êtres humains sont morts ou meurent de faim tandis qu'un petit groupe de personnes amasse de l'argent en quantité astronomique, on a envie de dire que ceux qui ont imaginé et soutiennent encore aujourd'hui plus que jamais (par exemple supporters du forum de Davos ; défenseurs des règles de l'Union européenne) la théorie… Ne « manquent pas d'air ».

En revanche, une nouvelle théorie du ruissellement peut, sous un autre rapport, expliquer le fonctionnement de nos sociétés du point de vue politique.

Puisqu' il se trouve que les gouvernants bénéficient d'un pouvoir de commandement sur tous les services de l'Etat, et qu'ils possèdent la maîtrise de la pensée des citoyens par le système de communication dont ils disposent, ou mis à leur disposition.

C'est ainsi que des dirigeants, criminels, doctrinaires, corrompus, imbéciles, ont pu, à telle ou telle époque, imposer leurs décisions (dont celles qui modifient le droit pour donner un habillage de légitimité à ce qu'ils font) aux citoyens, aux moyens de la police, de l'armée, des corps constitués, dont certains membres vivent en réseaux, y compris les juges (devant faire attention - comme tout le monde - à leur carrière s'il leur vient l'idée de ne pas appliquer les règles… idoines).

Le système d'endoctrinement, de manipulation qui est à leur disposition (à la charge du contribuable ou offert gracieusement par les alliés) leur permet par ailleurs d'obtenir la passivité, et dans certains cas la « complicité » active, d'une partie suffisante de citoyens.

« Mais ces dirigeants sont élus ! » Objectera-t-on.

Bien sûr ! Et l'élection leur est même nécessaire. Puisque l'élection est censée leur conférer une « légitimité » … Quand un individu, futur dirigeant, se présente, dans quelque pays que ce soit, aux électeurs, il ne dit pas : « votez pour moi parce que je suis un criminel potentiel, un psychopathe, un corrompu, un agent d'intérêts étrangers, un incompétent ou un imbécile… ». Il se fait élire sur la base d'un discours, ou d'une image de nature à séduire. Avec l'aide de conseillers en communication, sachant faire et grassement payés.

Une fois en place, le dirigeant va pouvoir utiliser les rouages de l'Etat, toujours en arguant de la légitimité censée lui avoir été offerte par les urnes, pour faire ce qu'il a (ou n'a pas) en tête (mécanisme du « ruissellement »).

Au point, que lorsque l'on compare la politique menée par le général de Gaulle d'une part, par N. Sarkozy ou E. Macron d'une autre, les trajectoires, les comportements ou les déclarations, des uns et des autres, on en vient nécessairement à imaginer ce que les chefs d'Etat ont dans la tête... peut être vraiment très très différemment selon les individus. Et ce que cela implique sur la manière dont ils vont faire fonctionner l'appareil d'Etat. Ce qui renseigne accessoirement sur la nature véritable du régime politique, ou permet à tout le moins de mesurer la distance existante entre le régime réel et le régime « théorique » que l'on enseigne aux enfants.

On s'aperçoit aujourd'hui que de nombreuses décisions de dirigeants paraissent poser problème à beaucoup, et à différents titres (décisions perçues comme injustes, illogiques, techniquement inadaptées aux faits, ou bien pire parfois…), à telle enseigne que lesdits dirigeants peuvent même parfois être la risée, vus de l'étranger.

Ce qui n'empêche pas la mécanique de ruissellement (qui peut être celui de la sottise, de l'incompétence, de l'irresponsabilité, ou de tout autre travers), de fonctionner à merveille dans l'ordre interne.

Enrayer ou interrompre un ruissellement lorsqu'il provient d'une source « polluée » (image empruntée à la géologie) n'est pas chose aisée. On ne peut pas toujours compter sur une élection raz-de-marée. Puisqu'une partie des électeurs rencontrera des difficultés à s'arracher à son conditionnement. Qui plus est, il sera difficile de les convaincre de se documenter, alors que jusque-là, ils auront précisément usé de la facilité consistant à prendre le peu qu'ils entendaient pour argent comptant, sachant que les manipulateurs ne réduiront pas leurs actions, quand ceux dont ils soutiennent les décisions et font tourner le système, peuvent se trouver en difficulté.

Le lecteur trouvera peut-être que ces développements peuvent, selon lui, porter sur des faits contemporains. Ça ne lui est pas (pas encore diront les esprits facétieux) interdit.

Le cas échéant : quelles solutions ?

Marcel-M. MONIN,

maitre de conférence honoraire des universités

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