19/04/2024 infomigrants.net  5 min #247127

En Tunisie, Meloni et Saied veulent miser sur les « retours volontaires », vent de panique chez les migrants de Sfax

Un camp de migrants à Jebeniana, près de Sfax, en Tunisie, le 4 septembre 2023. Crédit : Reuters

La Première ministre italienne n'est restée que deux heures en Tunisie, mercredi 17 avril, pour sa quatrième visite dans le pays en un an. Sans surprise, au menu des discussions :  la lutte contre l'immigration irrégulière. Selon des statistiques officielles italiennes, les arrivées clandestines de migrants en provenance de Tunisie, qui diminuaient depuis l'automne et jusqu'en début d'année,  ont connu un rebond entre mi-mars et mi-avril avec 5 587 migrants (+337,52 % sur un mois).

Rome et Tunis se sont donc engagés à miser sur les "retours volontaires" pour lutter contre cette immigration irrégulière. Comment ? En "impliquant les organisations internationales" chargés de superviser ces "rapatriements". Sans plus de détails.

"Que va-t-il nous arriver ?"

La visite de Georgia Meloni fut éclair et sans annonces concrètes. Mais elle a provoqué un vent de panique parmi les exilés subsahariens de Tunisie, qui survivent dans la région de Sfax, notamment. "Pourquoi est-elle venue ?", "Qu'a-t-elle prévu pour les Noirs ?", "Que va-t-il nous arriver ?", sont en substance les nombreux messages reçus par la rédaction.


Présence de la Garde nationale tunisienne au km 19, dans la région de Sfax, mercredi 17 avril 2024, en Tunisie. Crédit : DR

Beaucoup d'exilés disent craindre de prochaines expulsions. Une crainte renforcée par la récente accélération des démantèlements de campements vers El Amra, au nord de Sfax. Sur les groupes WhatsApp d'exilés, les images de tentes calcinées au milieu des oliviers se partagent par dizaines.

"La police est en train de détruire et brûler les tentes ici", a témoigné jeudi à InfoMigrants Farouk, un migrant nigérian de 35 ans, installé depuis décembre dans un campement près d'El Amra.

Miguel, lui, originaire de la région anglophone du Cameroun, craint d'être expulsé. "Je suis inquiet, car moi je ne peux pas retourner chez moi. C'est impossible. J'ai besoin de protection", a confié le jeune homme de 24 ans à InfoMigrants. "Mon but, c'est d'aller en Europe. Avec les conditions de vie des migrants ici, ce n'est pas possible de rester en Tunisie".

"Opération en cours", selon la Garde nationale tunisienne

Rien ne permet, à l'heure actuelle, de faire un lien entre la visite de Georgia Meloni et ces démantèlements - réguliers depuis le mois de novembre.

Pourtant, Houssem Eddine Jbebli, porte-parole de la Garde nationale tunisienne, a reconnu le jour de la visite de Meloni  à l'Agence Tunis Afrique Presse (TAP) qu'une "opération [était] en cours" entre l'Administration générale de la Garde nationale, les organisations s'occupant des migrants et le Croissant-Rouge tunisien, afin de "faciliter le retour d'un certain nombre de migrants en provenance de pays d'Afrique subsaharienne, stationnés à Jebniana et El Amra". Sans plus de précisions.


Des affaires et de campements de migrants détruits et brûlés par les forces de l'ordre tunisiennes, à El Amra, en avril 2024. Crédit : DR

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Selon Houssem Eddine Jbebli "la campagne sécuritaire qui se déroule actuellement dans les délégations de Jebeniana et El Amra [...] est due à des escarmouches entre migrants et des attaques contre des biens publics" sans donner plus de détails sur ces accusations. Le porte-parole n'a pas non plus précisé ce que les migrants privés de leurs tentes allaient devenir.

Depuis l'été 2023 et les opérations de la police tunisienne pour vider Sfax de la population noire, les campements informels se sont multipliés le long de la route nationale C82 entre Sfax et Jebeniana. Des centaines de migrants subsahariens y vivent dans la précarité la plus totale.

"Avec d'autres africains, on s'est installé sous les oliviers et on dort sous une bâche. Ces derniers mois, c'était vraiment très, très dur. Il fait froid la nuit, et on n'a pas grand-chose pour se couvrir",  avait raconté fin mars Miguel à InfoMigrants. "Pour manger et boire, on compte sur la solidarité des habitants. Certains viennent directement à nous pour nous donner de la nourriture. Souvent, on va toquer à la porte des fermes des environs. Mais il y a des jours où je ne mange rien".

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Accords économiques et militaires

Outre la question migratoire, trois accords ont été signés mercredi entre Georgia Meloni et Kaïs Saïed (une aide de 50 millions d'euros au budget tunisien au bénéfice de projets dans l'énergie, une ligne de crédit de 55 millions d'euros aux PME, et un accord de coopération universitaire) et d'autres suivront, selon la Première ministre, dans les prochaines semaines, notamment dans le domaine militaire.

Dans son allocution, Georgia Meloni a également souligné les efforts de l'Italie pour encourager l'immigration légale avec l'octroi prévu de 12 000 permis de séjour à des Tunisiens préalablement formés sur le territoire tunisien.

Une petite manifestation a réuni mercredi devant l'ambassade d'Italie des militants critiquant la gestion "sécuritaire" du dossier migratoire par la Tunisie et l'Italie, et réclamant "des solutions plus humaines".

 infomigrants.net

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