par Caitlin Johnstone
Nous ne sommes pas censés être insensibles à ce genre de choses. Nous ne sommes pas censés être capables de trouver un état de confort psychologique avec le génocide. Ce n'est pas naturel, et ce n'est pas juste. Les cauchemars créés par l'homme qui se déchaînent sur la terre éveillée sont censés nous perturber.
L'une des raisons pour lesquelles je me tourne souvent vers la poésie et la prose chargée d'émotion dans mes commentaires sur Gaza, c'est parce qu'il est si facile de se laisser engourdir par les horreurs de ce qui se passe là-bas jour après jour et mois après mois - mais il est tellement, tellement important de ne pas le faire.
Il serait si facile de se laisser submerger et de commencer à laisser un jour de mensonges et d'atrocités se fondre dans le suivant jusqu'à ce qu'il devienne cette tache grise amorphe à la périphérie de notre attention. Des rapports tels que des drones sniper de Tsahal jouant des sons de femmes et d'enfants en détresse pour attirer des civils à l'air libre et leur tirer dessus, ou des responsables israéliens affirmant ridiculement qu'ils n'avaient aucune idée que l'explosion d'un consulat rempli d'officiers militaires iraniens serait considérée comme une escalade, sont publiés quotidiennement maintenant. Et il est tentant de se laisser submerger et de ne plus s'en soucier autant.
Et ce n'est pas un hasard si nous sommes confrontés à cette tentation tous les jours. Depuis le premier jour, les Israéliens ont tiré la conscience publique dans un sens et dans l'autre avec des atrocités étonnantes, un négationnisme ridicule et une pirouette narrative à indice d'octane élevé, soutenus par toute la puissance de l'empire occidental et sa machine de propagande d'une puissance inégalée. Chaque jour, nous sommes frappés en plein visage par de nouvelles horreurs, couplées à de nouvelles déclarations du régime israélien qui narguent notre sens de la réalité comme «Heeheehee, l'avons-nous fait ? Qui sait ? Non, nous ne l'avons pas fait ! Mais si nous l'avons fait, c'était bien !» tandis que les responsables occidentaux font de vagues déclarations obscures selon lesquelles ils ont besoin de plus d'informations sur chaque incident avant de prendre position et suggèrent que l'armée israélienne doit enquêter sur elle-même pour découvrir ce qui s'est passé. Vous les verrez dépenser une énergie folle à nier avec indignation l'idée même qu'Israël puisse un jour attaquer un hôpital, seulement pour les voir argumenter que c'est une bonne chose et qu'il est bon pour Israël de détruire tous les hôpitaux de Gaza quelques semaines plus tard.
Cela peut vous briser, si vous laissez faire. Il est difficile pour l'esprit et le cœur d'accepter une telle trituration des méninges systématique, surtout si vous ne comprenez pas que cela est fait délibérément avec un objectif très spécifique en tête. Plus les Occidentaux peuvent être psychologiquement poussés à baisser les bras et à ranger Gaza dans un tiroir mental des «mauvaises choses dans le monde auxquelles j'essaie de ne pas penser», plus il est facile pour Israël et ses soutiens impériaux de faire les choses monstrueuses qu'ils veulent faire là-bas.
Je fais donc ce que je peux pour aider à garder la réalité de ce qui se passe à Gaza à la surface, non seulement en termes de vérité factuelle, mais aussi en termes de vérité émotionnelle. L'horreur. La souffrance. Ce lien empathique avec le sort de nos semblables qui peut nous pousser à agir et à faire pression pour un véritable changement.
Ne laissez pas ces piqûres vous engourdir par ce qui se passe à Gaza. Vous pouvez voir clairement que c'est ce qu'ils veulent, et vous pouvez voir clairement ce qu'ils auraient à gagner en poussant les gens dans cet état d'engourdissement. Alors ne le leur donnez pas. Assurez-vous que, à la mesure d'au moins une personne, ils échouent dans cette entreprise. Et faites ce que vous pouvez pour vous assurer qu'ils échouent également avec les autres.
Nous ne sommes pas censés être insensibles à ce genre de choses. Nous ne sommes pas censés être en mesure de trouver un état de confort psychologique avec le génocide. Ce n'est pas naturel, et ce n'est pas juste. Les cauchemars créés par l'homme qui se déchaînent sur la terre éveillée sont censés nous perturber.
Ne les laissez pas vous enlever. Les sentiments sont faits pour être ressentis. Ressentez le chagrin. Ressentez l'indignation. Ressentez la colère. Ressentez la douleur. Laissez tout cela venir à vous et dire tout ce que ça veut vous dire, comme vous le feriez avec un petit enfant qui vous parle de ses peurs ou de ses blessures. Écrivez-le, chantez-le, peignez-le, dansez-le, rugissez-le dans un oreiller, jetez des pierres dans un ruisseau, tout ce que vous pouvez faire pour le mettre au monde sous une forme plus tangible. Laissez-vous traverser, sentez-le complètement jusqu'à ce que ça ait eu son mot à dire, puis levez-vous et continuez à vous battre.
Alors que nous nous dirigeons vers l'effort monumental de créer ensemble un monde sain, il ne suffit pas que nous soyons informés de ce qui se passe dans le monde - nous devons également avoir une relation émotionnelle mature avec lui. Nous n'avons pas seulement besoin d'avoir des esprits conscients, nous avons aussi besoin d'avoir des cœurs conscients. Si nous n'avons pas une relation consciente avec nos émotions, et si nos émotions n'ont pas une relation consciente avec ce qui se passe dans le monde, alors comment pouvons-nous espérer orienter le monde vers la santé ? La bienveillance et la compassion sont les seules boussoles utiles dont nous disposons pour nous y guider. Protégez donc vos attentions des efforts des bâtards pour les éteindre, comme une précieuse flamme de bougie par un jour de vent. Même si nous perdons la bataille à court terme, et même si nous perdons la guerre à long terme, vous pouvez au moins priver ces monstres de cette petite victoire en continuant à vous en inquiéter.
source : Caitlin Johnstone