Fabrice Leggeri est de nouveau sous le coup d'une enquête. L'ancien directeur de Frontex, l'agence européenne de surveillance des frontières, est visé par une plainte déposée mardi 23 avril par deux associations devant le tribunal judiciaire de Paris.
La Ligue des droits de l'Homme (LDH) et Utopia 56, à l'origine de l'action en justice, accusent l'actuel numéro 3 de la liste du Rassemblement national (RN) aux élections européennes de complicité de crimes contre l'humanité et de torture commis par les autorités libyennes et grecques.
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Fabrice Leggeri, à la tête de Frontex de 2015 à 2022, a joué "un rôle essentiel dans la commission (...) de crimes contre l'humanité" en Méditerranée, écrivent les associations dans un communiqué. "Pour affirmer le rôle de police de l'agence, son directeur a alors fait le choix d'une politique visant à faire obstacle, quel qu'en soit le prix - en vies humaines notamment - à l'entrée des personnes migrantes au sein de l'Union européenne", affirment-elles.
Selon LDH et Utopia 56, Fabrice Leggeri a "laissé se perpétuer des faits criminels" dont il avait, selon elles, connaissance.
"Manœuvres politiciennes"
Interrogé par le journal Le Monde, qui a annoncé le dépôt de plainte avec la radio France Info, le numéro 3 de la liste du Rassemblement national a dénoncé "des allégations incorrectes" relevant de "manœuvres politiciennes" dans le but de "discréditer la liste du RN".
Face à ces accusations, le Rassemblement national, qui caracole en tête des sondages avant les européennes du 9 juin, a rapidement exprimé son soutien à son candidat. "Les associations d'extrême gauche, partisans de la submersion migratoire et complices des passeurs, veulent réduire au silence ceux qui défendent le principe du contrôle des frontières", a affirmé Marine Le Pen sur X.
"Son seul 'crime', c'est de refuser la submersion migratoire du continent européen", a dénoncé, pour sa part, la tête de liste du RN Jordan Bardella.
Accusations de refoulements en mer
Fabrice Leggeri a démissionné en avril 2022 de l'agence après l'ouverture d'une enquête disciplinaire de l'Office européen de lutte antifraude, Olaf. Le haut fonctionnaire était visé par un rapport non public de cet organisme qui, selon des informations de la presse, lui reprochait de "ne pas avoir respecté les procédures, de s'être démontré déloyal vis-à-vis de l'Union européenne", et d'être responsable d'un "mauvais management personnel".
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Bien que l'enquête de l'Olaf n'ait pas été rendue publique, le résumé "révèle que la direction de Frontex était au courant des violations des droits de l'Homme et qu'elle a délibérément évité de les signaler", avait déclaré en mars 2022 Erik Marquardt, législateur allemand appartenant au parti des Verts.
Une autre enquête publiée la même année par le quotidien Le Monde et Lighthouse Reports avait démontré qu'entre mars 2020 et septembre 2021, l'agence avait répertorié des renvois illégaux de migrants, parvenus dans les eaux grecques, comme de simples "opérations de prévention au départ, menées dans les eaux turques".
À l'instar de celle du Monde, toutes les investigations menées par des médias ont démontré "que les responsables de Frontex [étaient] conscients des pratiques illégales des gardes-frontières grecs et [étaient] en partie impliqués dans les refoulements eux-mêmes", écrivait le journal allemand Der Spiegel dans un article mis en ligne en octobre 2020.
Sous le mandat de Fabrice Leggeri, Frontex était aussi dans la tourmente en Méditerranée. Selon plusieurs ONG et collectifs, l'agence utilisait ses avions de reconnaissance en Méditerranée pour renvoyer des migrants en Libye - où ils sont victimes de violences, de kidnappings, d'extorsion ou encore de viols. Pour ce faire, l'agence n'alertait que les garde-côtes libyens lorsqu'elle repérait une embarcation en détresse, omettant d'avertir les navires humanitaires ou commerciaux présents sur zone.