01/05/2024 reseauinternational.net  9 min #247792

Usa : Mobilisation des étudiants de la célèbre université de Columbia à New York !

L'Intifada des étudiants américains, le nouvel atout de la Palestine

Tel-Aviv considère les manifestations sur les campus comme une menace existentielle à long terme pour Israël, craignant l'impact de ces jeunes militants sur la politique étrangère des États-Unis.

par Mohamad Hasan Sweidan

Une vague sans précédent de manifestations étudiantes américaines en faveur de Gaza a brisé la capacité d'influence d'Israël et l'a transmise aux Palestiniens.

Le 18 avril, des étudiants de l'université de Columbia à New York ont organisé un sit-in sur la pelouse du campus, pour protester contre les liens financiers permanents de l'institution avec des entreprises liées à l'occupation israélienne de la Palestine et à sa guerre meurtrière contre Gaza.

Les manifestations  se sont rapidement étendues à d'autres grandes universités américaines, dont l'université de New York, Yale, le Massachusetts Institute of Technology (MIT) et l'université de Caroline du Nord, tandis que s'intensifiaient les appels à mettre fin à la guerre et au soutien à l'État d'occupation.

Cette vague croissante d'activisme étudiant aux États-Unis et dans le monde est d'une importance vitale : elle traduit les retombées de l'opération «Al-Aqsa-Flood» de la résistance et, à l'instar d'autres mouvements étudiants américains historiques et massifs contre l'apartheid sud-africain et la guerre du Viêt Nam, pourrait bien ébranler le soutien américain à l'agression israélienne.

Pendant des décennies, les États-Unis ont présenté Israël comme un phare de la démocratie dans une région dominée par des régimes autoritaires, le citant souvent comme « la seule démocratie» d'Asie occidentale pour justifier leur indéfectible soutien.

Cependant, l'évolution récente de la perception du public, en particulier parmi les jeunes occidentaux, dépeint de plus en plus les Israéliens comme des «terroristes» et des « colonisateurs». Ce changement radical du discours, dû à la diffusion mondiale de l'information et de l'activisme, aura un impact significatif sur l'entité sioniste.

La réputation internationale d'Israël avait déjà pris du plomb dans l'aile lorsque l'Afrique du Sud a porté plainte pour génocide contre l'État devant la  Cour internationale de justice (CIJ) au début de l'année, la première fois qu'Israël est confronté à de telles accusations à ce niveau.

En mars, la CIJ a exigé qu'Israël prenne des mesures immédiates et efficaces pour assurer l'entrée des vivres de première nécessité destinées aux habitants de Gaza, en insistant sur  les graves conditions de famine régnant à Gaza.

Joseph Nye définit le «soft power» comme «la capacité d'obtenir ce que l'on veut par l'attraction plutôt que par la coercition ou les pressions».

Joshua Kurlantzick, chargé de mission pour l'Asie du Sud-Est au sein de l'influent Council on Foreign Relations, affirme que :

«Le soft power peut être plus efficace que la force pour obtenir des résultats politiques, car il influence les préférences de ses interlocuteurs plutôt que de les contraindre à des changements par la coercition».

Cette forme d'influence s'exerce par le biais de la culture, de valeurs et de politiques universellement appréciées et moralement légitimes - et, par conséquent, plus difficiles à endiguer.

Des décennies d'initiatives de Tel-Aviv en matière de «valorisation de la nation» ou de soft power en Occident, visant à ancrer profondément la notion d'Israël comme «la seule démocratie» d'Asie occidentale qui partage les «valeurs judéo-chrétiennes» de l'Occident, avaient pour but de justifier le soutien inconditionnel de Washington à l'État d'occupation.

Il a toutefois fallu que les Palestiniens démontrent leur détermination pour desserrer l'étau narratif de l'Occident. Quelques semaines après l'opération «Al-Aqsa Flood», les populations occidentales ont pour la première fois commencé à percevoir le vrai visage du sionisme, qui s'est déchaîné dans une attaque militaire foudroyante contre les hôpitaux, les universités, les infrastructures et la population civile de Gaza.

Si Tel-Aviv n'avait pas réagi par la force, le monde occidental aurait pu continuer à soutenir fermement Israël. Au contraire, aujourd'hui, les populations occidentales ont été profondément touchées par les scènes horribles et par les Palestiniens sur le terrain à Gaza, galvanisant ainsi le soutien à la cause palestinienne dans le monde entier par le biais du «soft power».

Les guerres d'Asie occidentale n'auraient pas pu produire ce que les images de Gaza ont provoqué : non seulement la solution à deux États et la cause palestinienne sont de nouveau au premier plan de l'agenda international, mais la viabilité même du projet colonial d'Israël fait l'objet d'un large débat pour la première fois dans la brève histoire de l'État.

En matière de soft power, la résistance palestinienne a relancé la cause de la Palestine dans le monde. Aujourd'hui, l'Espagne, l'Irlande, Malte, la Slovénie et la Norvège ont manifesté leur volonté de reconnaître l'État de Palestine, un tournant décisif influencé par la crise humanitaire à Gaza et l'échec stratégique de la machine militaire israélienne, autrefois très performante.

Aucun de ces progrès diplomatiques n'aurait eu lieu sans l'opération «Al-Aqsa Flood», qui a déclenché les événements ultérieurs.

Citant deux responsables américains,  Axios rapporte que le secrétaire d'État américain Antony Blinken a demandé au département d'État de «procéder à un examen et de présenter des options politiques sur une éventuelle reconnaissance américaine et internationale d'un État palestinien» après la guerre de Gaza.

Bien qu'aucun changement significatif ne soit attendu dans l'immédiat, le média note que cela témoigne d'un revirement possible de la politique étrangère des États-Unis.

Même le Royaume-Uni, à l'origine du mandat qui a conduit à la création d'Israël, s'est déclarée  prête à reconnaître un État palestinien peu après un cessez-le-feu à Gaza, sans attendre la conclusion de pourparlers de paix prolongés.

L'impact de la guerre de Gaza est également illustré par le contraste entre les votes du Conseil de sécurité de l'ONU : d' un projet de résolution en 2014 qui n'a reçu qu'un soutien minimal, on assiste à une forte majorité en faveur de l'adhésion pleine et entière de la Palestine en avril 2024 - avec les États-Unis en tant qu'unique voix dissidente.

En un peu plus d'une semaine, des milliers d'étudiants se sont rassemblés dans des manifestations à travers les États-Unis pour exiger la fin du génocide à Gaza, l'arrêt de l'aide militaire américaine à Israël, le désinvestissement des fonds universitaires des entités, entreprises et universités israéliennes, et le respect de leur droit à manifester sur le campus sans subir de répercussions.

 Au cours de ces manifestations, plus de 900 personnes ont été arrêtées sur au moins 15 campus universitaires à travers le pays, et d'innombrables étudiants actifs ont été brutalement agressés par les forces de sécurité de l'État.

Ces manifestations ont été marquées par la présence de drapeaux associés à des mouvements de résistance tels que le Hezbollah libanais, longtemps diabolisés par l'establishment américain. Cette évolution reflète la manière dont les mouvements de résistance d'Asie occidentale, autrefois vilipendés, ont gagné en crédibilité morale auprès des étudiants américains, influençant ainsi l'état d'esprit des futurs dirigeants des États-Unis.

D'un autre côté, Tel-Aviv ne marque aucun point : le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou, né et formé aux États-Unis, a  qualifié les manifestations universitaires d'«horribles» et a qualifié les étudiants activistes - dont beaucoup sont juifs - d'«antisémites».

Tel-Aviv considère les manifestations sur les campus comme une menace existentielle à long terme pour Israël, craignant l'impact de ces jeunes militants sur la politique étrangère des États-Unis.

Dans ce contexte, deux représentants de l'État de New York, soutenus par les deux grands partis et notamment  financés par l'organisation sioniste AIPAC à hauteur d'environ 1 329 480 dollars au cours du cycle électoral 2022-2024, ont présenté un projet de loi visant à «surveiller étroitement l'antisémitisme» sur les campus - une initiative perçue comme soumise à l'influence du lobby israélien.

L'appel à soutenir la Palestine a retenti au-delà des campus américains, avec d'importantes manifestations organisées en Allemagne, en France, en Italie, en Grande-Bretagne et en Irlande, ainsi qu'au Japon et en Corée du Sud, appelant également à la fin du conflit à Gaza.

Ces manifestations traduisent un changement plus général qui s'est manifesté dans les sondages d'opinion américains depuis le début de la guerre de Gaza, révélant une désapprobation croissante du conflit parmi les jeunes occidentaux, qui représentent environ 20,66% de la population des États-Unis.

La guerre de Gaza et les événements régionaux ont profondément modifié la perception de la vulnérabilité d'Israël. Des épisodes tels que l'opération de résistance du 7 octobre et l'attaque iranienne de représailles du 13 avril ont mis en évidence la dépendance absolue d'Israël à l'égard des gouvernements occidentaux - tant pour les armes que pour la couverture politique - qui ont eux-mêmes recouru à la force pour faire taire les détracteurs du régime.

Par conséquent, toute réflexion sur l'affaiblissement du pouvoir d'influence d'Israël et sur le mouvement mondial de protestation de la jeunesse doit reconnaître et saluer l'efficacité démontrée par l'Axe de la Résistance pour faire progresser la libération nationale palestinienne.

La capacité de convaincre par «le pouvoir d'attraction» requiert une légitimité morale, qu'Israël a irrévocablement perdue en  tuant plus de 34 000 civils dans la bande de Gaza, dont 72% de femmes et d'enfants.

En effet, chaque jour qui passe et chaque nouveau carnage israélien renforcent la puissance d'attraction de la Palestine, contribuant ainsi à la pression mondiale croissante contre l'utilisation disproportionnée de la force par Israël.

source :  The Cradle via  Spirit of Free Speech

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