03/05/2024 reseauinternational.net  3 min #247925

Comment la France a recruté des savants de Hitler

par Nouzille Vincent et Huwart Olivier

Entre 1945 et 1950, plus de 1000 chercheurs allemands, dont certains nazis, ont été «embauchés» par les autorités françaises. Un apport très secret à la reconstruction de l'industrie militaire et aéronautique du pays.  L'Express révèle cette incroyable épopée.

«Regardez comme c'est beau !» De la fenêtre d'un salon campagnard qui surplombe les boucles de la Seine, en aval de Vernon, un petit homme de 86 ans, à l'allure fière et au regard pétillant, montre une immense volute de fumée blanche qui s'élève dans le ciel pâle, au-dessus de la ligne boisée des crêtes. «Ils font encore un essai pour Ariane 5», murmure le vieillard, avant de se rasseoir devant une grande table de chêne, au côté de son épouse, pour feuilleter un classeur de documents jaunis par le temps. «J'ai bien connu tout cela, j'ai bien connu tout cela...», répète-t-il, d'une voix nostalgique mâtinée d'un fort accent germanique. L'homme s'appelle Otto Kraehe. Il est allemand. Pas n'importe quel Allemand.

Entre 1935 et 1945, cet ingénieur berlinois a participé, sur la base secrète de Peenemünde, en mer Baltique, aux recherches de Wernher von Braun, le concepteur des fusées V 2, ces fusées que Hitler lâcha en masse sur Londres et Anvers à la fin de la guerre. Fait prisonnier en 1945 par les Américains, von Braun, scientifique opportuniste et officier SS, devint aux États-Unis le père des programmes spatiaux de la NASA de l'ère Kennedy. «Il rêvait depuis toujours d'envoyer une fusée sur la Lune. Il a réussi», ironise Kraehe.

120 anciens de Peenemünde ont suivi leur patron outre-Atlantique.

Plus de 200 ont été embarqués de force par les Soviétiques.

D'autres sont restés en Europe. Comme Kraehe.

«Von Braun m'avait promis qu'il me ferait venir dès que possible, raconte à L'Express le retraité vernonnais. Mais, en 1945, j'étais au chômage. Je savais que nous ne pourrions plus mener nos recherches en Allemagne. J'ai appris que la France cherchait des ingénieurs pour reconstituer des V 2. Les conditions étaient bonnes. Alors, j'ai signé un contrat avec le ministère de l'Armement.

J'ai commencé à Puteaux, puis j'ai rejoint une soixantaine d'Allemands au Laboratoire de recherches balistiques et aérodynamiques [LRBA], créé à Vernon en mai 1946. Au début, les gens du coin se demandaient ce que nous bricolions dans nos baraques cachées dans la forêt. Nos tests de fusées faisaient un bruit monstre et dégageaient d'épaisses fumées. Et puis tout le monde s'est habitué à notre présence. J'ai été le premier à me marier avec une jeune femme de la région, en 1950. Je suis reparti en Allemagne en 1958, avant de revenir en France en 1963 et de m'installer ici pour ma retraite.

Mes collègues restés au LRBA ont mis au point la fusée Véronique et le moteur Viking des fusées Ariane».

source :  La Cause du Peuple

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