06/05/2024 reseauinternational.net  11 min #248065

Traité pandémies : La com' à la rescousse de l'Oms

par Essentiel News

La grippe aviaire tombe à pic !

La semaine dernière, l' Organisation des Nations unies a lancé une alerte au sujet de la grippe aviaire, avertissant que le taux de mortalité chez l'homme était «extrêmement élevé». Dans la foulée,  Jeremy Farrar, le scientifique en chef de l'OMS, a exprimé de «fortes craintes» que la maladie ne développe une capacité de transmission d'homme à homme.

Ces annonces arrivent au moment où l'OMS se démène pour achever la rédaction des « Accords sur la prévention et la réponse aux pandémies» et la révision du Règlement sanitaire international avant la 77ème Assemblée mondiale de la Santé qui démarre le 27 mai. Hasard du calendrier ? Elles interviennent également alors que l'on constate une opposition croissante à la signature de ces textes. Du coup, les systèmes de surveillance proclament leur efficacité, la presse fait du tam-tam et les experts recommandent déjà de lancer la production de vaccins en masse.

Accords disputés

À l'approche de la date limite de négociation du «traité pandémies» de l'OMS, les alertes sanitaires sont à nouveau dans les médias. En effet, c'est à la fin du mois de mai que les nations se réuniront pour voter un «Accord sur les pandémies» et des amendements au Règlement sanitaire international (RSI) qui devraient conférer à l'OMS une plus large autorité en matière de gestion des urgences sanitaires, avec un budget annuel souhaité de plus de 30 milliards de dollars.

Les instruments proposés engageraient les pays à remplir une série d'obligations à chaque fois que l'OMS déclarerait une menace pandémique réelle ou potentielle. Ils permettraient aussi de déployer à grande échelle la nouvelle industrie de la pandémie : produits ARNm, nouveaux médicaments, échange et commercialisation des agents pathogènes à «potentiel pandémique», sans oublier le très juteux marché de «la santé numérique» avec la collecte et l'exploitation des données de santé.

Mais ils sont de plus en plus nombreux à contester ces projets qui compromettent la souveraineté nationale et l'exercice des droits fondamentaux. Récemment,  des États américains comme la Louisiane ou l'Oklahoma ont annoncé ne plus se soumettre aux décisions de l'OMS et une frange croissante de la classe politique européenne, de nombreux collectifs citoyens et associations de défense de la santé rejettent ces traités.

Par ailleurs, les textes ne sont pas prêts, puisque, selon l'article 55 du Règlement sanitaire international, ils doivent être soumis aux parties signataires 4 mois avant le vote. Or, ce délai est expiré depuis le 27 janvier.

Alarmisme

Tout se passe comme si, à quelques semaines de l'Assemblée mondiale de la Santé, le  virus influenza A ou virus de la grippe aviaire arrivait à point nommé pour raviver la peur des virus et remettre la pression sur les négociations. Curieusement, il s'agit d'un scénario qui se répète. Car la même situation s'était déjà produite en mai 2022 avec l'alerte sur la variole du singe, déclarée par le directeur de l'OMS au moment où il s'agissait justement de voter en urgence les premiers amendements au Règlement sanitaire international.

Cette fois, il n'y a ni malades, ni épidémie, seulement un risque «potentiel» qu'une maladie animale évolue et développe «une capacité de transmission d'homme à homme».

Mais le contexte suffit manifestement pour que la presse relaie aux quatre coins de la planète, jusqu'à les amplifier parfois, les angoisses de l'expert en chef de l'OMS,  Jeremy Farrar. Des médias autorisés comme  le New York Times,  Le Monde,  Le Matin,  Le Soir en ont fait des gros titres.  Le Daily Mail a même écrit que le virus pourrait être «100 fois pire que le Covid».

«Menace de mort». Dossier spécial : la course pour éviter les pandémies
(+ bandeau : Irak est-il trop tard pour gagner la guerre) ?
Couverture de Time Magazine de septembre 2005 !

Appels aux vaccins

S'il n'est pas prouvé que ce récit médiatique s'avère un plaidoyer planifié en faveur de l'OMS et de la signature des Accords sur les pandémies, rien ne permet d'affirmer le contraire non plus.

En Belgique, par exemple, l'infectiologue  Yves Van Laethem, un des experts de la pandémie, n'hésite pas à affirmer que «cette fois l'OMS s'y prend à temps». À ses yeux, l'industrie pharmaceutique devrait prendre les devants et se tenir prête à enclencher la fabrication de vaccins, pour les livrer encore plus rapidement. Il estime aussi urgent de relancer les systèmes de surveillance et de détection des infections.

Masques et «black-out total» : les Belges sont invités à se tenir prêts à toute éventualité. Il leur est suggéré qu'un vaccin ARNm fabriqué en quelques mois permettra d'éviter des mesures plus contraignantes.

À l'OMS, Jeremy Farrar, dont les recherches antérieures ont justement porté sur la grippe aviaire, poursuit le discours en le rendant plus réaliste : le développement des vaccins «n'est pas au point où il devrait être».

Vaccins pandémiques en stock

Des propos qui surprennent dans la mesure où les États-Unis disposent actuellement de trois vaccins H5N1 approuvés par la Food and Drug Administration (FDA) et stockés dans le  Strategic National Stockpile. Il s'agit de vaccins fabriqués par Sanofi, GSK et CSL Seqirus. Selon les autorités fédérales, si le virus H5N1 devait se propager largement parmi les humains, le gouvernement américain pourrait distribuer suffisamment de vaccins en quatre mois pour  inoculer un cinquième de la population américaine.

En Europe, l'Agence européenne des médicaments (EMA) a aussi  approuvé deux vaccins «pandémiques» contre la grippe aviaire H5N1, fin février. Il s'agit de Celldemic et Incellipan, développés par Sequiris.

Retour de l'ARNm

Mais, il y a plus d'un an, le magazine  Scientific American, rapportant déjà que «les fabricants de vaccins se préparent à la grippe aviaire», indiquait que la confiance dans les stocks américains de vaccins antigrippaux à base d'œufs était remise en question. La technologie de l'ARNm avait été présentée comme plus prometteuse en raison de sa «rapidité de production», à savoir quelques semaines seulement.

Autre signe de fébrilité, en Chine, des chercheurs viennent d'annoncer la création d'un vaccin à nanoparticules d'ARNm à 10 valences. Ces «supervaccins» codent des protéines provenant de quatre virus de la grippe saisonnière de deux virus de la grippe aviaire à potentiel pandémique et de protéines de pointe provenant de quatre variantes du SRAS-CoV-2. Ils ont déclaré que deux doses de FLUCOV-10 «ont déclenché des réponses immunitaires robustes chez les souris» contre les 10 virus concernés. Les fabricants de vaccins sont donc tous sur les starting-blocks.

Critères d'urgence élargis

Tous ces nouveaux développements interviennent au moment où l' OMS annonce avoir élargi sa définition des agents pathogènes aéroportés.

 Selon l'OMS, cette nouvelle définition vise à éliminer toute confusion sur la manière de «décrire la transmission par l'air d'agents pathogènes susceptibles de provoquer une infection chez l'homme», afin de mieux prévenir la transmission. Les termes «transmission par voie aérienne» et «transmission par aérosol» ayant souvent été confondus pendant la pandémie de Covid-19.

Pour remédier à cette confusion, le «document de consensus» établit une nouvelle norme selon laquelle toute maladie infectieuse qui se propage dans l'air, quelle que soit la taille des «particules respiratoires infectieuses», est considérée comme un agent pathogène transmissible par l'air.

La position précédente de l'OMS était que seuls un petit nombre d'agents pathogènes se déplaçant en petites gouttelettes sur de grandes distances, comme la tuberculose, étaient considérés comme «transmissibles par l'air».

La nouvelle classification supprime la limite relative à la taille des particules ou à la distance sur laquelle un agent pathogène peut se propager. Elle permettra donc d'imposer plus facilement des «mesures de prévention et de réponse aux pandémies» pour un plus grand nombre de particules respiratoires infectieuses.

La pandémie animale zoonotique mondiale

Le  séquençage génomique du virus chez un patient du Texas qui avait été infecté par une volaille a montré qu'une mutation dans le génome du virus a rendu la grippe plus susceptible de toucher les mammifères. Toutefois, les autorités maintiennent que le risque pour l'homme reste faible.

Selon Jeremy Farrar, nous assistons déjà à une pandémie animale zoonotique mondiale :

«La grande inquiétude est bien sûr qu'en infectant les canards et les poulets, puis de plus en plus de mammifères, ce virus évolue et acquiert la capacité d'infecter les humains, puis, de manière critique, la capacité de passer d'un humain à l'autre».

Les rapports faisant état de cette évolution ont conduit à demander à l'USDA de partager les séquences génomiques du virus prélevées sur divers animaux. L'agence a répondu en rendant publiques 239 séquences du virus.

Les consultants en planification pandémique ont salué cette initiative. Selon  STAT News, elle devrait permettre de déterminer si le virus a acquis des mutations qui facilitent sa propagation, éventuellement à l'homme.

Le bétail et la nourriture

Les médias grand public se sont joints aux Nations unies pour qualifier les épidémies de grippe aviaire chez le bétail d'importants problèmes de santé publique. Les nouvelles sur la circulation de l'infection parmi le bétail s'enchaînent. Certains experts se sont demandés si le lait cru ou même pasteurisé pouvait contenir des niveaux élevés de virus de la grippe aviaire et s'il était encore sûr.

Bien que la grippe aviaire H5N1 ait été détectée pour la première fois en 1996, depuis 2020, d'autres foyers se sont déclarés dans des élevages de volailles, chez des oiseaux sauvages et des animaux terrestres et marins. En 2022, des  millions de poulets avaient été abattus. Début avril, les Américains ont été avertis que les œufs de poules potentiellement infectées par le virus aviaire devaient être bien cuits, puis les  médias ont rapporté qu'un ouvrier d'une ferme laitière américaine au Texas avait été infecté par la grippe aviaire.

La presse insiste : en faisons-nous assez ?

Le 30 avril, l'ONU a organisé  une conférence de presse sur deux sujets : la situation dramatique de la guerre à Gaza sur les enfants au Liban et la situation sur la grippe aviaire. Le Dr Wenqing Zhang, responsable du programme de lutte contre la grippe à l'OMS a expliqué que pour l'instant l'alerte est à un niveau bas, et qu'elle ne concerne que huit États aux États-Unis, mais que des mesures de surveillance doivent être renforcées.

Une correspondante de l'agence Reuters a alors déclaré que «les États-Unis ont été critiqués pour n'avoir pas été assez réactifs» et a demandé si c'est également le point de vue de l'OMS ? L'experte a expliqué que toutes les mesures de suivi et de coordination entre les différentes agences sanitaires semblaient fonctionner. Son collègue Christian Lindmeier a confirmé que «tout cela prouve que le système de détection et de surveillance marche», comme si cette alerte à la grippe aviaire était une sorte de «test de vérification du procédé» avant validation dans les Accords.

Enfonçant le clou, Jamie Kitten, un journaliste de l'agence Associated Press, a insisté en répétant par deux fois la même question : «Pensez-vous vraiment que les États-Unis ne devraient pas être critiqués pour leur réponse à la situation ? N'ont-ils pas eu la moindre défaillance ? Ne pensez-vous pas que les États-Unis devraient en faire plus ?»

Et un troisième intervenant a demandé si «plus spécifiquement, le partage des informations par les États-Unis était suffisant» ?

On chercherait à alarmer la population et à réclamer plus de mesures de sécurité et de contrôle que l'on ne s'y prendrait pas autrement.

Après avoir tant crié au loup, peut-on encore espérer crier à la poule ?

source :  Essentiel News

 reseauinternational.net

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